Genaro Bardy Genaro Bardy

Pourquoi 90% des photographes n’ont jamais trouvé leur vraie voix artistique (et comment y remédier en 3 heures)

Votre travail est techniquement bon… mais personne ne s’en souvient

Vous avez investi des milliers d’euros dans votre matériel. Vous avez perfectionné votre composition, votre exposition, votre maîtrise des couleurs.
Et pourtant…

💀 Vos images manquent d’impact.
💀 Elles ressemblent à celles de milliers d’autres photographes.
💀 Elles ne racontent rien de fort.

Vous regardez les travaux des grands photographes et vous vous demandez :

🔥 Pourquoi leurs images vous obsèdent alors que les vôtres sont oubliées en quelques secondes ?
🔥 Pourquoi eux ont un style immédiatement reconnaissable… et pas vous ?

🚨 La vérité brutale : Vous êtes peut-être un bon technicien, mais pas encore un vrai auteur.

Le piège fatal qui enferme 90% des photographes

La plupart des photographes passent des années à perfectionner leur technique.

Ils s’obsèdent sur la netteté, le bokeh, la colorimétrie…
Mais ils oublient l’essentiel : la narration et la vision artistique.

Résultat ?
Ils produisent des photos belles, mais vides de sens.

❌ Leur travail ne suscite aucune émotion forte.
❌ Leur portfolio n’a pas d’identité claire.
❌ Ils n’ont pas de signature reconnaissable.

Pendant ce temps, les photographes les plus respectés ne suivent pas du tout cette approche.

Ils savent qu’une image forte ne se mesure pas à sa perfection technique.
Elle se mesure à l’impact qu’elle provoque sur celui qui la regarde.

La solution ? Oubliez la technique. Apprenez à voir.

La bonne nouvelle, c’est que retrouver votre vraie voix photographique est plus simple que vous ne le pensez.

Cela ne nécessite aucun nouveau matériel.
Aucune nouvelle compétence technique.
Aucun effort douloureux.

La clé, c’est d’apprendre à analyser vos propres images et à comprendre ce qu’elles révèlent de votre regard.

Et c’est exactement ce que vous apprendrez dans l’atelier "Trouvez votre voix".

L’atelier qui a déjà transformé des dizaines de photographes

Prenez Thomas, 36 ans, photographe de rue.

Il avait un excellent œil, mais il ne savait pas structurer un projet.

"J’avais des centaines d’images, mais aucune cohérence.
Impossible de raconter quelque chose avec mes séries.
Après cet atelier, j’ai appris à donner du sens à mon travail.
J’ai enfin compris
comment assembler des images pour raconter une histoire forte."

Ou encore Marion, 40 ans, portraitiste, qui se sentait prisonnière d’un style sans âme.

"Je reproduisais toujours les mêmes schémas.
J’étais trop influencée par ce que je voyais sur Instagram.
Cet atelier m’a appris à
déconstruire mes automatismes et à reconnecter avec mon propre regard.
Aujourd’hui, mes images sont plus personnelles… et je me sens enfin alignée avec mon travail."

Ce que vous allez apprendre dans cet atelier

En 3 heures d’atelier, vous allez découvrir une nouvelle manière de photographier.

💡 Au programme :

✔️ Comprendre et analyser une image : Apprenez à voir ce qui fonctionne (et ce qui ne fonctionne pas) dans vos photos.
✔️ Construire des images fortes et intentionnelles : Développez une composition qui sert votre message.
✔️ Jouer avec la symbolique et l’émotion : Donnez une dimension nouvelle à votre travail.
✔️ Sélectionner et éditer vos images avec exigence : Affinez votre regard et apprenez à ne garder que l’essentiel.
✔️ Raconter une histoire avec vos images : Structurez une série pour captiver votre audience.

En une matinée, vous développerez une approche radicalement différente de votre photographie.

Un nouvel atelier – Places limitées

C’est la première fois que je propose l’atelier "Trouvez votre voix", ce sont des enseignements qui sont trop rarement expliqués dans des ateliers trop techniques.

Il offre un raccourci unique pour révéler votre vraie identité photographique.

🚨 Si vous lisez cette page, il reste peut-être encore une place pour vous.
🎟️ Réservez maintenant avant qu’il ne soit trop tard.

