5 leçons de photographie avec Henri Cartier-Bresson
Henri Cartier-Bresson est un photographe légendaire, photojournaliste et dessinateur français. Connu pour la précision et le graphisme de ses compositions, il s'est surtout illustré dans la photographie de rue, la photographie documentaire et la représentation des aspects particuliers ou signifiants de la vie quotidienne. Avec Robert Capa, David Seymour, William Vandivert et George Rodger, ils fondent en 1947 l'agence coopérative Magnum Photos.
C’est probablement le photographe le plus mondialement connu, il a inspiré des générations de grands photographes. Je ne crois pas avoir étudié un photographe qui ne le cite comme référence. Henri Cartier-Bresson est le grand maître des grands maîtres, et je n’ai probablement pas besoin d’en dire beaucoup plus.
Je n’ai pas pour objectif de vous présenter le travail ou l’histoire d’Henri Cartier Bresson. Simplement, je vous propose 5 citations d’Henri Cartier Bresson, parfois très connues, commentées. J’ai décidé de scinder cet article en deux, et après le premier sur la composition, voici le second avec des considérations plus générales sur la pratique de la photographie.
5 leçons de photographie avec Henri Cartier Bresson
Aligner la tête, l’œil et le cœur
Photographier, c’est d’abord et surtout mettre ce que l’on voit dans un cadre, et cela a des conséquences. Henri Cartier-Bresson dit ici parfaitement que photographier, c’est d’abord reconnaître le fait lui-même. J’ai vu quelque chose qui m’intéresse, pour des raisons personnelles.
Et, au même moment, je sais reconnaître ce que ça va donner quand c’est mis dans un cadre, ce que Henri Cartier Bresson appelle l’organisation rigoureuse des formes : quels éléments ? quel positionnement dans le cadre ? comment le cadre est structuré ?
Au même moment, ce que j’ai vu qui m’intéresse correspond à un cadre structuré et organisé. Ce cadre visuel ou cette forme “donne sens” au fait, à ce que j’ai vu. Parce que chacun verra des faits différents (la tête) ou trouvera une esthétique (l’oeil) dans des structures de cadre différentes, tout cela s’aligne avec le cœur, et devient personnel.
2. Le choc émotionnel
Je suis partagé par rapport à cette fameuse citation de Henri Cartier Bresson. En premier lieu, c’est une réalité indéniable, certains moments s’alignent parfaitement et parfois je sais que j’ai une photo remarquable à la prise de vue, quand je déclenche. Ainsi, c’est cette photo exceptionnelle qui me prend, qui m’aspire vers elle.
Et en même temps, je suis gêné avec ce bout de phrase : “on ne doit pas prendre une photo”. Pour moi, cela concerne uniquement les photographes qui ont beaucoup d’expérience et qui savent reconnaître quand un déclenchement n’est pas nécessaire. Pendant longtemps, en tout cas pour la phase d’apprentissage, je pense que l’essai permanent est plus utile. Je crois qu’il est nécessaire de beaucoup voire trop déclencher pour essayer des choses, gagner en expérience, pour “voir ce que ça donne en photo” comme le dirait Garry Winogrand.
La pratique de la photographie est une recherche d’une photo exceptionnelle, c’est une succession d’échecs, de tentatives. Évidemment, la volonté de déclencher répond à une sensibilité, une émotion du photographe. On photographie des faits ou des personnes qui nous sont importants, ou du moins qui répondent à une curiosité. Mais, s’il vous plait n’attendez pas que le choc d’une seule photo vous fasse déclencher, ou alors vous ne gagnerez jamais l’expérience de ces milliers de photos qui fonctionnent moins bien.
3. Faire rentrer la photo dans sa vie
Deux aspects que je trouve fondamentaux dans cette phrase d’Henri Cartier Bresson : le carnet de croquis et cette double identité d’une photo qui interroge et décide.
La photographie est un carnet de croquis, un journal de bord visuel de ce que l’on vit. Il me semble important de faire rentrer la photographie dans sa vie, dans son quotidien, et d’arrêter cette tendance que l’on peut avoir de ne photographier que ce que l’on croit être exceptionnel. Les bonnes photographies, il y en a partout et tout le temps, surtout dans le banal et le quotidien, surtout là où on ne regarde plus parce que ça nous est trop familier. Apprendre à être présent dans son environnement quotidien permet de découvrir des photos que l’on ne soupçonnait pas, tous ces moments que l’on disqualifie parce qu’on les a trop vus.
