5 leçons de Photographie avec Stephen Shore
Stephen Shore (né en 1947 à New York) est un photographe américain célèbre pour avoir participé à partir de 1972 à la reconnaissance de la photographie couleur comme art à part entière dans les musées et les galeries d'art à une époque où le noir et blanc était encore prédominant.
Il est notamment connu pour avoir eu trois photos achetées par Edward Steichen, administrateur du Museum of Modern Art (MoMA) de New York alors qu'il n'avait que 14 ans. Par ailleurs, il rencontre à 17 ans Andy Warhol, et photographie la Factory et son monde de 1965 à 1968.
Stephen Shore se considère avant tout comme un artiste, il s'est insurgé contre l'esthétisme qui dominait la photographie américaine de l'époque. Pour lui, tout mérite d'être photographié, sans distinction aucune. Son œuvre est ainsi constituée de photographies de paysages aussi bien que de clichés de ses repas dans des hôtels miteux du Texas. Sa démarche était particulièrement novatrice, et comme pour son contemporain William Eggleston, le choix de la couleur participe de cette lutte contre l'esthétisme, au profit d'un regard plus objectif sur la réalité de l'Amérique.
Stephen Shore est également un des meilleurs professeur de photographie qu'il m'ait été donné de découvrir. La simplicité et la pertinence de l'analyse qu'il propose dans son livre "Leçon de Photographie" en font pour moi un livre majeur. Les principes expliqués sur la nature d'une photographie sont essentiels pour tout débutant en photographie.
Parmi les différentes interviews de Stephen Shore, je vous propose ici les passages que j'ai trouvés les plus intéressants de ses échanges avec David Campany, écrivain et curateur d'expositions.
Ambition et inspiration
David Campany : Avez-vous reçu un quelconque enseignement artistique à l'école?
Stephen Shore : Non. J'avais pris des cours d'Art, mais je ne crois pas qu'il y ait une quelconque relation avec mon intérêt pour les photographies. [...] Je développais les instantanés familiaux dès l'âge de 6 ans, vers 8 ans j'ai naturellement commencé à prendre des photos.
DC : Ça peut être un avantage, de n'arriver sans aucun bagage ou histoire avec le medium.
SS : Oui. Si vous avez de l'ambition.
DC : Votre ambition culturelle venait d'où ?
SS : Nous vivions dans une maison d'appartements, l'homme vivant à l'étage était très cultivé-à la tête d'un label de musique. Il connaissait mon intérêt pour la photographie, et pour mon dixième anniversaire il me donna un exemplaire d'American Photographs de Walker Evans.
DC : Wow, commencer au sommet. C'est un livre difficile à beaucoup de points de vue.
SS : Oh oui. Je suis reconnaissant qu'il m'ait donné cette avance. Ma vie aurait été changée s'il m'avait donné un autre livre, plus accessible.
in WAYS OF MAKING PICTURES, interview by David Campany
L'ambition est un caractère qui me paraît essentiel pour quiconque a des vocations artistiques dans sa photographie. À dire vrai, probablement pour tout type de photographie.
L'ambition ne correspond pas nécessairement à la volonté d'être exposé ou d'être choisi par les personnes qui dirigent des musées. Quand je parle d'ambition, je pense plutôt au "niveau" de photographie qu'un photographe est susceptible d'atteindre.
Pour produire vos meilleures photos, il est nécessaire d'en avoir l'ambition, parce que cela implique beaucoup de travail. Un travail d'analyse sur les éléments formels qui constituent vos photos, de la composition aux effets de planéité, en passant par tout ce qui constitue la nature d'une photographie. Un travail sur la symbolique et le sens du message ou de l'émotion qui est transmise par vos photos. Un travail gigantesque à la production et à l'édition et la sélection des photos.
Pour la prise de vue, ne vous trouverez des photos exceptionnelles qu'en les cherchant, et en ayant effectué le travail nécessaire sur l'analyse et l'édition de photos.
Photo Stephen Shore - American Surfaces
Photo Stephen Shore - American Surfaces
Photo Stephen Shore - American Surfaces
Photo Stephen Shore - American Surfaces
Lumière et profondeur de champ
David Campany : Beaucoup de photographes ont un problème avec les hautes lumières, les ciels bleus et les tonalités dramatiques des ombres, mais c'est exactement ce que vous préférez.
Stephen Shore : Pour moi, cette lumière du Sud-Ouest Américain communique une clarté d'esprit, donc il y a une attirance psychologique. Ce n'en est pas simplement un symbole, mais aussi une représentation. Aussi, si vous travaillez dans cette lumière assez longtemps, vous devez apprendre à intégrer picturalement ces ombres pour qu'elles ne deviennent pas dominantes dans la photo. Il faut tenir compte structurellement des ombres.
DC : La raison pourrait être aussi physiologique ? Avec beaucoup de lumière, nos pupilles sont plus petites, donc la profondeur du champ de vision est beaucoup plus longue.
SS : Quand on se concentre pour un problème de mathématique, ou pour prendre des photos, les pupilles se dilatent naturellement, et réduisent la profondeur de champ. Quand je me concentre pour prendre une photo, je comprends qu'un espace en trois dimensions se réduit au plan de l'image. Avec les pupilles dilatées, je ne suis pas capable de voir la relation entre l'arrière-plan et le premier plan. Il faut se familiariser avec cela pour que ce ne soit plus une contrainte mentale.
in WAYS OF MAKING PICTURES, interview by David Campany
Stephen Shore évoque ici le travail accompli pour l'exposition puis le livre American Surfaces.
