5 leçons, Photographie de rue Genaro Bardy 5 leçons, Photographie de rue Genaro Bardy

5 conseils en photographie de rue - Masters of Street Photography

La photographie de rue s’apprend d’abord par la pratique. Et si vous voulez avancer dans cette pratique, il me semble plus pertinent d’apprendre la symbolique, la théorie des couleurs ou à développer un essai, plutôt que des pures techniques qui sont vite apprises. Le livre Masters of Street Photography dont il s’agit ici présente les différents photographes selon le style de photos qu’ils adoptent : au flash, contrasté, noir et blanc… à la fin de chaque chapitre, les élément techniques de chaque photo sont inscrits. Je ne vois pas bien en quoi apprendre qu’une photo a été prise au 1/100ème de seconde plutôt qu’au 1/250ème de seconde est utile à quoi que ce soit.

Mais les chapitres sont également accompagnées d’interviews qui permettent au photographe d’expliquer mieux sa pratique. J’ai choisi ici 5 photographes et 5 conseils issus de leurs interviews respectives. Vous pouvez vous procurer le livre Masters of Street Photography en cliquant ici.

Soyez en empathie avec vos sujets - Melissa Breyer

Qu'est-ce qui vous a poussé à incarner des serveuses dans votre série The Watchwomen ?
Est-il important d'être en empathie avec vos sujets ?

« Il y a plusieurs vies, j’ai quitté la Californie et je suis tombé à New York, décrochant un emploi dans un petit restaurant de West Village. Je servaid aux gens des assiettes, leur versais du vin et m’occupais des tâches de service ; et dans les moments calmes entre les deux, j’ai permis à mon esprit de vagabonder. Mes rêveries allaient de peintures que je voulais faire à des conversations imaginées. Les rêveries étaient une merveilleuse façon de remplir les espaces creux pendant mes heures de travail. Maintenant, des années plus tard, chaque fois que je vois des femmes travailler dans des restaurants perdues dans leurs pensées, cela me rappelle ces rêveries. Je me demande, à quoi pensent-elles ? Quelles sont leurs histoires ? Mon imagination commence à créer des récits. Ces femmes sont bien plus que leur travail et je vois leur grâce et leur dignité même dans le plus petit des gestes. J’aime l’idée de figer le cadre - pour faire taire le cliquetis des assiettes et arrêter le dressage d’une table - pour les arracher à leur rôle de serveuses pendant une fraction de seconde et les présenter comme des acteurs dans des scénarios différents.

Pour moi, c’est l’empathie qui donne de l’intérêt aux photos - si nous sympathisons avec nos sujets, nous pouvons les montrer dans un contexte qui me semble juste et nous pouvons montrer leur dignité. Nous leur devons cela puisqu’ils nous servent de modèles à leur insu. D’une certaine manière, les photographes de rue sont des voleurs, avec des instants et des portraits de passants volés. La seule façon de se sentir bien à ce sujet est de s’assurer que nous le faisons avec intégrité - et il semble que l’empathie contribue à garantir cela. Je pense qu’il est assez facile de dire quand un photographe de rue manque d’empathie et que ses photographies semblent superficielles, ou même irrespectueuses. Les photos en disent plus sur le photographe que sur le sujet, et je ne veux jamais que mes photos soient comme ça. »
— Melissa Breyer

Photos Melissa Breyer

Cherchez des scènes originales - Sally Davies

Selon vous, quels sont les éléments clés qui font qu'une photographie de rue "fonctionne" ?

« J’essaie d’éviter les visuels trop utilisés. Il y a trop de photos de parapluies et de personnes passant devant des panneaux d’affichage. Moi aussi, j’ai été coupable de ça, mais on progresse au fur et à mesure. Les temps changent et nous devons changer aussi. Être juge dans quelques concours de photographie m’a montré ce qu’il ne fallait pas faire. Aussi étonnant que puisse être un coup de parapluie, ou une personne avec une longue ombre sur une allée pavée, il y en a trop dans le monde. Et oui, c’est la question que je me pose à chaque fois que j’appuie sur le déclencheur : « Le monde a-t-il besoin de cette photo ? » Parfois, la réponse est non, ce qui me pousse à regarder encore plus attentivement. »
— Sally Davies

Photos Sally Davies

La forme est au service du contenu - Dimitri Mellos

Beaucoup de vos photographies utilisent un fort contraste - quels défis cela crée-t-il et comment les surmontez-vous ?