Faire rentrer la photo dans sa vie est aussi un moyen pour tout de suite produire un gros volume de photos qui vous feront progresser, si vous prenez le temps de l’analyse et de l’édition.
Enfin, une photo est un maître de l’instant qui interroge et décide en même temps. Une photographie interroge parce que le cadre exclut des éléments, et souvent les éléments que l’on ne peut pas voir dans une photo, que l’on devine parce qu’ils sont hors champ ou suggérés par le sujet de la photo, sont les éléments qui donnent toute la profondeur à une photo. J’aime une photo qui pose une question plutôt que celle qui y répond. Et en même temps, une photographie est une décision, surtout celle du photographe, de voir et montrer un sujet et une manière de le représenter visuellement.
4. Respecter le sujet
J’aime particulièrement cette phrase d’Henri Cartier-Bresson. La photographie est d’abord une démarche personnelle, intime. C’est un rapport au monde que l’on propose en lui donnant sens. Il faut se sentir impliqué dans ce que l’on photographie. Pour moi, on doit savoir pourquoi est-ce que l’on photographie, ou au moins pourquoi est-ce que l’on montre ses photos.
La photographie est une sensibilité ET la photographie est une discipline, rigoureuse, ce sens de la géométrie et du cadre formel. Enfin la photographie est une concentration, on ne peut pas bien photographier juste en passant, à part les touristes qui ne nous concernent pas ici. C’est une présence que l’on appelle aussi “entrer dans la zone”. C’est une totale concentration vers le monde qui nous entoure, pour chercher une photo.
Enfin, Henri Cartier Bresson explique que la qualité extrême d’une photo est sa simplicité d’expression. Quand une photo est simple à lire, évidente à comprendre, son message n’en est que plus clair. Une bonne photo, c’est quand il n’y a plus rien à enlever.
5. L’arrêt esthétique
Henri Cartier-Bresson retient son souffle à la prise de vue, cela m’emmène vers cet autre moment où l’on retient son souffle : devant une photo exceptionnelle, qui nous touche particulièrement. Cette relation très spéciale que l’on peut nouer avec une photo, la sienne ou celle d’un autre, ou même avec toute oeuvre d’art, est appelée par James Joyce “l’arrêt esthétique”. Dans mes recherches, j’ai trouvé ce commentaire de Rudolf Steiner qui décrit bien l’arrêt esthétique et les différentes fonctions d’une oeuvre d’art :
"Les arts ont cette mission très spéciale et sérieuse de nous engager sur trois fronts. L'art pornographique (qui ne signifie rien de sexuel dans ce cas) fait appel à notre volonté, à travers nos sentiments, tandis que l'art didactique fait appel à notre pensée à travers nos sentiments. Ce sont des formes d'art qui vont trop loin dans la direction du métabolisme ou de l'expérience de la volonté, d'une part, et trop loin dans le sens nerveux ou le processus de pensée, d'autre part, et qui ne résonnent pas pleinement dans le domaine du rythme et de la sensation, où l'on peut se sentir bien. Une épiphanie, comme l'appelait Joyce, dans le calme du cœur peut avoir lieu - ce que l'on appelle l'arrêt esthétique".
Ainsi, la joie physique d’Henri Cartier-Bresson relève pour moi de la volonté, alors que la joie intellectuelle relève de la pensée. Et, parfois, une photo combine les deux, et nous emmène vers une épiphanie, une photo qui nous fait retenir notre souffle. La carrière d’Henri Cartier Bresson nous a fourni quantité de photos, toutes plus exceptionnelles les unes que les autres.
5 leçons de composition avec Henri Cartier-Bresson
Henri Cartier-Bresson est un photographe légendaire, photojournaliste et dessinateur français. Connu pour la précision et le graphisme de ses compositions, il s'est surtout illustré dans la photographie de rue, la photographie documentaire et la représentation des aspects particuliers ou signifiants de la vie quotidienne. Avec Robert Capa, David Seymour, William Vandivert et George Rodger, ils fondent en 1947 l'agence coopérative Magnum Photos.