La photographie est en premier lieu une expérience physique, "voir" vient avant la photographie. Il est intéressant de constater que les conditions atmosphériques, la météo, la température, l'humidité ou la pression atmosphérique, vont influencer votre manière de voir.
Cela me rappelle également les nombreux voyages photo où je répète inlassablement qu'une mauvaise météo n'existe pas, il n'y a que ce que nous en faisons en photo.
Photo Stephen Shore - Uncommon Places
Photo Stephen Shore - Uncommon Places
Photo Stephen Shore - Uncommon Places
Photo Stephen Shore - Uncommon Places
Photo Stephen Shore
Photo Stephen Shore
Photographier en couleur
Stephen Shore : Alors que je travaillais sur 'Uncommon Places' en couleur, je déjeunais avec Paul Strand qui me dit, avec la politesse d'un ancien qui parle à un jeune artiste, que l'on ne pouvait pas communiquer les plus hautes émotions en couleur.
David Campany : C'était une opinion bien ancrée à l'époque.
SS : Je me souviens avoir pensé : Que penserait Kandinsky de cette phrase?.
DC : Même s'ils n'étaient pas enthousiastes avec la couleur, beaucoup de photographes étaient équivoques. Walker Evans avait publié de la couleur depuis 1945, mais continuait à dire que c'était vulgaire et uniquement viable artistiquement si le sujet était la vulgarité d'objets ou de surfaces fabriqués par l'homme.
SS : Je comprends ça. Au début des années 80, j'ai réalisé que photographier en couleur la nature jamais touchée par l'homme, est très difficile. Cela pose beaucoup de problèmes. Ceux qui venaient voir mes photos à l'exposition et voyaient simplement une sorte de papier peint. J'ai montré ces photos beaucoup plus récemment, en proposant des tirages légèrement plus grands et encadrés. Ça a retiré le côté "instantanés" mais donné plus de place au spectateur pour bien regarder chaque photo attentivement et la série comme un ensemble.
in WAYS OF MAKING PICTURES, interview by David Campany
Il est curieux aujourd'hui d'essayer de comprendre comment la photographie en couleur a pu être tant dénigrée à une époque pas si lointaine.
Je trouve également passionnant le passage final où Stephen Shore montre l'importance du contexte dans l'expérience d'une photographie pour le spectateur. Un tirage plus grand, un peu d'espace entre les photos, et le sentiment n'est plus le même pour celui qui voit votre travail.
Cela montre également l'importance de penser une série de photographie pour un projet ou une exposition. Chaque photo est importante, son positionnement dans la série l'est aussi parce que le ressenti sur une photo perdure sur la suivante. Enfin ne croyez pas que la taille ou la qualité du tirage soit anodin. J'ai toujours tendance à penser "grand tirage, gros ego" :) mais c'est bien sûr parfois justifié.
Photo Stephen Shore
Photo Stephen Shore
Photo Stephen Shore
La valeur esthétique du sujet
Stephen Shore : J'étais convaincu que la teneur psychologique d'une photo est partiellement communiquée à travers sa structure, que la structure n'était pas seulement une manière de rendre beau quelque chose qui était là, mais qu'elle faisait intégralement partie de l'aspect physique de l'expérience de voir une image.
Je me souviens, en conduisant dans le New Jersey sur une autoroute quelconque, je pouvais voir le World Trade Center depuis une longue distance, et depuis certains angles cela donnait l'impression que les tours étaient trop éloignées et que les proportions étaient fausses. Avec un autre angle, elles étaient rapprochées et ça paraissait naturel. Ce n'est pas une question de savoir si un angle ou l'autre est vrai ou faux, mais qu'il y a des connections physiques, émotionnelles, psychologiques qui se font avec certaines proportions.
D'un autre côté, je ne suggère pas du tout que cela précède le fait, par exemple, qu'une de mes photos où il y a une enseigne d'un restaurant appelé Sambo's, ce qui est clairement raciste.
David Campany : Si on retourne à l'avant-garde des années 20 et 30, on pourrait dire qu'il y avait deux objectifs : montrer la beauté où l'on pensait qu'il n'y en aurait pas, et montrer ce qui n'allait pas avec le monde. Dans les décennies après la seconde guerre mondiale, la photographie sérieuse a commencé à prendre comme sujet principal la vie de tous les jours. Le monde n'est pas sauvé en étant transformé en photo, mais il y a eu la découverte d'une beauté extraordinaire dans des choses ou scènes qui étaient à peine pensées avec une valeur esthétique.
in WAYS OF MAKING PICTURES, interview by David Campany
Si vous avez des aspirations artistiques dans votre photographie, la recherche esthétique sera forcément une question à un moment ou un autre. L'esthétique ne précède pas le message.
Ce n'est pas parce que vous proposerez un paysage en pause longue avec une composition parfaite du bord de mer en Islande que vous échapperez à la symbolique des photos d'Islande en 2021 : c'est un lieu devenu extrêmement fréquenté par des touristes jusqu'au début de l'année 2020, pour l'instant abandonné par une pandémie.
Le choix du sujet et ce qu'en montre une photo prédomine dans l'expérience d'une photographie. Pourtant, l'esthétique est essentiel pour en sublimer le message. La recherche esthétique doit pourtant être au service de votre démarche et de ce que vous souhaitez exprimer.
