5 leçons, Photojournalisme Genaro Bardy 5 leçons, Photojournalisme Genaro Bardy

5 leçons de photographie avec Raymond Depardon

Raymond Depardon, né le 6 juillet 1942 à Villefranche-sur-Saône, est un photographe, réalisateur, journaliste et scénariste français. Considéré comme l'un des maîtres du film documentaire, il a créé l'agence photographique Gamma en 1966 et est membre de l’agence Magnum depuis 1979.

Je ne prétends pas ici explorer sa carrière de manière exhaustive, je retiens simplement les textes et réflexions qui ont particulièrement résonné en moi. Ces textes sont principalement tirés du livre Histoires de l’agence Magnum.

Photo Raymond Depardon - © Magnum

Photographier son quotidien

« Je venais d’une famille rurale depuis plusieurs générations. Je pense que la photographie était en moi. Un jour je l’ai découvert, c’est devenu plus fort et je m’y suis réfugié. La photographie était devenue vitale. Elle me faisait exister et me permettait d’exprimer ma curiosité. Je sentais à l’époque que la photographie n’appartenait qu’à moi. C’était le seul monde où j’étais heureux.
J’ai pris mes premières photos vers douze ans, avec l’appareil de mon frère. C’était des images des animaux de la ferme, des matchs de football à l’école. Et puis j’avais une incroyable volonté : un jour j’ai appris que Louis Armstrong venait à Lyon, à trente kilomètres. Je suis parti sans autorisation, presque sans argent et j’ai réussi à me glisser près de la scène. Je photographiais mon univers, les copains, les filles, mes parents, la ferme. La photographie m’a d’abord permis de sentir que j’existais. Tout le monde me disait : « Tu pourras me montrer tes photos ? », et cela m’a donné de la force malgré ma timidité et mon inhibition. »
— Raymond Depardon

Quelqu’un à qui on n’a jamais dit : “Viens à mon anniversaire, et prends ton appareil photo” ne devrait pas vraiment être autorisé à s’appeler photographe. Mais la photographie est pour moi d’abord un plaisir quotidien, une excuse pour voir ou vivre, une raison de créer un peu tout le temps.

Et puis, une belle photo est aussi une œuvre d’art, au sens qu’elle a le pouvoir “d’arrêt esthétique” dont parle si bien Joseph Campbell. Le photographe a le même pouvoir qu’un guitariste : il peut inspirer et transporter, uniquement par la pratique de son art. Oui, je rêve parfois avoir été photographe pendant mon adolescence.

La photographie est un moyen d’expression, c’est une raison de vivre et la création d’un lien social. La seule vraie question, c’est pourquoi tout le monde n’est pas photographe ? OH WAIT.

Photo Raymond Depardon - © Magnum

Photo Raymond Depardon - © Magnum

La photographie est une résistance

« À l’école, j’étais le seul fils de paysan parce que la ferme de mes parents n’était qu’à un kilomètre et demi de Villefranche-sur-Saône et j’étais donc rattaché aux enfants de la ville. J’en souffrais un peu et j’avais un sentiment de résistance et de colère. Je pourrais résumer ça avec une phrase qu’on entendait beaucoup après la guerre : «S’il n’y avait pas de paysans, vous mangeriez des clous. » Gilles Deleuze parle de la création et de la motivation générées par une résistance ; comment la résistance permet de sortir de soi-même. Et je me dis que c’est la chance que j’ai eue, d’avoir été isolé. »
— Raymond Depardon

Raymond Depardon était autant photographe que journaliste, ce qu’il dit très bien plus bas. Cette résistance qu’il évoque est-elle une opinion ou une révolte ? Est-ce que Raymond Depardon montrerait son engagement dans les sujets qu’il traite, plutôt que dans la pratique de la photographie comme art ? Faire de la photographie sa vie, professionnelle ou non, est pour moi une forme de résistance. On ne choisit pas de consacrer sa vie à la photographie par hasard, j’y crois profondément.

Je pense avoir fait le choix de la photographie pour des raisons très personnelles, voire spirituelles, parce que cette pratique est pour moi le chemin qui m’apporte le plus de joie dans ma vie. Mais je l’ai choisie aussi pour résister à ce que je croyais devenir. Les choix au début de ma vie professionnelle correspondait à ce que mes tuteurs voulaient de moi, ou plutôt à ce que j’imaginais qui leur ferait plaisir ou les rendraient fier. Je me souviens avoir voulu travailler dans la communication et la publicité parce que je me disais que je pourrais être au contact de personnes créatives, sans même me rendre compte que je pourrais être cette personne créative.

