5 leçons de photographie avec Hannah Price
Hannah Price est née à Annapolis, dans l’état du Maryland. Aujourd’hui installée à Philadelphie, cette photographe, mais aussi documentariste a consacré des années de sa carrière à saisir les nuances des identités raciales et des perceptions sociétales.
C’est en 2014 qu’Hannah Price est diplômée du programme de photographie de la Yale School of Art MFA, recevant le prix Richard Benson pour son excellence en photographie. Au cours des dernières années, les photos de Price ont été exposées dans plusieurs villes des États-Unis, quelques-unes résidant dans la collection permanente du Philadelphia Museum of Art. Hannah est devenue membre de l'agence Magnum en 2020.
Hannah Price a crée de nombreux projets qui ont rencontré un succès, notamment City of Brotherly Love, de renommée mondiale, qui montre les harceleurs de rue (“catcalling” en anglais), que la photographe a rencontré à Philadelphie.
Dans cet article, j’ai envie de vous faire découvrir Hannah Price à travers 5 leçons de photographie inspirantes.
5 leçons de photographie avec Hannah Price
Avant toute chose, il me paraît important de vous en dire davantage sur le projet Cursed by Night qu’a créé Hannah Price. Cette série a fait l'objet d'une exposition au Philadelphia Photo Arts Center. Voici comment la photographe décrit ce travail :
1- La photographie est plus qu’un art, c’est un appel au changement
Selon Hannah Price, la photographie peut contribuer aux changements des modes de pensée sociétaux actuels, non pas en montrant ou en dénonçant, plutôt en posant une question et en proposant une réflexion. Elle peut, à son échelle, permettre de faire avancer les choses. Cependant, les points de vue sont tellement différents, à travers nos propres expériences passées ou notre éducation, nous développons des idées souvent bien ancrées. La photographie permet tout de même au public de s’interroger, de réfléchir, de percevoir les différences entre la réalité des images et la réalité de ce qu’ils perçoivent eux-mêmes.
2- Le rôle du photographe est de communiquer pour une cause
L’objectif premier d’Hannah Price dans son projet Cursed by Night est de faire réfléchir et de changer les mentalités sur une cause qui lui est importante et très personnelle. C’est aussi ça, la photographie : communiquer visuellement, avec des images plus touchantes, percutantes et significatives. C’est pour elle, une documentation de la vie, et aussi un message politique. Les techniques visuelles qu’Hannah Price utilise dans ses photographies sont là pour accentuer son propos et dénoncer le problème social qu’elle veut montrer. La technique photographique est au service de son message.
3- La photographie s’apprend, mais surtout, elle se ressent
Hannah montre une candeur infinie dans le monde de l’art contemporain, mais je ne pourrai jamais vous conseiller de procéder ainsi. Il me semble primordial de connaître les photographes qui ont travaillé sur le sujet ou le projet qui vous occupe. C’est le seul moyen d’évaluer la qualité de son travail et de vérifier l’originalité du message ou de la proposition qu’il porte.
4- Le quotidien comme inspiration
Avec les années, personnellement je cherche des influences ou des artistes ou photographes que je prends comme modèles en fonction du projet qui m’occupe. Quand j’ai commencé mon livre sur Salvador de Bahia, je suis devenu boulimique du travail d’Alex Webb, notamment au Mexique où je trouvais des lumières et des ambiances tropicales similaires.
Et depuis l’année dernière avec la résidence à Port Fréjus, j’ai travaillé sur un sujet au long cours qui évolue au fur et à mesure de ma pratique et de l’écriture (encore limitée) de mon prochain livre. Mais j’ai toujours deux ou trois photographes qui sont des références pour mon travail, même quand je suis sur un travail plus personnel.
5- Comment approcher ses sujets
Vous pouvez avoir une approche de la photographie de rue qui laisse plus de chance au hasard et à l’exploration, ou simplement prendre l’habitude comme Hannah d’aller voir les gens et de leur expliquer votre démarche. Personnellement, je fais les deux, en fonction de l’envie du moment ou de la nature de la scène.
Mais si vous refusez d’aller parler au gens ou de les prendre en photo, je crois que vous passez simplement à côté de la meilleure des expériences en photographie : les rencontres, la curiosité et l’empathie. Quelque soit le sujet qui vous occupe, on photographie toujours un peu à propos de soi, et jusqu’à preuve du contraire nous sommes des êtres humains.
Allez parler aux inconnus, vous serez surpris de la gentillesse et de l’amitié que vous rencontrerez, surtout envers des photographes ou des artistes.
5 leçons de photographie avec Bieke Depoorter
Originaire de Courtrai, en Belgique, Bieke Depoorter est née en 1986. La photographe a obtenu un master en photographie à l'Académie royale des beaux-arts de Gand en 2009. À 25 ans, elle a été nommée pour rejoindre L’agence Magnum, dont elle est devenue membre à part entière en 2016.