Photo Stephen Shore - Transparencies
Photo Stephen Shore - Transparencies
Photo Stephen Shore - Transparencies
Photo Stephen Shore - Transparencies
Photo Stephen Shore - Transparencies
Une photo est une illusion
Stephen Shore : Quelque part au milieu des années 80, se posa à nouveau pour moi la dernière question formelle essentielle. Parfois je tombais sur une photo qui donnait à voir une illusion convaincante d'un espace en trois dimensions.
David Campany : Qu'est-ce que cela veut dire "une illusion convaincante d'un monde en trois dimensions" ?
SS :J'utilise ces mots parce que je sais que je suis en train de regarder un bout de papier plat. Donc, c'est une illusion. Je ne suis pas en train de regarder à travers une petite fenêtre un monde miniature. Je dis "illusion" parce que c'est une illusion.
in WAYS OF MAKING PICTURES, interview by David Campany
Pendant dix ans, Stephen Shore se consacra presque exclusivement aux paysages, à la nature. Cette période du travail de Stephen Shore me renvoie aux évolutions de ma photographie depuis 10 ans.
J'ai d'abord été porté dans mes premières années par la volonté farouche d'être dans un démarche narrative, je voulais écrire et photographier et je rêvais de photojournalisme. Je me suis accompli dans un autre secteur, en travaillant pour des agences ou des magazines de voyage.
Du côté de ma photographie plus personnelle, j'ai toujours été un témoin de la rue, du fourmillement de la ville et de ses habitants. Je ne photographiais qu'en noir et blanc. Et pourtant, ce sont des photos d'architecture en couleur, prise sur trépied, de la ville vidée de ses habitants qui ont été propulsées à la vue d'un public plus large. Ces photos m'ont porté pendant 4 ans et je ne travaillais presque plus en photographie de rue.
Aujourd'hui, je suis forcément impacté par le pays où je vis, sa lumière et ses ambiances. Je ne pourrais pas imaginer photographier sans couleurs et sans les compositions plus complexes que je recherche à Salvador.
Photo Stephen Shore
Photo Stephen Shore
Photo Stephen Shore
Photo Stephen Shore
Le talent n’existe pas - la règle des 10 000 heures
Le talent n’existe pas. Plus j’avance dans la photographie plus j’en suis convaincu. Le talent de « voir » n’est pas un don du ciel, c’est une pratique répétée pendant des heures et des heures et des heures, pendant des années. La lecture récente pendant mes vacances du livre « Outliers » de Malcolm Gladwell n’a fait qu’apporter la confirmation [Traduit en Français avec l'horrible titre "Tous Winners"]. J’avais déjà découvert la ‘règle des 10 000 heures’ pendant mon séjour au Mali alors que je débutais en photographie professionnelle, dans ce livre elle est détaillée et expliquée.
Je vous invite à lire Outliers par ailleurs pour comprendre par exemple pourquoi les grands patrons de la Silicon Valley sont tous nés entre 1951 et 1953 ou pourquoi 99% des joueurs internationaux de Hockey sur Glace au Canada sont nés avant le 1er septembre. Outliers explique et analyse les conditions du succès chez ceux qui ont eu la plus grande réussite possible dans des domaines variés et c’est passionnant. Une des conditions du succès, sinon la principale, le point commun entre toutes les personnes qui réussissent et deviennent les meilleurs quelque soit la discipline est la règle des 10 000 heures. En la retrouvant 7 ans après mon premier épisode, je ne pouvais pas passer à côté, voici pourquoi je la trouve intéressante pour votre photographie.
Est-ce que le talent est inné ?
[spoilers] non
Pendant presque une génération les psychologues du monde entier ont débattu la question que la plupart des sociologues considèrent résolue depuis longtemps. Cette question est : est-ce que le talent inné existe ? La réponse évidente est oui.
Et pourtant quand sont analysés les plus grands talents du monde dans tous les domaines possibles, chez ceux qui ont la meilleure performance mondiale ("world class performers"), tous ont un point commun : 10 000 heures de pratique intensive, avec pour objectif de s’améliorer. On ne parle pas uniquement d’une pratique-loisir détachée, ou alors il y aurait des champions du monde du selfie (OH WAIT).
Un des exemples les plus étonnants concerne une étude menée sur des violonistes au début des années 90 par Anders Ericsson et deux collègues de l'Académie de Musique de Berlin. Cette étude sépare en plusieurs groupes des violonistes qui ont à peu près tous commencé au même âge de 5 ans. Les meilleurs ont tous le point commun d’avoir augmenté leur volume de pratique de 2-3 heures par semaine à 4-5 heures puis 7-8 heures, notamment parce qu’ils ont eu accès aux meilleurs écoles. Les meilleurs, à 20 ans, cumulaient TOUS environ 10 000 heures de pratique.
Ce qui est étonnant dans l’étude d’Ericsson est que lui et ses collègues n’ont jamais pu identifié des musiciens « naturels », qui vont sans effort jusqu’au sommet en pratiquant seulement une fraction de ce qu’ont fait les autres. Tout comme ils n’ont pas trouvé quelqu’un qui travaille autant ou plus que les autres et qui n’aient pas ce qu’il faut pour crever le plafond, qui n'aurait pas le talent nécessaire. Ce que montre leur étude est qu’une fois qu’un musicien a ce qu’il faut pour rentrer dans une école de musique, tout ce qui distingue un musicien d’un autre est la quantité de travail.