Quand j’y repense, le plus drôle dans mon parcours est d’avoir travaillé comme commercial pour un studio de photographie sans jamais toucher un appareil ! Quelques années plus tard, je choisissais la photographie comme résistance à la caricature de vie de bureau d’un jeune cadre dynamique qui était devenue mon quotidien.

Photo Raymond Depardon - © Magnum

Photo Raymond Depardon - © Magnum

Photo Raymond Depardon - © Magnum

La lumière, c’est le bonheur et le cadre, c’est la douleur

« Je ne sais pas si la photographie peut changer les choses, mais en tout cas elle donne à voir. Elle permet de mieux se connaître les uns les autres ; et elle me permet de m’extraire des fausses théories sur le monde. Je ne dis pas que j’ai la vérité, mais je pense que cela m’aide à être plus universel, plus tolérant, plus ouvert sur les choses.
Je me souviens d’avoir un jour écrit une phrase sur mes photos de San Clemente, dans des hôpitaux psychiatriques en Italie : « La lumière, c’est le bonheur, et le cadre, c’est la douleur. » La lumière, c’est le bonheur parce qu’on est des chasseurs de lumière, l’essence de la vie repose sur ça. Mais il faut donner un point de vue, faire des choix, et de là vient le cadre.
Mon passé, ma culture, mon parcours, ma solitude, ma vie sentimentale sont des éléments qui déterminent ma façon de cadrer et de voir les choses. C’est assez douloureux. »
— Raymond Depardon

La lumière, c’est le bonheur et le cadre, c’est la douleur.
La lumière, c’est le bonheur et le cadre, c’est la douleur.
[Répéter 10X]

Photo Raymond Depardon - © Magnum

Photo Raymond Depardon - © Magnum

Photo Raymond Depardon - © Magnum

Histoire ou instant décisif

« Comme photographe, je me situe plutôt dans la catégorie des raconteurs d’histoires, je suis dans le récit. Je n’appartiens pas à l’école de l’« instant décisif ». [...] Quand nous étions à Gamma, nous étions plus sensibles aux travaux de Don McCullin qu’on voyait dans les suppléments du Sunday Times qu’à ceux des fondateurs de Magnum, qui étaient un peu abstraits pour nous. L’école française, influencée par Cartier-Bresson, ne nous atteignait pas trop dans les agences de presse. J’étais un photographe et un journaliste. Je vivais avec des événements. »
— Raymond Depardon

Cette distinction entre ces “écoles” de photographies est intéressante. Est-ce que vous cherchez la photographie parfaite ou est-ce que vous cherchez à mieux raconter des histoires et des histoires plus intéressantes ? Cela me renvoie à cette discussion avec un ami photographe dont je tairai le nom puisque nous parlions d’autres. En quelques mots, d’autres commentaient son travail en disant qu’il ne cherchait qu’à “faire des plaques”, qu’il était un photographe de “singles”. Je ne trouve pas qu’il y ait un quelconque problème avec le fait de chercher des photos uniques, fortes, et d’assembler des livres qui aient des structures narratives qui ne soient pas classiques, comme le ferait plutôt un photojournaliste ou un photographe documentaire.

Pour moi cette distinction est exactement la même qu’en littérature où vous trouverez des écrivains de romans et des poètes. Reproche-t-on à Alex Webb de ne faire que des singles ? Je crois qu’il y a la place pour des dramaturges et des romanciers, pour des Alexandrins et des Haïku. J’aime autant Victor Hugo ou James Joyce que William Shakespear. De même, je respecte autant Alec Soth que Jonas Bendiksen, qui ont pourtant des méthodes narratives assez différentes.

Photo Raymond Depardon - © Magnum

Photo Raymond Depardon - © Magnum

Photo Raymond Depardon - © Magnum

Le récit que contient une série d’images

« Je suis retourné à la ferme [de mes parents] en partie parce que j’avais peur d’oublier. Je voulais rendre hommage à mes parents et je voulais aussi montrer qu’il n’est pas nécessaire d’aller au bout du monde pour prendre des photos. En fait, quand j’étais jeune, à la ferme, autour de moi, devant moi, il y avait des photographies à faire et que je n’ai pas prises et je le regrette. Mais je n’avais jamais vu une photo de Walker Evans, je ne pouvais pas savoir.
[...] La façon dont j’ai travaillé sur la ferme et la façon dont je travaille aujourd’hui ne sont pas celles du photojournalisme. Mais c’est toujours de la narration. Je reste intéressé par le récit que contient une série d’images. La narration peut prendre la forme de photographies sur un mur, d’un livre, d’une carte postale. Cela peut être une histoire différente, racontée différemment, mais elle est influencée par le photojournalisme. Je respecte toujours le photojournalisme. On y a tous cru et il nous a permis de voir le Biafra, Israël ou le Chili. Il nous a permis de voir au-delà de nous-mêmes. »
— Raymond Depardon