« Plutôt que de considérer cela comme un défi, j’en suis venu à l’apprécier comme une opportunité. Le fait que sur une photographie vous ne puissiez pas exposer correctement toutes les zones d’une telle scène atteste de la grossièreté de notre équipement photographique par rapport à nos yeux : nos yeux peuvent voir des dégradés et des détails sur toute la surface, mais avec un appareil photo, vous devez soit exposer pour les zones claires ou pour les ombres. Au début, j’ai pensé à cela comme une limitation et un défaut, mais ensuite j’ai reconnu les possibilités esthétiques que cela ouvre. Il y a quelque chose d’émouvant et d’inquiétant dans une image où des visages semblent émerger d’un vide noir, par exemple. En général, je pense qu’il est libérateur de travailler dans les limites d’un support spécifique et de les plier à des fins créatives plutôt que d’essayer de les contourner. Bien sûr, il existe également des risques et des défis inhérents à l’utilisation d’un dispositif formel prononcé comme celui-ci. Plus que tout, il faut toujours se méfier du danger de dériver vers un maniérisme vide de sens ; la forme doit suivre le contenu. »
— Dimitri Mellos

Photos Dimitri Mellos

Aimez l’expérience autant que les photos - Ed Peters

Qu'est-ce qui vous attire dans les images complexes ?

« Déjà, le monde est un endroit complexe. Comme la plupart des gens, j’essaie de lui donner un sens du mieux que je peux, donc je suppose qu’à un certain niveau, vous pouvez interpréter mon travail comme une tentative métaphorique de poser des questions sur les situations confuses dans lesquelles nous nous trouvons tous. À un autre niveau, cependant , je pense que mes photos peuvent être appréciées sur des termes plus formels. Pour moi, l’arrangement du sujet d’une image, dans une composition élégante, offre ses transmet ses propres messages. Bien que la photographie de rue puisse parfois être frustrante, il y a aussi l’expérience joyeuse à attendre lorsque tout se passe bien. Je soupçonne la plupart des photographes de rue d’aimer le processus de création presque autant que les résultats finis. Le fait est que j’aime marteler le trottoir en prévision de ma prochaine bonne photo et je suis excité quand je la trouve. »
— Ed Peters

Photos Ed Peters

Ne demandez pas la permission - Marina Sersale

La photographie de rue peut être intrusive - avez-vous déjà eu l'impression d'envahir la vie privée d'une personne, et cela vous importe-t-il ?

« Je suis d’accord que ça peut être intrusif, et c’est définitivement quelque chose qui compte pour moi, mais en même temps je trouve ce qui se passe dans la rue très intéressant et très inspirant. Je me rends compte que lorsque je photographie des gens dans la rue, je le fais sans leur permission et la plupart du temps sans même qu’ils le sachent. Certaines personnes peuvent penser que ce n’est pas bien, mais pour moi, la limite est de ne pas de photographier des personnes en détresse - je ne suis pas photojournaliste et je ne suis pas payé pour le faire. À part ça, je ne vois pas pourquoi je ne photographierais pas les gens dans la rue. »
— Marina Sersale

Photos Marina Sersale

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5 leçons, Photojournalisme Genaro Bardy 5 leçons, Photojournalisme Genaro Bardy

5 leçons de photographie avec Raymond Depardon

Raymond Depardon, né le 6 juillet 1942 à Villefranche-sur-Saône, est un photographe, réalisateur, journaliste et scénariste français. Considéré comme l'un des maîtres du film documentaire, il a créé l'agence photographique Gamma en 1966 et est membre de l’agence Magnum depuis 1979.

Je ne prétends pas ici explorer sa carrière de manière exhaustive, je retiens simplement les textes et réflexions qui ont particulièrement résonné en moi. Ces textes sont principalement tirés du livre Histoires de l’agence Magnum.