Toutes les disciplines sont concernées
Dans tous les domaines ces 10 000 heures se retrouvent : le sport, les arts, ou la programmation. Les grands patrons de la Silicon Valley sont tous nés entre 1951 et 1953 parce qu’ils ont eu accès pendant leur adolescence à des écoles qui avaient un matériel informatique rare pour l'époque qui permettait de passer leur pratique de la programmation de 20 Minutes par jour à 8 heures par jour, alors que tout le monde ou presque était bloqué à 20 minutes par jour. Ils ont eu un avantage, celui de pouvoir atteindre les 10 000 heures plus rapidement que les autres.
« Étude après étude, ce qui apparait est que 10 000 heures de pratique sont requises pour être un grand maître [NDLE : world class performer] dans n'importe quel domaine » écrit le neurologiste Daniel Levitin. Que vous soyez compositeur [NDLE oui l’exemple de Mozart prend un coup au passage], basketteur, romancier, pianiste, joueur d’échecs ou criminel, ce nombre revient encore et encore. Bien sûr, certains obtiennent plus de leurs sessions de pratique que d’autre, mais personne n’a trouvé de cas où un grand-maître a accompli son apprentissage en moins de temps.
10 000 heures = 10 ans - Si vous pratiquez quotidiennement
Attention, 10 000 heures est un chiffre énorme. Si vous le rapportez à la photographie, imaginons que vous arriviez à pratiquer 2 heures et demi par jour TOUS les jours de l’année, il vous faudrait 10 ans pour arriver à 10 000 heures. C’est gigantesque, faramineux, au début du chemin ça parait impossible. Bien sûr la pratique de la photographie ne se limite pas à la prise de vue. Édition, développement, assemblage, construction de projet, publication sont pour moi tous constituants de la pratique photographique. Mais tout de même, c’est vertigineux.
Je ne suis pas sûr d’avoir atteint mes 10 000 heures, mais je sais que je m’en approche. Pendant mes premières années, il y a 12 ans, ma pratique était parsemée, irrégulière. Mais pendant plusieurs années j’ai eu la chance de travailler intensément pendant des périodes prolongées. Plusieurs fois pendant 4 à 5 mois je travaillais 7 jours sur 7 avec une moyenne de 8 heures par jour entre des clients institutionnels, différents projets qui venaient jusqu’à moi et des voyages-photo. 4 mois à raison de 8 heures par jour, ça donne environ 1 000 heures.
Autre méthode de calcul : les premières années de photographie que je croyais intensives tournaient à 30 000 déclenchements par an. Quand je cherchais à démarrer mon activité professionnelle je posai la question à un photographe sur le Salon du Chocolat qui était professionnel depuis plus de 10 ans, sa moyenne était de 150 000 à 200 000 déclenchements par an. Chiffre que j'ai atteint pendant mes années professionnelles à Paris. Ça suppose d’avoir les clients pour, mais ça vous donne aussi une idée du volume de photos que vous avez à produire si vous voulez atteindre un grand niveau d’expertise.
Jamais satisfait
Fondamentalement, rien ne vous oblige à viser les étoiles, on peut aussi avoir pour ambition d’être un amateur éclairé qui sait faire un peu de photo. Si j’évoque ces éléments c’est aussi pour que vous ne soyez pas satisfait d’arriver simplement à réaliser quelques bonnes photos ou à travailler sur un projet. Je ne parle même pas de ceux qui restent bloqués sur la technique et la soi-disant performance de leur appareil photo. Vous n’iriez jamais dîner chez un restaurateur qui ne parlerait que de ses casseroles.
10 ans, c’est le tarif. Et même 10 ans après, le chemin ne s’arrête pas, ce n’est pas un statut que l’on gagne, ce n’est pas une médaille. C’est un questionnement permanent : comment vais-je pouvoir réaliser de meilleures photos ? À quoi pourrais-je avoir accès qui permettrait un projet original et intéressant ? Quelle photo ferait la meilleure couverture pour un livre ? Est-ce que j’arriverai à sortir un livre par an ?
Je me rends bien compte que j’ai pris confiance dans ma photographie, je sais où je veux aller pour mon travail personnel et je sais répondre à de nombreuses situations en commande. Je dois reconnaître qu’avoir réfléchi à un programme pédagogique et écrit sur la photographie depuis l’année dernière ont été particulièrement intéressants pour mes progrès. Cela m’a été permis parce que j’ai très peu de clients à Bahia et que j’ai pu y consacrer du temps, mais c’est une bénédiction pour ma photographie personnelle, je n’ai que trop vu des photographes professionnels corporate qui ne sortaient plus de livres ou ne réalisaient plus de projets d’exposition, accaparés par les commandes.
J’ai eu la chance, au début de mon chemin de photographe, plusieurs fois de pouvoir observer au quotidien des photographes professionnels qui avaient beaucoup plus d’expérience que moi. Le contraste était saisissant, et pas uniquement sur la confiance en soi. Il y a chez eux une certitude dans leurs gestes, ils savent ce qu’ils font, pourquoi et comment. Le meilleur exemple que j’ai en tête est lors de mon premier voyage en côte Amalfitaine. J’étais le 2ème photographe qui apprenait la destination avec un groupe mené par Hervé Hughes. Alors que j’avais déjà une certaine expérience en photographie, je n’ai pas pu passer à côté de la rapidité d’exécution d’Hervé et du volume de « bonnes » photos qu’il arrivait à produire.