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Le Chant du Possible

Paris, novembre 2024

Dans les différentes approches que je propose pour progresser dans la pratique de la photographie, celle qui me semble la plus difficile à appréhender tout en étant probablement la plus efficace est : analyser le travail et s'inspirer de la photographie de grand.e.s photographes qui ont commencé avant nous.

Parfois, Il devient particulièrement difficile d'expliquer aux photographes ce qui ne va pas dans leurs photos. C'est une question d'équilibre, de justesse dans la scène. Parfois, c'est un simple détail qui rend une photo passable ou médiocre et le relever pourrait laisser penser que c'est un seul élément qui change tout... Et puis, entendre a longueur de temps que ses photos ne fonctionnent pas peut être décourageant. Ce cas est arrivé cette semaine dans un entretien individuel, avec une photographe qui est manifestement sur un plateau en terme de qualité de sa production photographique.

Élever son niveau d’exigence

Pour franchir ce palier dont on ne voit pas la marche, j'ai choisi ici d'identifier trois photographes dont je trouvais le travail approchant de cette photographe, pour lui montrer ce qu'il est possible de faire dans le style de photographies que je crois avoir identifié chez elle. L'idée est de sortir du commentaire sur de simples détails, et de voir ce que ça fait quand on pousse encore un peu plus son niveau d'exigence.

Le principal problème de cette méthode : on peut se sentir submergé et ne pas se sentir capable d'atteindre cette qualité. C'est tout l'inverse que j'espère. Il faut se souvenir que les grands photographes, comme nous tous, font un volume invraisemblable de photos médiocres pour arriver à obtenir les quelques photos qui passeront l'épreuve du temps. Ces photos qui arrivent jusqu'à nous, c'est la crème de la crème de la crème, mais nous sommes tous capables d'obtenir cette qualité si on aborde la pratique avec le bon état d'esprit, et que l'on élève son niveau d'exigence et de sélection.

L'idée ici est de voir jusqu'où on peut aller, d'observer et de s'inspirer du chant du possible. Se laisser bercer par l'absolue beauté d'une photographie que l'on rencontre, de choisir de l'analyser en profondeur et de se demander comment est-ce que l'on pourra essayer d'obtenir des résultats comparables.

C'est une méthode qui peut sembler compliquée, mais ils suffit pour ça d'explorer et d'étudier vraiment une photographie, et je propose ensuite d'ouvrir un livre ou de regarder une vidéo juste avant d'aller photographier, pour laisser cette petite musique, ce chant du possible, s'infuser et inspirer notre pratique. Et je commence alors à voir des choses que je n'aurais pas vues avant.

Pour obtenir une lecture de Portfolio - cliquez ici

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5 leçons, Fan Ho Genaro Bardy 5 leçons, Fan Ho Genaro Bardy

5 leçons de photographie avec Fan Ho

Fan Ho, photographe chinois né en 1931 et surnommé le “Cartier-Bresson de l’Est” a photographié Hong-Kong avec une poésie visuelle inégalée. Il a découvert la photographie à l’âge de 14 ans et a rapidement développé un style distinctif mêlant ombres et lumières avec une grâce que l’on qualifie parfois de cinématographique. 

Son œuvre, principalement en noir et blanc, est concentrée sur la vie urbaine. Elle marque l’histoire de la photographie avec des images qui traversent les âges. Reconnu pour son approche intuitive, Fan Ho a exploré les rues et les quartiers populaires, en proposant des instants plein d’émotions et faisant de lui une légende et une source d’inspiration incontournable dans le monde de la photographie. 

Aujourd’hui, nous découvrons sa philosophie à travers 5 de ses citations.

5 leçons de photographie avec Fan Ho

  1. Les yeux, le cerveau et le cœur

« Les bonnes photographies ne sont pas prises avec un appareil photo. Elles proviennent de vos yeux, de votre cerveau, de votre cœur, et non d’un quelconque équipement. »
— Fan Ho

Qu’est-ce qui fait un vrai photographe ? Son équipement ou son regard ? Le processus créatif est à la fois complexe et très simple. Ce que l’on voit nous touche le cœur, on l’interprète et essaye d’en rendre compte.