Photo Raymond Depardon - © Magnum

Photographier son quotidien

« Je venais d’une famille rurale depuis plusieurs générations. Je pense que la photographie était en moi. Un jour je l’ai découvert, c’est devenu plus fort et je m’y suis réfugié. La photographie était devenue vitale. Elle me faisait exister et me permettait d’exprimer ma curiosité. Je sentais à l’époque que la photographie n’appartenait qu’à moi. C’était le seul monde où j’étais heureux.
J’ai pris mes premières photos vers douze ans, avec l’appareil de mon frère. C’était des images des animaux de la ferme, des matchs de football à l’école. Et puis j’avais une incroyable volonté : un jour j’ai appris que Louis Armstrong venait à Lyon, à trente kilomètres. Je suis parti sans autorisation, presque sans argent et j’ai réussi à me glisser près de la scène. Je photographiais mon univers, les copains, les filles, mes parents, la ferme. La photographie m’a d’abord permis de sentir que j’existais. Tout le monde me disait : « Tu pourras me montrer tes photos ? », et cela m’a donné de la force malgré ma timidité et mon inhibition. »
— Raymond Depardon

Quelqu’un à qui on n’a jamais dit : “Viens à mon anniversaire, et prends ton appareil photo” ne devrait pas vraiment être autorisé à s’appeler photographe. Mais la photographie est pour moi d’abord un plaisir quotidien, une excuse pour voir ou vivre, une raison de créer un peu tout le temps.

Et puis, une belle photo est aussi une œuvre d’art, au sens qu’elle a le pouvoir “d’arrêt esthétique” dont parle si bien Joseph Campbell. Le photographe a le même pouvoir qu’un guitariste : il peut inspirer et transporter, uniquement par la pratique de son art. Oui, je rêve parfois avoir été photographe pendant mon adolescence.

La photographie est un moyen d’expression, c’est une raison de vivre et la création d’un lien social. La seule vraie question, c’est pourquoi tout le monde n’est pas photographe ? OH WAIT.

Photo Raymond Depardon - © Magnum

Photo Raymond Depardon - © Magnum

La photographie est une résistance

« À l’école, j’étais le seul fils de paysan parce que la ferme de mes parents n’était qu’à un kilomètre et demi de Villefranche-sur-Saône et j’étais donc rattaché aux enfants de la ville. J’en souffrais un peu et j’avais un sentiment de résistance et de colère. Je pourrais résumer ça avec une phrase qu’on entendait beaucoup après la guerre : «S’il n’y avait pas de paysans, vous mangeriez des clous. » Gilles Deleuze parle de la création et de la motivation générées par une résistance ; comment la résistance permet de sortir de soi-même. Et je me dis que c’est la chance que j’ai eue, d’avoir été isolé. »
— Raymond Depardon

Raymond Depardon était autant photographe que journaliste, ce qu’il dit très bien plus bas. Cette résistance qu’il évoque est-elle une opinion ou une révolte ? Est-ce que Raymond Depardon montrerait son engagement dans les sujets qu’il traite, plutôt que dans la pratique de la photographie comme art ? Faire de la photographie sa vie, professionnelle ou non, est pour moi une forme de résistance. On ne choisit pas de consacrer sa vie à la photographie par hasard, j’y crois profondément.

Je pense avoir fait le choix de la photographie pour des raisons très personnelles, voire spirituelles, parce que cette pratique est pour moi le chemin qui m’apporte le plus de joie dans ma vie. Mais je l’ai choisie aussi pour résister à ce que je croyais devenir. Les choix au début de ma vie professionnelle correspondait à ce que mes tuteurs voulaient de moi, ou plutôt à ce que j’imaginais qui leur ferait plaisir ou les rendraient fier. Je me souviens avoir voulu travailler dans la communication et la publicité parce que je me disais que je pourrais être au contact de personnes créatives, sans même me rendre compte que je pourrais être cette personne créative.

Quand j’y repense, le plus drôle dans mon parcours est d’avoir travaillé comme commercial pour un studio de photographie sans jamais toucher un appareil ! Quelques années plus tard, je choisissais la photographie comme résistance à la caricature de vie de bureau d’un jeune cadre dynamique qui était devenue mon quotidien.

Photo Raymond Depardon - © Magnum

Photo Raymond Depardon - © Magnum

Photo Raymond Depardon - © Magnum

La lumière, c’est le bonheur et le cadre, c’est la douleur

« Je ne sais pas si la photographie peut changer les choses, mais en tout cas elle donne à voir. Elle permet de mieux se connaître les uns les autres ; et elle me permet de m’extraire des fausses théories sur le monde. Je ne dis pas que j’ai la vérité, mais je pense que cela m’aide à être plus universel, plus tolérant, plus ouvert sur les choses.
Je me souviens d’avoir un jour écrit une phrase sur mes photos de San Clemente, dans des hôpitaux psychiatriques en Italie : « La lumière, c’est le bonheur, et le cadre, c’est la douleur. » La lumière, c’est le bonheur parce qu’on est des chasseurs de lumière, l’essence de la vie repose sur ça. Mais il faut donner un point de vue, faire des choix, et de là vient le cadre.
Mon passé, ma culture, mon parcours, ma solitude, ma vie sentimentale sont des éléments qui déterminent ma façon de cadrer et de voir les choses. C’est assez douloureux. »
— Raymond Depardon