Quelque soit l’endroit : plan large, plan moyen, plan serré, horizontale, verticale, portrait, détail, paysage, photo de rue, techniques créatives. Tout était fluide et exécuté avec une dextérité parfaite, Hervé est un maître qui a plus de 30 ans d’expérience. Ma seule réserve serait de ne destiner son travail qu’à la commande, un photographe d’agence aurait peut être tendance à ne produire que des « photos d’agence » en oubliant son travail personnel. Hervé n'est pas concerné, avec plus de 14 livres à son actif.
Pratiquez quotidiennement
Et pour vous ? Et bien c’est simple, il va falloir se retrousser les manches et faire des gammes. Manier un appareil photo est facile, produire régulièrement des grandes photos est une performance remarquable, presque impossible. Mais c’est possible. Comment ? En pratiquant tous les jours, au moins 1 heure par jour. Cela n’a pas besoin de n’être qu’une heure de prise de vues, la photographie est constituée de beaucoup d’autres éléments. Si votre travail ne vous le permet pas, utilisez vos trajets, ou vos pauses déjeuner. Un sandwich en 10 minutes et c’est parti pour 3/4 d'heure. Et puis les week-ends. J’aimais tellement mes week-ends consacrés exclusivement à la photographie. Je les aime toujours, ils ne m’ont pas quitté :)
If I knew what made a good photograph, I'd give up photography tomorrow
Martin Parr
Photo Genaro Bardy - La Ville Miraculeuse, New York, 2019
Livre : On Street Photography and the Poetic Image - Alex Webb and Rebecca Norris Webb
Lorsque que j'ai décidé d'emménager ici à Salvador (de Bahia, la ville au Brésil, pas le pays), j'ai à peu près tout laissé derrière moi. Non pas que j'ai accumulé beaucoup avec les années, ce n'est pas la première fois que ça m'arrive, mais j'ai surtout laissé à mes anciens voisins ou quelques amis un grand nombre de livres photo. Je recommence donc ma bibliothèque ici, avec 2 à 3 mois de délai de livraison pour Amazon, ce qui a eu pour conséquence que dans mon impatience j'ai commandé 2 fois le même livre, celui dont je veux vous parler aujourd'hui : "On Street Photography and the Poetic Image" d'Alex Webb et Rebecca Norris Webb.
J'ai pour intention de commenter les livres ayant trait à la photographie de rue sur ce blog. Pas les meilleurs, pas tous, simplement ceux que je possède, en essayant de vous expliquer pourquoi je les trouve importants. J'essaierai de sortir ici quelques leçons que ces livres m'ont permis de retenir sur la photographie et comment ils m'ont permis (j'espère) de devenir un meilleur photographe. J'espère que cela vous sera utile. Si ça devait être le cas, s'il vous plait procurez-vous le livre en question, autant pour vous que pour le photographe.
Photo by Alex Webb
Photo by Rebecca Norris Webb
The Workshop Series
On Street Photography and the Poetic Image d'Alex Webb et Rebecca Norris Webb est édité par la fondation Aperture et n'a pas été traduit en français à ma connaissance, ce que j'écrirai ici sera donc traduit par mes soins, je vous prie par avance d'excuser les imperfections éventuelles.
Ce livre appartient à la collection "Workshop" de la fondation aperture, mais ne vous attendez pas à un atelier pratique avec des éléments techniques ou des méthodes de prise de vues, ce livre est plutôt constitué d'une série de commentaires se référant à une photo ou un moment crucial dans leur vie de photographes. L'ensemble relève plutôt d'une philosophie de la photographie, d'un rapport au monde illustré par certaines des plus belles photographies qu'il m'ait été donné de voir. Avec ce livre, attendez-vous plutôt à rentrer dans la tête des auteurs, à partager leurs réflexions et ce qui les fait avancer. Clairement si vous débutez en photographie vous risquez de ne pas comprendre pourquoi cette collection s'appelle "Workshop". Mais si vous êtes un peu plus à l'aise avec votre photographie, vous aurez accès à quelques recettes magiques qui seront autant des guides pour vos prochaines photos que des inspirations à devenir chaque jour un peu meilleur.
Alex Webb et son épouse Rebecca Norris Webb travaillent ensemble depuis leur rencontre, ce livre distingue très bien leurs deux approches à la fois très différentes et complémentaires. Aux explorations d'Alex, répond la vision poétique de Rebecca.
Je n'ai pas de mots assez forts pour décrire le plaisir intense que me procurent les photographies d'Alex Webb, elles sont si parfaites que je peux les observer et les analyser sans arrêt, je reprends ce livre avec joie régulièrement. Pour ce qui est du travail de Rebecca, je me sens plus proche de sa douceur, de ce je ne sais quoi qu'elle sait voir et provoquer. Ses photos sont plus intimes, elles vont gratter quelque chose au coeur qui laisse une forme de nostalgie quand le livre est reposé. Alex et Rebecca utilisent également d'autres photographies que les leurs, toujours pour illustrer le propos du chapitre ou de la leçon qui fait rarement plus de deux pages.
Photo by Alex Webb
Photo by Rebecca Norris Webb
L'aveugle et le bus
Denis Johnson, le poète et romancier, décrivait un jour son procédé en poésie à Alex Webb. Il vivait dans le désert à la périphérie de Phoenix, et chaque jour un homme aveugle, avançant en tapant avec sa canne, arrivait jusqu'à la station de bus. Quand un bus arrivait, il ne demandait jamais au chauffeur la destination. Il montait simplement dans le premier bus qui arrivait. Pour lui, c'est ça la Poésie.