C’est probablement le photographe le plus mondialement connu, il a inspiré des générations de grands photographes. Je ne crois pas avoir étudié un photographe qui ne le cite comme référence. Henri Cartier-Bresson est le grand maître des grands maîtres, et je n’ai probablement pas besoin d’en dire beaucoup plus.
J’ai une relation particulière avec Henri Cartier Bresson. Quand j’ai débuté en photographie et que j’ai suivi mes premiers cours et ateliers de photographie de rue, j’ai commencé à parler autour de moi de cet enthousiasme. Immanquablement, j’ai reçu en cadeau aux fêtes de fin d’année deux livres qui m’ont marqué à jamais : The Americans de Robert Franck et le Photo Poche d’Henri Cartier Bresson, qui retrace également la biographie du photographe. J’ai été subjugué par les images d’Henri Cartier Bresson et par le pouvoir de la photographie, et je me souviens m’être dit après avoir refermé le livre : “c’est ça que je veux faire”.
C’est amusant d’y repenser et de voir la place qu'a pris la photographie dans ma vie… Je n’ai pas pour objectif de vous présenter ici le travail ou l’histoire d’Henri Cartier Bresson. Simplement, je vous propose 5 citations d’Henri Cartier Bresson, parfois très connues, commentées. J’ai décidé de scinder cet article en deux et de vous proposer le premier uniquement sur la composition, puisque c’est ce pour quoi Henri Cartier Bresson est le plus connu : son sens de la géométrie et la qualité exceptionnelle de ses compositions.
5 leçons de composition avec Henri Cartier Bresson
La composition est intuitive
Rien n’est plus important pour progresser que de savoir analyser une photo. Que contient-elle ? Que se passe-t-il ? Quelle est la symbolique du sujet principal qui y est présenté ? Des sujets secondaires ? Quelle relation est établie visuellement entre les différents plans de l’image ? Quel est le sens de lecture ? Qu’est-ce qui est absent du cadre mais contient du sens ?
Pourtant, cette analyse ne peut se faire qu’après avoir pris la photo, devant une planche contact ou devant Lightroom aujourd’hui. C’est en travaillant vos compositions et en analysant en profondeur vos photos, que vous vous donnerez le plus de chances de pouvoir composer de meilleures photos la prochaine fois que vous en ferez. Parce que la prise de vues est absolument intuitive. On a jamais le temps, en photographie de rue mais aussi en studio ou en paysage avec un trépied. Les moments les plus intéressants passent trop vite et la plupart du temps on n’arrive pas à les recréer ou à se remettre dans les mêmes conditions.
Ainsi, la composition est un des éléments les plus importants, sinon le plus important, mais on ne peut le travailler qu’une fois la photo faite et constater qu’on ne pourra jamais faire mieux… mais ce travail nous permet d’entraîner notre oeil à mieux voir et à saisir des compositions à la volée. Ou plutôt à la sauvette, comme le dirait Henri Cartier-Bresson.
2. Reconnaître le rythme du monde
Cet aspect est particulièrement intéressant, Henri Cartier-Bresson nous propose ici d’apprendre à reconnaître le rythme des choses. II commence par souligner ce que nous connaissons tous de son travail : la rigueur de ses compositions et son sens aigu de la forme. Mais il rattache immédiatement cette forme au message de la photo. Parce que la photographie est une représentation du monde en deux dimensions, on ne peut représenter le mouvement permanent du monde que par un seul instant.
Certains moments représentent mieux le mouvement du sujet que d’autres, apprendre à reconnaître ces instants donnera de meilleures compositions. Ainsi, c’est bien le ou la photographe qui sait observer le rythme du monde. L’appareil n’étant qu’une chambre d’enregistrement des différentes tentatives de saisir l’instant parfait, ou le meilleur représentant de ce rythme.
”La décision prise par l’oeil” d’Henri Cartier-Bresson, c’est notre capacité d’observation et de concentration sur ce qui nous entoure.
3. Trouver l’équilibre
Henri Cartier-Bresson parle ici encore d’intuition et de mouvement : on anticipe ce que va donner une scène dans un cadre, on se projette dans un mouvement en espérant capter quelque chose d’intéressant.