La lumière, c’est le bonheur et le cadre, c’est la douleur.
La lumière, c’est le bonheur et le cadre, c’est la douleur.
[Répéter 10X]

Photo Raymond Depardon - © Magnum

Photo Raymond Depardon - © Magnum

Photo Raymond Depardon - © Magnum

Histoire ou instant décisif

« Comme photographe, je me situe plutôt dans la catégorie des raconteurs d’histoires, je suis dans le récit. Je n’appartiens pas à l’école de l’« instant décisif ». [...] Quand nous étions à Gamma, nous étions plus sensibles aux travaux de Don McCullin qu’on voyait dans les suppléments du Sunday Times qu’à ceux des fondateurs de Magnum, qui étaient un peu abstraits pour nous. L’école française, influencée par Cartier-Bresson, ne nous atteignait pas trop dans les agences de presse. J’étais un photographe et un journaliste. Je vivais avec des événements. »
— Raymond Depardon

Cette distinction entre ces “écoles” de photographies est intéressante. Est-ce que vous cherchez la photographie parfaite ou est-ce que vous cherchez à mieux raconter des histoires et des histoires plus intéressantes ? Cela me renvoie à cette discussion avec un ami photographe dont je tairai le nom puisque nous parlions d’autres. En quelques mots, d’autres commentaient son travail en disant qu’il ne cherchait qu’à “faire des plaques”, qu’il était un photographe de “singles”. Je ne trouve pas qu’il y ait un quelconque problème avec le fait de chercher des photos uniques, fortes, et d’assembler des livres qui aient des structures narratives qui ne soient pas classiques, comme le ferait plutôt un photojournaliste ou un photographe documentaire.

Pour moi cette distinction est exactement la même qu’en littérature où vous trouverez des écrivains de romans et des poètes. Reproche-t-on à Alex Webb de ne faire que des singles ? Je crois qu’il y a la place pour des dramaturges et des romanciers, pour des Alexandrins et des Haïku. J’aime autant Victor Hugo ou James Joyce que William Shakespear. De même, je respecte autant Alec Soth que Jonas Bendiksen, qui ont pourtant des méthodes narratives assez différentes.

Photo Raymond Depardon - © Magnum

Photo Raymond Depardon - © Magnum

Photo Raymond Depardon - © Magnum

Le récit que contient une série d’images

« Je suis retourné à la ferme [de mes parents] en partie parce que j’avais peur d’oublier. Je voulais rendre hommage à mes parents et je voulais aussi montrer qu’il n’est pas nécessaire d’aller au bout du monde pour prendre des photos. En fait, quand j’étais jeune, à la ferme, autour de moi, devant moi, il y avait des photographies à faire et que je n’ai pas prises et je le regrette. Mais je n’avais jamais vu une photo de Walker Evans, je ne pouvais pas savoir.
[...] La façon dont j’ai travaillé sur la ferme et la façon dont je travaille aujourd’hui ne sont pas celles du photojournalisme. Mais c’est toujours de la narration. Je reste intéressé par le récit que contient une série d’images. La narration peut prendre la forme de photographies sur un mur, d’un livre, d’une carte postale. Cela peut être une histoire différente, racontée différemment, mais elle est influencée par le photojournalisme. Je respecte toujours le photojournalisme. On y a tous cru et il nous a permis de voir le Biafra, Israël ou le Chili. Il nous a permis de voir au-delà de nous-mêmes. »
— Raymond Depardon

Quand Raymond Depardon parle de son retour à la ferme de ses parents, dont il tirera le livre La ferme du Garet, je retrouve cette prise de conscience essentielle qui nous amène à photographier ce que nous connaissons le mieux. Ce sont ces photos qui ont le plus de profondeur, et finalement le plus d’intérêt pour les autres.

Si l’on est pas capable de photographier en bas de chez soi, dans son jardin ou dans sa cuisine, comment peut-on prétendre photographier ailleurs ? Un livre photo ne se fait pas en 15 jours de vacances dans un pays plus ou moins exotique. Un projet photo révèle le cœur secret de ce qui est connu.