Quand Raymond Depardon parle de son retour à la ferme de ses parents, dont il tirera le livre La ferme du Garet, je retrouve cette prise de conscience essentielle qui nous amène à photographier ce que nous connaissons le mieux. Ce sont ces photos qui ont le plus de profondeur, et finalement le plus d’intérêt pour les autres.

Si l’on est pas capable de photographier en bas de chez soi, dans son jardin ou dans sa cuisine, comment peut-on prétendre photographier ailleurs ? Un livre photo ne se fait pas en 15 jours de vacances dans un pays plus ou moins exotique. Un projet photo révèle le cœur secret de ce qui est connu.

Photo Raymond Depardon - © Magnum

Photo Raymond Depardon - © Magnum

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Inspiration Genaro Bardy Inspiration Genaro Bardy

5 Leçons de Photographie avec Bruno Barbey

Bruno Barbey est un photographe reporter et journalistefranco-suisse, né le 13 février 1941 à Berrechid au Maroc sous protectorat français et mort le 9 novembre 2020. Il fut membre de l’agence Magnum dès 1966 et membre de l’Académie des beaux-arts de 2016 à 2020.

Fasciné par le cinéma néo-réaliste italien, il débute en 1962 un essai photographique sur les Italiens, en séjournant pendant plusieurs semaines et à de nombreuses reprises en Italie. Ce qui lui donnera l'occasion de réaliser son premier livre et de rencontrer Henri Cartier Bresson et Marc Riboud.

Il serait difficile d'énumérer ici sa longue et brillante carrière, notons que Bruno Barbey est connu pour avoir photographié les révoltes ouvrières et étudiantes de Mai 68. Il a également photographié les émeutes étudiantes à Tokyo. En 1970, il réalise avec Jean Genet un reportage sur les Palestiniens, en 1971 et 1972, il couvre la guerre du Vietnam, notamment la bataille d'An Lộc.

Il amorce en 1972 un travail au long cours sur le Maroc, pays de son enfance, avec le désir de sauver une mémoire en train de se perdre. Plusieurs livres, avec des textes de Jemia et J. M. G. Le Clézio et de Tahar Ben Jelloun, en seront publiés dans les années 1990 et 2000.

En 2016, Bruno Barbey est élu membre de l’Académie des beaux-arts de l'Institut de France, en même temps que Sebastião Salgado et Jean Gaumy, à la suite de la création de deux nouveaux fauteuils dans la section de photographie, ce qui fait de lui un monument de la photographie Française.

La plupart des textes de Bruno Barbey cités ici sont issus du livre Magnum Histoires. Voici 5 leçons de photographie avec Bruno Barbey.

Photo Bruno Barbey

Photo Bruno Barbey

Apprenez à lire le rythme de la rue

« Il y a certains rythmes qu’on apprend à connaître. Quand on est dans la rue, on regarde autour de soi, on est regardé et l’on comprend les signaux qui s’échangent à travers les regards. Le Maroc est visuellement très séduisant mais il exige beaucoup de temps et de patience. Ça fait partie du défi et du plaisir. J’étais récemment en Ouzbékistan, où les gens se laissent facilement prendre en photo. On peut photographier comme on veut sur les marchés et dans les lieux publics, composer comme on veut, en un sens, ce sont des conditions idéales pour un photographe. L’Égypte et l’Inde sont aussi des endroits où il est facile de travailler. Tandis qu’au Maroc, un photographe doit apprendre à se confondre avec les murs. Pour prendre une photo, il faut soit aller vite, avec tous les risques que cela comporte, soit faire preuve d’une patience infinie. Par rapport au temps passé là-bas, j’ai pris beaucoup moins de bonnes images au Maroc qu’à peu près partout ailleurs. C’est le contraire de l’Italie où les gens adorent être photographiés et n’ont pas de complexes devant l’objectif. C’est comme s’ils vous disaient : « Prenez-moi comme je suis. » Cela dit, au Maroc, le jeu n’est pas dépourvu de charme. »
— Bruno Barbey

Chaque culture propose un rapport à l'image différent, et cela aura des conséquences pour la ou le photographe qui travaille dans la rue ou dans des lieux publics. Je garde en mémoire mon premier séjour au Rajasthan, où j'étais interrompu régulièrement dans mes photos pour poser avec des passants ou des touristes Indiens qui cherchaient parfois à lier une amitié.