Puis, il dévoile un élément fondamental pour la qualité de la composition d’une photo : l’équilibre. Comment est-ce que les lignes sont placées entre elles ? Quel est le rapport entre les formes géométriques et leurs surfaces dans le cadre ? Quel est le “poids” visuel d’un élément ou d’un autre ? Par exemple, si vous avez un personnage ou des lignes directrices, ce sera un point d’attention qui donnera un sens de lecture à la photo.
C’est un des principaux sujet d’étude que je propose chez des photographes expérimentés qui veulent franchir une étape : la capacité à évaluer l’équilibre d’une photo. C’est une notion qui peut paraître abstraite et qui a souvent besoin d’être démontrée par un recadrage qui propose un meilleur équilibre, même si la photo est parfois profondément modifiée.
4. Fixer un motif géométrique
Cette citation explique plus en détail le concept d’ “instant décisif”, qui est devenu avec les années probablement le plus gros cliché sur Henri Cartier-Bresson ou sur la photographie de rue en général. Certains vous diront que l’instant décisif n’existe pas, d’autres ne jureront que par lui ou diront que c’est simplement le titre en anglais du livre le plus connu d’Henri Cartier-Bresson. Au final, tout cela a assez peu d’importance, je préfère retenir dans cette citation que selon Henri Cartier-Bresson la photographie est d’abord une représentation géométrique.
Ensuite, la photographie est une recherche permanente. On attend, on attend encore, on suit quelqu’un ou un mouvement, on déclenche, on essaye autre chose. Parfois, on a le sentiment d’avoir quelque chose, aujourd’hui il est plus facile de le vérifier sur son écran, mais on en est jamais totalement certain. Henri Cartier-Bresson dit très bien que c’est à l’analyse que l’on peut vérifier que tout est bien en place sur la photo, qu’il ne manque rien ou que rien ne gêne.
Selon que le moment est intéressant ou non, en fonction de la géométrie de la photo, on saura si notre intuition a été décisive, au sens ou tout ce sera bien en place. L’instant décisif n’est pas tant une qualité du photographe, mais décrit plutôt la pratique, faite d’essais et d’erreurs, et cette recherche d’une géométrie parfaite.
5. Ne cherchez pas les effets
Henri Cartier-Bresson était un fervent défenseur de la photo parfaite à la prise de vue, il tenait à ce que ses photos soient publiées telles qu’elles avaient été prises. Le fin cadre noir qui entoure ses photos était la preuve de cette démarche intègre. Cette volonté correspondait au travail de photojournaliste, où un recadrage pouvait modifier le sens de la photo en la plaçant dans un contexte différent.
Le recadrage modifie également les équilibres géométriques, et donc la composition d’une photo. Henri Cartier-Bresson note ici que cela servait rarement la photo, mais surtout cela ne correspondait plus à la vision du photographe. En d’autres termes, un recadrage, c’est comme faire une nouvelle photo. Ce en quoi je suis plutôt d’accord. Mais je dois reconnaître être un pragmatique en la matière. Personnellement, je ne me pose qu’une seule question : est-ce que ce recadrage donne une meilleure photo ? Si la réponse est oui, je recadre.
Avec les années de pratique, j’ai trouvé la focale que je quitterai plus (le 35mm), qui correspond exactement à la manière dont j’aime voir et photographier. Ainsi, je recadre de moins en moins. Mais quand je vois une meilleure photo dans une de mes photos passables, je n’hésite pas, je recadre. Après, je vis assez bien avec ce paradoxe : quand on recadre trop, je trouve que c’est tricher. Quelle est la limite ? À chacun de trouver ce qui lui convient le mieux.
Henri Cartier-Bresson cherchait à donner une vision intègre et fidèle du réel, il disait que le 50mm était le plus proche de la vision humaine. Il nous propose ici de ne pas chercher les effets, par exemple en se mettant au sol. Pour ma part, je garderai les recadrages et les effets, si je crois que cela me permet de proposer une meilleure photo.
7 Leçons sur la photographie avec David Alan Harvey
David Alan Harvey est le photographe qui m'a bouleversé ces six derniers mois, dans un premier temps avec ses photographies, notamment les deux livres que je me suis procurés : « Based on a True Story » et « Cuba » . Il m'a ensuite amené à réfléchir profondément sur ma photographie, avec les différentes interviews et interventions que j'ai pu découvrir.