C'est ce qui rassemble les travaux d'Alex Webb et de Rebecca Norris Webb en photographie. La création d'un livre est un procédé artistique, un parcours créatif qui est intuitif plutôt que rationnel, spontané plutôt que préconçu. Le monde est le collaborateur du photographe dans ce double voyage, le voyage intérieur et personnel et le voyage vers les autres plein d'exotisme.
Cela me rassure pour mon prochain livre
Je réfléchis actuellement à la création de mon prochain livre et ces mots m'aident tellement à prendre confiance. Je voudrais que le prochain livre soit parfaitement préparé mais c'est certainement impossible. J'aimerais qu'il soit lu par le plus grand nombre pour que la photographie continue à être ma vie professionnelle, mais je comprends aussi qu'il doit avant tout être vrai, intime, personnel.
Je voudrais écrire un livre qui soit autant un voyage en photographie qu'un roman, avec les histoires que je voudrais laisser sur papier avant que elles ne s'oublient. Et bien soit, je vais le fabriquer ce livre.
Finalement, nous savons que si vous croyez en votre photographie, cela finira par vous emmener où vous avez besoin d'aller - quelque soit le bus dans lequel vous montez.
Alex Webb
Photo by Alex Webb
La première photographie
Quand je photographie les gens dans la rue - que ce soit à Londres, Istanbul, Madrid, La Havane, Oxaca, Séoul, ou New York, où je vis - la première fois que je déclenche mon appareil c'est comme si je posais une question : Est-ce que je peux prendre une photo ?
Et la deuxième fois : Puis-je prendre une autre photo ? Et ensuite une autre...
Alex Webb
La photographie de rue est une méditation
Ce petit texte est pour moi autant un Haiku qu'un Mantra. Il me rappelle que chaque photographie est un doute, une question que je me pose sur ce que je vois. Il me renvoie également à l'état de concentration, de méditation presque, dans lequel je me trouve en photographie de rue. Après quelques temps je suis entièrement concentré vers l'extérieur, vers la lumière, vers ce que je vais trouver de curieux, de beau, de graphique. Et puis après chaque photo, je passe à la suivante sans savoir si la précédente était digne d'intérêt.
Photo by Alex Webb
L'oeil du photographe
J'étais à l'origine une poète, mais mon écriture m'abandonna après l'université. En regardant en arrière, je pense que le genre de poésie lyrique que j'écrivais alors ne contenait pas assez du monde extérieur - ni de ma curiosité à son égard. Ma réponse à la page blanche a été d'acheter un petit appareil photo et de voyager pendant un an, en espérant que mes photographies seraient l'étincelle de ma poésie quand je retournerais chez moi. À la place, je suis tombé amoureuse de la photographie. J'ai réalisé que l'oeil qui se dirigeait vers ces images dans ma poésie était le même oeil qui regardait à travers l'objectif.
Je pense que Wright Morris, l'auteur et photographe du Nebraska l'a parfaitement dit : "Je ne laisse pas tomber l'oeil du photographe quand je pose l'appareil photo"
Rebecca Norris Webb
La poésie est partout autour de moi
La photographie ne s'arrête jamais. C'est une des merveilles de cette pratique, quand vous posez l'appareil photo vous continuez à voir. Je me surprends depuis que je suis photographe à observer autour de moi ce qui aurait pu paraître complètement anodin, anecdotique, sans aucun intérêt. Un paysage par la fenêtre qui défile depuis une voiture ou un train, une réflexion du soleil dans les vagues, plein de petits détails que je n'avais jamais regardé. Je redécouvre des lieux que je croyais connaître, que je les prenne en photo ou non. Cet oeil du photographe est empli d'une poésie qui me réjouit indéfiniment, elle me procure un plaisir insoupçonné. Je ne pourrai plus jamais m'en séparer.
Photo by Rebecca Norris Webb
Chercher des photographies
Bien que mes photos soient souvent décrites comme complexes, mon procédé en photographie de rue est assez simple. Je ressens, je 'renifle' presque la possibilité d'une photographie. J'essaie de suivre le rythme des rues, parfois en marchant dans des situations, parfois en attendant. Tout dépend de ce que le monde me donne en ce jour particulier.
Cette manière de travailler me rappelle ce qu'un de mes professeurs, Charles Harbutt, écrivait : "Je ne prends pas des photos, ce sont elles qui me prennent... Je ne peux rien faire à part avoir de la pellicule dans mon appareil et être attentif"
Alex Webb
Les photos sont un appel
Rien ne peut mieux décrire le procédé de photographie de rue. C'est une envie qui n'a pas d'objet, on attend ou on avance, puis apparait un instant. Ce moment est kinesthésique, charnel, il a une odeur, un bruit, un goût presque. On pressent que la photo va arriver et puis clic. Un pas de côté, est-ce que c'est mieux ici ? Clic.
Je n'ai qu'à être là, dehors, et à explorer. Les photos apparaitront si je travaille assez.
Photo by Alex Webb
Prenez parti
Dans sa plus simple expression, l'art d'un photographe n'est rien de plus que son regard particulier. Mon regard a tendance à relever du rêve et à être d'une certaine manière de travers, comme si je regardais le monde du coin de l'oeil.