Photo Raymond Depardon - © Magnum

Photo Raymond Depardon - © Magnum

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5 leçons, Photographie de rue Genaro Bardy 5 leçons, Photographie de rue Genaro Bardy

5 leçons de photographie avec Ernst Haas

Je suis heureux de pouvoir vous présenter une sélection de photos d’un des photographes que je préfère, qui fait partie des artistes dont j’essaye humblement de m’inspirer dans ma photographie. Les photos d’Ernst Haas sont plus que des photos extraordinaires, ce sont des émotions que j’aimerais arriver parfois à transmettre. Étudier le travail d’Ernst Haas est un plaisir infini, j’espère que ces quelques citations pourront également vous inspirer.

Ernst Haas est un photographe autrichien et américain précurseur de la photographie couleur. Entré dans l’agence Magnum par l’intermédiaire de Robert Capa, Ernst Haas est particulièrement connu pour avoir offert une vision unique et intemporelle de New York en couleur. C’est d’ailleurs le titre du dernier livre assemblé par le Ernst Haas Estate, qui est malheureusement déjà épuisé. Son livre ayant connu le plus grand succès est nommé The Creation, qui fut tirée à plus de 350 000 exemplaires.

Voici une sélection de mes photographies préférées d’Ernst Haas, et de quelques unes de ses citations inspirantes.

La photographie est un voyage dans le temps

« Avec la photographie, un nouveau langage a été créé. Maintenant, pour la première fois, il est possible d’exprimer une réalité par la réalité. Nous pouvons regarder un tirage aussi longtemps que nous le souhaitons, nous pouvons l’approfondir et, pour ainsi dire, renouveler à volonté les expériences passées. »
— Ernst Haas

La photographie est un art extraordinaire qui peut permettre d’aller très au-delà d’un simple souvenir. Une seule photo peut me transporter dans une rêverie lointaine, dans une ambiance et et une émotion indescriptible. Et en même temps, je suis aussi capable de littéralement voyager dans le temps et de me remettre dans un état d’esprit passé depuis longtemps, simplement en parcourant les photographies que j’ai prises d’une période donnée. Créer des photos intemporelles et chargées en émotion comme celles d’Ernst Haas est une de mes chimères en photographie.

Photo ©️ Ernst Haas

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Photo ©️ Ernst Haas

Photo ©️ Ernst Haas

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La photographie est facile, l’art est difficile

« Il y a presque trop de possibilités. La photographie est en proportion directe avec notre temps : multiple, plus rapide, instantanée. Parce que c’est si facile, ce sera plus difficile. »
— Ernst Haas
« Il n’y a que vous et votre appareil photo. Les limites de votre photographie sont en vous, car ce que nous voyons est ce que nous sommes. »
— Ernst Haas

C’est une réalité que j’ai eu du mal à comprendre pendant longtemps : à tout moment, à chaque instant, uniquement autour de moi, là où je suis et pas ailleurs, j’ai une possibilité infinie de photographies et des images extraordinaires qui attendent d’être prises. On a pas besoin d’aller là ou ailleurs pour prendre des photos, même si je trouve mon environnement proche banal et sans intérêt. C’est uniquement une manière de se projeter, le regard que je peux poser sur ce qui m’entoure, qui fera une photo digne d’intérêt. Si je ne sais pas voir des photos dans mon salon, dans mon jardin ou dans ma rue, des sujets que je connais le mieux, je ne peux pas espérer voir des photos intéressantes dans un lieu que je découvre.

C’est ce qui rend la photographie passionnante : faire une photo convenable, pour ne pas dire banale, est extrêmement facile. Et créer une image fascinante est extrêmement difficile, rare, précieux, souvent chanceux. Pourtant, ces deux photos sont exactement au même endroit.

Photo ©️ Ernst Haas

Photo ©️ Ernst Haas

Photo ©️ Ernst Haas

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La photographie comme un nouveau langage

« Nous pouvons écrire les nouveaux chapitres dans un langage visuel dont la prose et la poésie n’auront besoin d’aucune traduction »
— Ernst Haas
« Il n’y a pas de formule pour le style, mais il y a une clé secrète. C’est le prolongement de votre personnalité. La somme de cet ensemble indéfini de vos sentiments, de vos connaissances et de votre expérience. »
— Ernst Haas

Comment décrire un poème de Baudelaire sans en détruire tout ce qui en fait un texte fabuleux ? C’est aussi toute la difficulté avec des photographes comme Alex Webb ou Ernst Haas, où la principale caractéristique est de proposer des images avant tout poétiques. On peut décrire, on peut analyser, mettre des mots sur ce que l’on ressent devant une image, mais rien ne rendra pleinement justice à la photographie d’Ernst Haas.