Ici à Salvador, quand je demande la permission personne ne refuse une photo, mais toutes mes rencontres commencent avec un pouce levé et un sourire béat. Je baisse l'appareil, je discute, je cherche à sortir la personne de la pose. J'essaye de trouver une attitude naturelle ou fidèle à ce que je perçois de la personne. Mais le rapport à l'image est très particulier, partout au Brésil et plus encore à Bahia. C'est alors difficile de retranscrire des ambiances et la vie du Nordeste qui se passe essentiellement en extérieur, dans la rue ou ailleurs, quand tout le monde cherche à poser dès qu'il voit un objectif. Pour d'autres raisons que Bruno Barbey, je cherche aussi à être discret, mais je m'expose à passer pour un voyeur ou un voleur de photos, ce qui est très mal pris par ceux qui s'en rendent compte.

En tout état de cause, ce que je retiens ici est le besoin d'adapter sa pratique photographique à la culture du lieu où l'on se trouve. Sans cette réflexion, on ne peut accéder qu'aux photos basiques vues mille fois ailleurs.

Photo Bruno Barbey

Photo Bruno Barbey

Photo Bruno Barbey

Photo Bruno Barbey

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Se méfier de la compassion et des photos qui changent le monde

« À l’époque, il y avait beaucoup de magazines capables de consacrer entre huit et vingt-quatre pages à un essai photographique dont on pouvait vraiment être fier, et ce fut une période très productive de ma vie professionnelle. J’ai ainsi pu obtenir d’importantes publications dans des magazines comme Life, Paris-Match, Stern et National Geographic. Aujourd’hui le photojournalisme est en déclin. Je le pratique encore : par exemple, pendant l’invasion irakienne, j’ai accepté une commande de Time pour photographier le sud de l’Irak quand les Américains s’en sont emparés en 1991 pendant la première guerre du Golfe. Je me suis intéressé aux marines américains patrouillant les champs de pétrole en feu et souhaitais éviter de montrer les corps Irakiens morts. Je ne pense pas que les photos de cadavres apportent beaucoup à l’histoire de la guerre : on en voit sans arrêt à la télévision. Bien sûr, il faut rendre compte de la guerre, mais c’est devenu une sorte d’industrie. Je suis devenu méfiant envers la « compassion ». Certains photojournalistes privilégient des endroits visuellement forts en espérant que leurs images vont changer le monde, mais je n’en suis pas si sûr, malheureusement. Dans la pratique photojournalistique actuelle, il y a parfois plus de photographes que de combattants, ou plus de photographes que de réfugiés. »
— Bruno Barbey

N'ayant pas le début du commencement de la moitié de l'expérience de Bruno Barbey, j'aurai du mal à commenter cette proposition. Cependant, j'ai également l'impression que la profession de photojournaliste a toujours été au coeur des bouleversements des médias, et ils ont étés permanents depuis que la photographie existe. J'ai le sentiment que chaque nouvelle génération de photojournalistes se réfère aux précédentes comme à un âge d'or utopique où les médias avaient de l'argent qui coulait à flot.

Oui, les temps ont changé. La photographie numérique a facilité l'accès à ce métier. Les réseaux sociaux ont donné la possibilité à certains photographes de devenir leur propre média, de distribuer directement leurs photos. Cela a aussi donné la possibilité je crois à beaucoup plus de monde de pouvoir vivre de la photo par des canaux nouveaux, avec de nouvelles manières de faire. Et je ne peux pas me résoudre à m'en plaindre. C'est ainsi, les manifestations ou les événements médiatiques sont couverts par beaucoup de photographes. La compétition est intense, parfois. Je vois cela comme une obligation à être original, à se remettre en question et à être toujours plus indépendant des clients ou des rédactions.