Ses premières photographies sont le résultat d'une approche unique : elle rencontre des gens par hasard et arrive à photographier dans leurs maisons et à capter leur intimité. Bieke Depoorter capture des moments indescriptibles, fragiles et intenses.
1- Proximité et authenticité
Le secret de Bieke Depoorter : l’authenticité. Comment y arriver ? La proximité, l’intimité avec ses sujets… Bieke nous montre que s’immiscer dans le quotidien des gens permet de révéler qui ils sont vraiment. Chez soi, on ne porte plus de masques, il n’y a plus de prétentions, de paraître, nous pouvons être qui nous sommes réellement.
C’est probablement une démarche qui peut faire le plus peur pour des photographes, mais tout comme je vous conseillerai en photographie de rue de commencer à aller parler à des inconnus si vous voulez progresser, si vous êtes intéressés par la photographie documentaire, commencez par frapper à la porte de vos voisins et proposez leur une séance de photos chez eux ou un reportage dans leur activité professionnelle. Vous serez surpris de la facilité avec laquelle les gens acceptent.
C’est exactement la démarche que j’ai proposé à Élodie Sauvage Pieri dans mon groupe de Mentorat l’année dernière, alors que la France était sous couvre-feu, et le résultat fut remarquable.
2- Gagner la confiance de ses sujets
Toute photographie en dit autant sur le ou la photographe que sur le sujet qui est montré. En portrait, le résultat est la conséquence directe de la relation que vous allez établir avec les personnes que vous rencontrerez. Dans la grande majorité des cas, vous ne connaîtrez pas les personnes avant de commencer à les photographier.
Personnellement, pour établir la confiance, je demande simplement quelle est l’histoire de la personne, qu’est-ce qui l’a amené ici ou là, et je suis très attentif à la réponse. Je crois que la confiance se gagne par la preuve, en étant sincèrement intéressé par la personne et curieux de qui elle est. Pour bien voir, il faut parfois savoir écouter.
3- La réalité est plus lumineuse une fois la nuit tombée
Rien ne remplace la nuit, d’abord pour tout ce qu’elle contient de symbolique, il va sans dire que c’est la nuit qui révèle notre part d’ombre. La lumière ne serait rien sans l’ombre qu’elle crée, de la même manière la nuit sublime toutes les sources de lumière et montre la face cachée de l’humanité. Ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle le “monde de la nuit”.
4- Photographier ses émotions
Voici le meilleur conseil : écouter ses envies, ses émotions. Cela permet d’affirmer son style et de faire ressortir sa personnalité. La vie doit vous inspirer, autant que les grands maîtres de la photographie. L’inspiration vient d’abord de vous-même, car la photographie est une pratique essentiellement intuitive.
(Même si je vous conseillerai toujours de connaître l’histoire de la photographie et ceux qui sont passés avant vous ;) )
5- Considérer les gens comme des acteurs et non des sujets
Depuis quelques années, je parle toujours des personnes dans mes photographies comme étant des personnages. Quel est le langage du corps ? Qu’est-ce qu’ils ont l’air de faire ou de penser ? Même si ce n’est pas conforme à la réalité de ce que je connais du sujet ou de la scène, la seule chose qui importe est ce que montre la photo et ce que ressent le spectateur en étant mis face à ce personnage.
Prendre chaque sujet comme un personnage ouvre également des possibilités infinies dans les techniques narratives pour construire une série de photographies ou un projet.
Le site de Bieke Depoorter - et sur Instagram
5 leçons de photographie avec Ernst Haas
Je suis heureux de pouvoir vous présenter une sélection de photos d’un des photographes que je préfère, qui fait partie des artistes dont j’essaye humblement de m’inspirer dans ma photographie. Les photos d’Ernst Haas sont plus que des photos extraordinaires, ce sont des émotions que j’aimerais arriver parfois à transmettre. Étudier le travail d’Ernst Haas est un plaisir infini, j’espère que ces quelques citations pourront également vous inspirer.
Ernst Haas est un photographe autrichien et américain précurseur de la photographie couleur. Entré dans l’agence Magnum par l’intermédiaire de Robert Capa, Ernst Haas est particulièrement connu pour avoir offert une vision unique et intemporelle de New York en couleur. C’est d’ailleurs le titre du dernier livre assemblé par le Ernst Haas Estate, qui est malheureusement déjà épuisé. Son livre ayant connu le plus grand succès est nommé The Creation, qui fut tirée à plus de 350 000 exemplaires.
Voici une sélection de mes photographies préférées d’Ernst Haas, et de quelques unes de ses citations inspirantes.