Pour différentes raisons, David Alan Harvey est devenu ma principale source d'inspiration dans ma photographie. Peut être parce qu'il a travaillé là où je vis ? Surtout parce que sa philosophie et ses photos sont parfaitement alignées avec ce que je souhaite produire et ma manière de vivre.
Qui est David Alan Harvey ?
David Alan Harvey a commencé la photographie très jeune. Son premier projet consistait simplement à documenter sa famille, alors qu'il avait 12 ans. Son premier livre photo était en noir et blanc avec des photos de sa famille et de leurs principaux événements du quotidien. Il dit appliquer toujours les mêmes principes dans ses livres photo depuis.
Son livre suivant et son premier ouvrage publié s'intitule « Tell it like it is » dans lequel il a décidé de passer du temps avec une famille afro-américaine dans un ghetto en Virginie. Pendant un été entier, il est resté avec eux, a vécu avec eux, est allé à l'école avec les enfants et a documenté leur vie. Il avait la volonté de changer la société par son travail - il a vendu les exemplaires de son livre pour collecter des fonds pour l'église afro-américaine locale de cette communauté.
Il a commencé à travailler avec National Geographic et est devenu un des photographes majeurs de la publication, travaillant à travers le monde. Il a enfin rejoint la prestigieuse agence Magnum en 1993, confirmant sa place parmi les plus grands photographes contemporains.
Il a publié de nombreux ouvrages, notamment son livre «Divided Soul» qui documente plus de 20 ans de photographies dans le monde entier.
Je voulais écrire cet article pour partager ce que j'ai appris de David Alan Harvey en photographie. Voici les 7 principaux enseignements.
Photo David Alan Harvey - Rio de Janeiro
Tout sujet est politique
David Alan Harvey a travaillé sur des zones de conflit, mais il n'est pas spécialement reconnu pour ses "photos de guerre". Il parle notamment de son expérience au Honduras, où il déambulait dans la capitale, sans chercher particulièrement le front, il cherchait plutôt à documenter le quotidien des habitants de la ville.
J'aime particulièrement sa vision de la photographie de rue, qui est pour lui un message sociologique sur son époque et sur les modes de vie. Sans chercher forcément une justification pour la photographie de rue que j'aime déjà tellement, cette pratique est fascinante pour ce qu'elle permet de faire émerger. La photographie de rue est une expérience sociologique, même si vous ne publiez pas vos photos.
Photo David Alan Harvey - Mexico
Copier les plus grands
Pour atteindre la maîtrise en photographie, ou dans n'importe quel domaine d'ailleurs, vous aurez besoin de beaucoup de travail, mais également de trouver un ou des mentors. Il n'existe pas d'expert mondial, quelque soit sa spécialité, qui ne se soit trouvé à progresser au contact des maîtres qui l'ont précédé.
La beauté de la photographie est que vous n'avez même pas besoin de côtoyer ou fréquenter vos mentors pour qu'ils puissent vous inspirer. Vous pouvez photographier comme eux, penser comme eux, travailler comme eux, uniquement en observant leurs photos dans leurs livres ou maintenant sur les internets.
David Alan Harvey cite ses références et inspirations de son début de carrière, ils sont très connus : Henri Cartier Bresson et Robert Franck. Deux monuments de la photographie de rue dont les livres à la sauvette et The Americans ont inspiré des milliers de photographes après eux.
David Alan Harvey dit qu'il a essayé de copier ces photographes pendant un moment, avant d'évoluer notamment vers la photographie couleur dont il est devenu l'un des meilleurs représentants. Il se distingue également d'Henri Cartier-Bresson qui était réputé pour être distant avec ses sujets. David a toujours essayé de s'insérer dans la vie des gens, d'aller plus loin et de passer du temps avec eux.
Photo David Alan Harvey - Honduras
Un appareil, un objectif
C'est le seul conseil un peu technique que recommande David Alan Harvey : un appareil, un objectif. Et les garder toujours avec soi. Cela permet notamment d'être rapide et ne rien louper, on ne sait jamais quand une photo intéressante sera là devant soi.