Au sujet du style, j’ai toujours du mal à fixer un photographe dans un seul genre de photos ou dans une seule manière de voir. Avec un peu d’expérience derrière moi, je suis aussi incapable d’établir un lien entre des projets anciens et ce qui m’occupe aujourd’hui. Les photos que j’ai déjà faites n’ont rien à voir avec celles que j’espère assembler, tout comme ma personnalité a évolué au fil du temps. Ainsi, je crois que ce n’est pas à moi de définir à proprement parler un style, je préfère travailler par projet et sur ce que j’espère raconter ou montrer. En tout cas, les projets sur lesquels je travaille, les photos que je suis amené à produire, et donc le style que je pourrais adopter à un moment donné, sont directement liés à ma personnalité.

Photo ©️ Ernst Haas

Photo ©️ Ernst Haas

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Proposer une vision du monde

« Je préfère être remarqué d’abord pour mes idées et ensuite pour mon œil… »
— Ernst Haas
« Je veux qu’on se souvienne beaucoup plus d’une vision globale que de quelques images uniques parfaites. »
— Ernst Haas
« Seulement une vision - c’est ce qu’il faut avoir. »
— Ernst Haas

Il est difficile d’identifier la vision ou la volonté globale d’un photographe en analysant des photos uniques, aussi parfaites soient-elles. Mais simplement en assemblant une courte série comme celle de cet article, je crois pouvoir identifier une sensibilité et une intention créative, même si j’aurai du mal à le formuler avec des mots. Et puis, dès que vous ouvrez un livre pensé, écrit, assemblé par Ernst Haas, sa vision devient beaucoup plus claire avec la séquence de photos, la manière qu’il a de choisir et de séquencer ses histoires.

Je dois reconnaître ne travailler avec une vision globale que depuis peu de temps. Pour ce faire, je me suis fait aider par un spécialiste, Marc Prüst, qui accompagne des photographes dans leur démarche ou pour l’écriture ou l’édition d’un livre, entre autres activités. Cette démarche fut difficile, un chemin personnel ardu, où j’ai dû me regarder dans le miroir et me demander ce que je voulais vraiment raconter, pourquoi et comment. Je ne saurais trop vous recommander de vous faire aider si vous ne savez pas par où commencer.

Photo ©️ Ernst Haas

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L’art est une nécessité personnelle

« Dans chaque artiste, il y a de la poésie. Dans chaque être humain, il y a l’élément poétique. Nous le savons, nous le ressentons »
— Ernst Haas
« Chaque œuvre d’art a sa nécessité ; découvrez la vôtre. Demandez-vous si vous feriez cette image si personne ne la voyait jamais, si personne ne voulait jamais la voir. Si vous arrivez à un « oui » clair malgré cela, alors allez-y et n’en doutez plus. »
— Ernst Haas

En enseignant la photographie, et plus spécifiquement en accompagnant des photographes sur une longue période, j’ai pris un plaisir infini à voir émerger des artistes. Au-delà de la partie financière et commerciale en photographie professionnelle, trouver la photographie qui vous intéresse change complètement votre perspective par rapport à votre pratique. À titre personnel, j’ai le sentiment d’avoir longtemps produit des photos d’abord pour ceux qui étaient mes clients ou mes partenaires, j’essayais de deviner les photos qui les intéresseraient eux.

J’avais déjà ressenti cela en écriture, mais en réalité rien ne remplace les photos que vous ferez si vous ressentez une absolue nécessité. Cela n’améliorera pas votre ratio de bonnes photos, mais vous irez chercher ces photos plus personnelles qui ne ressemblent qu’à vous.

Photo ©️ Ernst Haas

Photo ©️ Ernst Haas

Photo ©️ Ernst Haas

Photo ©️ Ernst Haas

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Et parce que je ne peux me résoudre à m’arrêter là, voici d’autres photos.

Photo ©️ Ernst Haas

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Photo ©️ Ernst Haas

Je pourrais continuer pendant des heures. Si vous en voulez plus, abonnez-vous au Ernst Haas Estate sur Instagram.

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