Je suis peut-être un doux utopiste, mais j'ai la conviction que si l'on travaille sur le sujet qui nous tient à coeur sans avoir de commande, si le sujet est bien traité, les photos exceptionnelles prennent leur indépendance et dépassent complètement le photographe. Une photo peut faire le tour du monde en une journée grâce à ces réseaux tant décriés, et si le photographe n'en tire pas toujours un profit direct, il a la possibilité aujourd'hui de profiter des conséquences et des opportunités que cela lui donne. En revanche, je suis d'accord avec Bruno Barbey, les photos qui changent le monde sont trop rares pour que cela puisse constituer un objectif.

Photo Bruno Barbey

Photo Bruno Barbey

Photo Bruno Barbey

Photo Bruno Barbey

Photo Bruno Barbey

Photo Bruno Barbey

Photographie de rue et droit à l'image

« Aujourd’hui, en France, la photographie de rue devient difficile en raison des nouvelles lois sur le droit à l’image. On m’avait demandé de prendre des photos pour un livre sur Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. J’ai accepté parce que je les avais déjà photographiés. J’habitais Montparnasse où ils avaient passé la moitié de leur vie et j’aimais retrouver les lieux qu’ils avaient fréquentés comme Le Dôme, La Coupole et Les Deux Magots. Mais quand j’ai commencé discrètement à déclencher, un vigile est venu m’interrompre : « Avez-vous contacté notre service de relations publiques pour avoir l’autorisation de photographier ? ».
On ne peut plus photographier librement à Paris. La moitié des images que j’ai prises pour cette commande ont été refusées l’éditeur parce qu’elles représentaient des personnes qu’on pouvait reconnaître. On m’a dit : « Si c’est pour avoir des procès, on ne publie pas. Ou alors vous refaites les photos, mais sans les gens. Pourquoi ne pas prendre la terrasse du café avec les consommateurs de dos ? » Aujourd’hui des avocats opportunistes sont spécialisés dans la traque des photographes pour gagner de l’argent sur leur dos et celui des utilisateurs. »
— Bruno Barbey

Je suis en respectueux désaccord. Les temps ont changé, c'est un fait établi. Il est certainement plus difficile aujourd'hui de pratiquer la photo de rue avec les problèmes que pose le droit à l'image. Mais le droit à l'expression artistique existe, même avec des personnes qui seraient reconnaissables sur les photos. Et le droit à l'image est un droit opposable. Cela veut dire que prendre la photo est autorisé. Vous ne vous exposez à un problème que dans le cas d'une diffusion qui porte préjudice à la personne photographiée, et c'est à elle de prouver ce préjudice.

La principale conséquence néfaste du droit à l'image est ce que certaines personnes croient savoir, y compris d'après mon expérience chez des personnes représentant l'autorité publique. Mais la nécessité de documenter le monde et l'expression artistique des photographes seront toujours pour moi plus importants que ces changements culturels qui font grincer les dents.

Connaissez votre droit et restez droit dans vos bottes. J'irais même jusqu'à dire que j'espère un jour un joli procès médiatique pour faire connaître ces problèmes. Mais les procès ne concernent, oh surprise, que ceux qui attaquent des médias en espérant un joli chèque au bout.

Photo Bruno Barbey

Photo Bruno Barbey

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Travailler avec des écrivains

« Je consacre principalement mon temps à la réalisation de livres et d’expositions. Je m’intéresse aux compositions minimalistes et aux ingrédients simples. J’aime travailler avec des écrivains qui ont une grande connaissance des thèmes que je photographie comme J.-M. G. Le Clézio, Tahar Ben Jelloun, Paul Bowles, Arthur Clarke, Dom Morales et Czesław Miłosz. »
— Bruno Barbey

Je trouve fascinant de voir qu'un des photojournalistes les plus reconnus disent ne s'intéresser qu'à son travail d'auteur et d'artiste. Peut-être que travailler sur l'actualité, ou sur un sujet institutionnel, est surtout un moyen d'améliorer sa pratique. Mais l'objectif d'un grand photographe comme Bruno Barbey était d'être libre de travailler sur les sujets qui le passionnaient. Cette liberté était le fondement de l'agence Magnum, je crois que ces principes sont toujours d'actualités quand on voit les projets que les membres de cette prestigieuse agence mettent en avant.

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Photo Bruno Barbey

Photo Bruno Barbey

La photographie est universelle

« La Photographie est le seul langage qui peut être compris dans le monde entier. »
— Bruno Barbey

Voir vient avant les mots. Je n'avais jamais réalisé que la photographie était un langage absolument universel, compris de tous. Et il est certain que tout le monde peut comprendre la beauté transcendentale des photographies de Bruno Barbey.

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