Peut-être parce que j'étais extrêmement timide étant enfant, volant des coup d'oeil de côté, perdue dans mes rêveries. Peut-être que la faute revient à mes lectures, trop de poésie. Quelque soit la cause, j'essaie de suivre les directives d'Emily Dickinson, une de mes poètes favorites :
"Dites toute la vérité, mais prenez parti".
Rebecca Norris Webb
Regarder le monde de travers
J'ai parfois eu tendance à chercher systématiquement une composition parfaite, que tout soit droit, précis et clair. Mais la photographie est une petite musique, une petite histoire personnelle que l'on raconte mieux en se penchant, en cherchant des mélanges ou des reflets incompréhensibles. Parfois la lumière est faible ou insuffisante, ça n'enlève rien à la beauté de ce qui m'entoure.
Je crois qu'il est nécessaire d'expérimenter, de laisser son coeur parler sans chercher à rationaliser, et de regarder le monde de travers. La poésie graphique est une sorte de lâcher-prise, de laisser-aller. Je sais ce que je trouve beau, je dois parfois oublier les règles, les conventions, ou même m'oublier moi-même.
Photo by Rebecca Norris Webb / Blackbirds.
La couleur c'est l'émotion
Comme beaucoup de photographe de ma génération, j'ai commencé à travailler uniquement en noir et blanc, influencé par des photographes de rue comme Henri Cartier-Bresson, André Kertész, Robert Franck, et Lee Friandler. En fait, comme jeune photographe dans les années 70, je regardais la couleur avec mépris, pensant qu'elle ne pourrait qu'être commerciale, loin de la photographie avec un coeur et une âme.
Cependant, au milieu des années 70, j'ai commencé à photographier en Haiti et en Jamaïque, ainsi que le long de la frontière US-Mexique-, j'ai alors réalisé que quelque chose manquait - ce sentiment de lumière brûlante et de couleurs intenses de ces mondes. À cause des endroits où j'avais choisi de photographier - des endroits où la couleur semble être une partie intégrante de la culture et où la vie est souvent vécue penchée et dans la rue - j'ai découvert une manière de travailler avec des couleurs vibrantes, saturées.
J'ai commencé à réaliser que travailler en couleur n'est pas seulement à propos de la couleur. La couleur est émotion. Si le noir et blanc vient du coeur ou de la tête, "la couleur vient du ventre" comme le disait le photographe Belge Harry Gruyaert.
Alex Webb
Couleurs sensuelles
Mes premières années en photographie étaient exclusivement en noir et blanc. J'étais persuadé à l'époque que c'était la seule manière de voir le monde en photo. Je crois maintenant que c'était surtout de l'ignorance et un manque de culture en photo. J'ai développé un travail en couleur quand j'ai souhaité passer professionnel, pour donner plus de cordes à mon arc et pouvoir répondre à plus de demandes.
Maintenant que je vis à Salvador de Bahia, je ne pourrais pas imaginer cette ville sans une couleur que je trouve sensuelle, qui me prend à la gorge. Je travaille actuellement sur un projet qui ferait un lien entre les villes coloniales de Salvador et de Carthagène des Indes en Colombie. Son titre : "My soul so cool by the bath of light". Ce bain de lumière, je crois bien que c'est la couleur.
Photo by Alex Webb
7 poncifs sur la photographie
Certains conseils en photographie sont vus et revus. Creusons un peu et essayons de garder la substance de ces poncifs de la photographie.
1. Ce n'est pas le matériel qui compte, c'est le photographe
C'est très vrai, l'appareil photo n'est qu'un outil créatif, je crois le répéter à longueur de temps. Vous devez reconnaître que si vous pratiquez la photographie, vous pratiquez une forme d'art visuel et le ou la peintre sera toujours plus important que le pinceau, le ou la chef(fe) sera toujours plus important que sa casserole.
Mais si vous débutez en photographie, pendant un certain temps l'appareil sera tout pour vous, car vous aurez tellement à en apprendre. Bon j'ai essayé dans ce livre de vous montrer que ce n'était pas si compliqué, mais il y a tellement de détails techniques ou de pratiques avancées que je n'ai pas abordé ! Il est facile avec le temps de rester enfermé dans la technique et de ne jamais pousser les limites de son art. Je suis le premier concerné, croyez-bien que j'en ai conscience. Et je crois que tout photographe qui avance dans sa pratique comprend vite que l'appareil ne l'aidera pas à réaliser de meilleures photos, qu'il en est le seul responsable.
Internet est tellement rempli d'analyses techniques, les fabricants nous vantent tellement les innovations de leur dernier boitier qu'il peut devenir facile de s'y complaire et d'oublier ce qui constitue le meilleur outil d'un photographe : ses chaussures. Choisissez des chaussures confortables, qui vous permettront de marcher longtemps et loin. Vous verrez plus, vous chercherez plus, vous vous trouverez mieux.
Enfin force est de reconnaître que pour réaliser certains types de photographie, un matériel sera meilleur qu'un autre. En photographie de rue, vous apprécierez la discrétion et la légèreté, mais pour le paysage vous investirez probablement dans un trépied et un porte-filtre, ainsi que dans une optique grand angle, si le sport ou les oiseaux sont vos sujets principaux vous aurez besoin d'une bonne rafale et d'un téléobjectif, peut-être même que vous préférerez avoir un capteur APS-C qui multipliera encore un peu plus votre focale, si vous voulez être portraitiste vous voudrez probablement tester un bon 85mm, juste pour voir. L'appareil photo ne fait pas tout, mais selon le photographe que vous voulez être, vous aurez besoin de mieux comprendre le matériel, c'est bien naturel.