Je ne travaille plus qu'en focale fixe depuis quelques années, mes zooms étant exclusivement réservés à des commandes très spécifiques en architecture ou sur un événement. J'ai encore tendance à jongler entre les focales 28mm et 40mm. Mais je crois que je vais céder dès que je peux sortir de chez moi (je vis au Brésil si vous êtes nouveaux sur ce blog), et me procurer le 35mm dont je rêve pour mon Sony A7.
Sur mon Ricoh GRII, je bascule fréquemment sur la focale 35mm, le 28mm est trop large pour moi quand je ne suis pas dans les rues de New-York.
Commencer en bas de chez soi
David Alan Harvey répète cela à l'envie : vous n'avez pas besoin de prendre l'avion pour prendre de grandes photos. Je suis totalement en phase avec ce principe, la photographie doit d'abord documenter votre vie, pas besoin de s'en inventer une.
Restez à la maison et regardez dans le miroir.
David Alan Harvey
Commencez par photographier dans votre jardin, dans votre arrière-cour, dans la rue en bas de chez vous. Si vous n'arrivez pas à prendre de grandes photos en bas de chez vous, un avion et un pays exotique n'y changeront rien.
David Alan Harvey dit ainsi : "Restez à la maison et regardez dans le miroir". La photographie est aussi un outil d'introspection. Pour lui, en photographie on est témoin d'une scène mais aussi totalement connecté à ce qui se passe devant soi.
Toute photographie est un peu auto-biographique. Sinon pourquoi l'aurions-nous prise ou choisie ?
Photo David Alan Harvey
Le plus intelligent dans la pièce
Lorsque David Alan Harvey parle de son travail pour ce qui est probablement le plus prestigieux des magazines au monde, National Geographic, il raconte avoir été envoyé pour des courtes durées dans des pays dont il ne connaissait rien.
Comment produire une série photographique de haute volée en 15 jours quand on découvre un endroit ? David Alan Harvey mettait un point d'honneur à mieux connaître le sujet ou le lieu sur lequel il photographiait que le journaliste avec qui il travaillait, que l'éditeur qui sélectionnait les photos et les photographes, ou que le rédacteur en chef qui donnait les missions. Il lisait tout ce qu'il pouvait trouver, devenait incollable.
Puis, arrivé à destination, David Alan Harvey explique que pour aller plus loin dans la vie de ceux qu'ils croisaient, il s'inventait une vie sur place. Il se comportait comme s'il était là depuis des années, se faisait des amis, une vie sociale. Cette vie inventée mais bien réelle le temps de son travail l'occupait entièrement, du petit matin jusque tard dans la nuit.
Ses photographies sont les meilleurs témoins de cette méthode radicale.
Photo David Alan Harvey
Comment percer comme photographe professionnel
Voilà probablement le conseil le plus simple et époustouflant que j'ai jamais reçu. Pour percer comme photographe professionnel, il suffit de se donner à soi-même la commande dont on rêve.
Ce conseil me renvoie à la déception qui m'affligeait quand j'ai reçu une réponse négative pour un projet ici à Salvador. Le projet était parfait, passionnant, fait pour moi. C'est décidé, quand je sors de confinement, je m'y colle.
Photo David Alan Harvey
Les niveaux en photographie
David Alan Harvey évoque les différents niveaux de qualité en photographie professionnelle. Là encore, c'est aussi simple que percutant.
Le premier niveau est le niveau "Magazine". Ouvrez le magazine pour qui vous rêveriez de travailler, et demandez-vous objectivement si vous avez le niveau pour leur proposer des photos. L'effet Dunning Kruger qui accentue la sur-confiance des photographes marche certainement au maximum ici, mais si l'on reste lucide on peut s'étalonner.
Le deuxième niveau dont parle David Alan Harvey est le niveau "Livre" ou "Exposition". Nous parlons ici du livre travaillé avec un éditeur ou d'une exposition montée avec une galerie.
Enfin le troisième niveau est le niveau "Musée". Tout cela semble parfaitement cohérent.
Photo David Alan Harvey - Honduras
À suivre
J'ai encore une quantité invraisemblable d'enseignements à partager de David Alan Harvey, j'écrirai probablement la suite. En attendant, je me replonge dans ses livres, et je vous invite à en faire autant.