La photographie est un voyage dans le temps
La photographie est un art extraordinaire qui peut permettre d’aller très au-delà d’un simple souvenir. Une seule photo peut me transporter dans une rêverie lointaine, dans une ambiance et et une émotion indescriptible. Et en même temps, je suis aussi capable de littéralement voyager dans le temps et de me remettre dans un état d’esprit passé depuis longtemps, simplement en parcourant les photographies que j’ai prises d’une période donnée. Créer des photos intemporelles et chargées en émotion comme celles d’Ernst Haas est une de mes chimères en photographie.
La photographie est facile, l’art est difficile
C’est une réalité que j’ai eu du mal à comprendre pendant longtemps : à tout moment, à chaque instant, uniquement autour de moi, là où je suis et pas ailleurs, j’ai une possibilité infinie de photographies et des images extraordinaires qui attendent d’être prises. On a pas besoin d’aller là ou ailleurs pour prendre des photos, même si je trouve mon environnement proche banal et sans intérêt. C’est uniquement une manière de se projeter, le regard que je peux poser sur ce qui m’entoure, qui fera une photo digne d’intérêt. Si je ne sais pas voir des photos dans mon salon, dans mon jardin ou dans ma rue, des sujets que je connais le mieux, je ne peux pas espérer voir des photos intéressantes dans un lieu que je découvre.
C’est ce qui rend la photographie passionnante : faire une photo convenable, pour ne pas dire banale, est extrêmement facile. Et créer une image fascinante est extrêmement difficile, rare, précieux, souvent chanceux. Pourtant, ces deux photos sont exactement au même endroit.
La photographie comme un nouveau langage
Comment décrire un poème de Baudelaire sans en détruire tout ce qui en fait un texte fabuleux ? C’est aussi toute la difficulté avec des photographes comme Alex Webb ou Ernst Haas, où la principale caractéristique est de proposer des images avant tout poétiques. On peut décrire, on peut analyser, mettre des mots sur ce que l’on ressent devant une image, mais rien ne rendra pleinement justice à la photographie d’Ernst Haas.
Au sujet du style, j’ai toujours du mal à fixer un photographe dans un seul genre de photos ou dans une seule manière de voir. Avec un peu d’expérience derrière moi, je suis aussi incapable d’établir un lien entre des projets anciens et ce qui m’occupe aujourd’hui. Les photos que j’ai déjà faites n’ont rien à voir avec celles que j’espère assembler, tout comme ma personnalité a évolué au fil du temps. Ainsi, je crois que ce n’est pas à moi de définir à proprement parler un style, je préfère travailler par projet et sur ce que j’espère raconter ou montrer. En tout cas, les projets sur lesquels je travaille, les photos que je suis amené à produire, et donc le style que je pourrais adopter à un moment donné, sont directement liés à ma personnalité.
Proposer une vision du monde
Il est difficile d’identifier la vision ou la volonté globale d’un photographe en analysant des photos uniques, aussi parfaites soient-elles. Mais simplement en assemblant une courte série comme celle de cet article, je crois pouvoir identifier une sensibilité et une intention créative, même si j’aurai du mal à le formuler avec des mots. Et puis, dès que vous ouvrez un livre pensé, écrit, assemblé par Ernst Haas, sa vision devient beaucoup plus claire avec la séquence de photos, la manière qu’il a de choisir et de séquencer ses histoires.
Je dois reconnaître ne travailler avec une vision globale que depuis peu de temps. Pour ce faire, je me suis fait aider par un spécialiste, Marc Prüst, qui accompagne des photographes dans leur démarche ou pour l’écriture ou l’édition d’un livre, entre autres activités. Cette démarche fut difficile, un chemin personnel ardu, où j’ai dû me regarder dans le miroir et me demander ce que je voulais vraiment raconter, pourquoi et comment. Je ne saurais trop vous recommander de vous faire aider si vous ne savez pas par où commencer.
L’art est une nécessité personnelle
En enseignant la photographie, et plus spécifiquement en accompagnant des photographes sur une longue période, j’ai pris un plaisir infini à voir émerger des artistes. Au-delà de la partie financière et commerciale en photographie professionnelle, trouver la photographie qui vous intéresse change complètement votre perspective par rapport à votre pratique. À titre personnel, j’ai le sentiment d’avoir longtemps produit des photos d’abord pour ceux qui étaient mes clients ou mes partenaires, j’essayais de deviner les photos qui les intéresseraient eux.
J’avais déjà ressenti cela en écriture, mais en réalité rien ne remplace les photos que vous ferez si vous ressentez une absolue nécessité. Cela n’améliorera pas votre ratio de bonnes photos, mais vous irez chercher ces photos plus personnelles qui ne ressemblent qu’à vous.
Et parce que je ne peux me résoudre à m’arrêter là, voici d’autres photos.
Je pourrais continuer pendant des heures. Si vous en voulez plus, abonnez-vous au Ernst Haas Estate sur Instagram.