2. Le meilleur appareil est celui que vous avez avec vous
Cette phrase m'a marqué quand j'ai débuté la photographie de rue. A chaque fois que je n'avais pas un appareil avec moi j'étais frustré de ne pouvoir pratiquer. Ici encore cette phrase pourrait vous faire penser que le meilleur matériel photographique est forcément léger et tout le temps avec vous. Encore une fois cette phrase a du sens pour un ou une débutant(e), c'est un bon moyen d'inciter à progresser que de vous dire d'avoir toujours un appareil avec vous.
Et c'est aussi un rappel que vous n'avez probablement pas besoin de changer d'appareil photo pour pouvoir faire ce que vous voulez, quasiment tous les boitiers actuels permettent de pratiquer tous les genres photographiques, ne vous arrêtez pas à cause de votre matériel.
Mais cela ne veut pas dire que le meilleur appareil photo est votre téléphone. Certains photographes sont brillants avec leur téléphone, mais ceux que vous aimez et suivez sur Instagram ? Ils n'utilisent probablement pas leur téléphone pour produire leurs photos.
3. Si votre photo n'est pas assez bonne, c'est que vous n'êtes pas assez près
Cette fameuse phrase est attribuée Robert Capa, que j'espère il n'est pas nécessaire de présenter longuement, étant l'un des photographes de presse et de guerre les plus renommés. Cette phrase est devenue un poncif qui ne s'applique malheureusement pas à tout. C'est souvent vrai en photographie de rue, en reportage ou en photographie documentaire, c'était certainement très vrai pour Capa et le métier qu'il pratiquait. Pour le reste, ça dépend.
Ce conseil est à retenir si vous souhaitez explorer la photographie de voyage ou la photographie de rue, car plus souvent que le contraire un photographe débutant aura peur de s'approcher. Et cette phrase est un très bon mantra si vous débutez en photographie.
4. Zoomez avec les pieds
Encore une fois c'est un conseil que je suis susceptible de donner en photographie de rue, je pense qu'il est préférable d'apprendre à voir avec une seule focale plutôt que de se perdre dans les limbes du zoom. Ainsi le seul moyen de zoomer serait avec les pieds, en s'approchant.
Mais ce serait écarter les innombrables photos que je n'aurais jamais pu faire sans zoom, notamment en voyage quand le sujet que vous avez vu est simplement trop loin, ou quand il est tout bonnement impossible de s'avancer.
5. Evitez la mi journée, préférez l'heure d'or ou l'heure bleue
J'ai rarement vu un conseil plus stupide. Oui l'heure qui précède le coucher du soleil ou qui succède le lever sera plus douce, plus équilibrée, peut être plus agréable à l'oeil pour le portrait ou le paysage. Mais cela voudrait dire de simplement s'arrêter 10 heures par jour ? Non, la lumière de la mi journée est plus dure et plus contrastée et je trouve cela formidable. Vous devrez simplement adapter votre pratique pour la maîtriser et réaliser des photos différentes, mais s'il vous plait ne vous contraignez pas à cette idiotie de croire que la lumière est vraiment meilleure à certains moments. Elle est différente et puis c'est tout.
L'heure bleue serait le seul moment valable pour le paysage urbain ? Je la trouve classique, vue et revue. Et je suis bien heureux d'avoir choisi pour mes villes désertes le moment où il n'y avait personne, pas en fonction d'une heure bleue violette ou rouge.
Dans tous mes workshops, j'aime rappeler qu'il n'y a pas de mauvaise météo, il n'y a que ce que vous en faites.
6. La règle des tiers
Oui bon je sais je vous en ai parlé en introduction de mes 10 règles de composition. Mais je vais renommer cet article. Ce ne sont pas des règles, ce sont des outils qui doivent vous aider à progresser en composition.
Vous noterez d'ailleurs que dans mon article sur la composition la règle des tiers est parfois incompatible avec une autre règle, comme la symétrie. Vous remarquerez également que certainement photos combinent plusieurs règles de composition.
S'il y a bien un poncif sur la composition, c'est la règle des tiers. Mais c'est utile pour un débutant de comprendre qu'il est souvent préférable de ne pas mettre son sujet au centre. C'est aussi une règle qui doit vous apprendre à regarder votre cadre jusque dans les coins. Mais passé l'initiation à la photographie, la règle des tiers devient presque accessoire.
Encore une fois, c'est un outil et pas une règle.
7. Achetez des livres, pas du matériel
Vous voyez où je veux en venir ? Je me répète mais sans matériel, pas de photo. C'est certainement un excellent conseil de vous dire de vous constituer une bibliothèque de livres-photo, c'est un bon moyen de progresser que d'analyser le travail de grands photographes.
Mais une optique va vous couter un minimum de 400€, et si vous me disiez de remplacer les 4 optiques que j'utilise le plus par + de 2000€ de livres-photo, je vous rirais au nez.
Achetez des livres pour progresser, oui c'est sûr. Mais achetez aussi des expériences, des voyages, et un peu de matos pour prendre des photos.
Maidan Revolution - PLATEFORM Magazine #74 Feb 2015
PLATEFORM Magazine - February 2015