Selon Fan Ho, Les yeux sont le premier outil du photographe. L’objet de la photographie est d’analyser et de sélectionner les moments qui méritent d’être capturés. Les photographes anticipent des moments où tous les éléments s’alignent parfaitement. 

Le cerveau, lui, interprète, il comprend et décide du moment précis pour déclencher l’obturateur. Quand on prend des photos, le plus simple est parfois de débrancher le cerveau, de ne pas trop réfléchir et de laisser l’intuition s’exprimer. 

Enfin avec le cœur, tout cela prend du sens. Cette phrase rappelle directement celle d’Henri Cartier Bresson, qui disait qu’une photo était un alignement entre les yeux la tête et le coeur. C’est la photo qui nous saisit et qui nous force à déclencher.

Fan Ho

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2. La passion est une amorce

« L’œuvre d’un individu doit être empreinte de passion et elle doit laisser transparaître ses émotions ! »
— Fan Ho

La passion est souvent le point de départ de toute démarche artistique. Pour moi la passion est nécessaire mais pas suffisante. Pour arriver à laisser parler ses émotions en photographie, il va être nécessaire quand on débute de travailler beaucoup, avec consistance et persistance, pour que la pratique photographique devienne complètement naturelle. Le volume de travail peut paraître assez vertigineux quand on débute, et sans passion il sera probablement difficile de se résoudre à continuer ce travail sur la durée.

La passion est parfois dévorante, elle peut nous pousser dans nos derniers retranchements, au point d’oublier tout ce qui s’en échappe. Au même titre que l’écriture, la photographie devient alors un exutoire, un moyen d’exprimer ses émotions les plus profondes. Comme les écrivains qui ressentent ce besoin irrépressible d’écrire, la passion peut nous pousser à photographier toujours plus. Mais c’est bien la discipline et le volume de travail qui nous fera progresser.

Fan Ho

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3. Le mirage de l’authenticité

« Mes photos de rue réalistes sont rarement sélectionnées. L’esthétique picturale et les images avec un sens de l’humour restent la clé pour les photos de salon, mais je m’attends à ce que des changements se produisent bientôt. En attendant, je vais juste continuer à essayer. »
— Fan Ho

Fan Ho évoque ce paradoxe bien connu des photographes avec un peu d’expérience : les photos qui plaisent le plus sont souvent différentes de celles qu’affectionne particulièrement le ou la photographe. On se retrouve parfois sur une ligne de crête, entre satisfaire le plaisir facile d’une audience acquise, ou chercher ce qui nous intéresse profondément, avec une totale authenticité.

Mais qu’est-ce que c’est qu’être authentique ? C’est être fidèle à ce que l’on a vu, c’est mettre en valeur son sujet pour satisfaire son ego, ou c’est poursuivre une idée et tordre le monde pour qu’il ressemble à cette idée ?

Il n’y a pas de réponse facile. Tout ce que nous pouvons faire comme photographe, c’est essayer et décider ensuite. Ou ne pas décider du tout et se laisser porter par l’aléatoire, par la sérendipité. Mais je crois que dans une œuvre significative comme celle de Fan Ho, la personnalité de l’artiste finit toujours par transparaitre, qu’il ait du succès ou non.

L’ennemi, à l’époque de Fan Ho ou dans la nôtre, c’est s’abandonner au seul plaisir pictural, aujourd’hui matérialisé dans les likes sur Instagram.

Fan Ho

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4. Le noir et blanc pose une question

« Je préfère les photographies en noir et blanc, ce n’est pas que je ne prends pas de photos en couleur. Les couleurs ne s’inscrivent pas bien dans mon monde, le noir et blanc m’offrent une distance. Une sorte de distance par rapport à la vie réelle, je pense que cette distance est très importante. La vie réelle est multicolore mais le noir et le blanc offrent un sentiment de détachement, il permet aux spectateurs de développer leurs propres réponses et offrent l’espace et la profondeur pour réfléchir et contempler mes idées. »
— Fan Ho

Le noir et blanc élimine la distraction des couleurs et peut amener le spectateur à se concentrer sur la scène, sur la lumière, la texture et la forme. Il permet de mettre une distance émotionnelle nécessaire à une réflexion plus profonde. 

Peut-être que les photographies en noir et blanc posent une question, alors que la couleur apporte une réponse. Une question sera toujours plus évocatrice qu’une vérité.

Pour certains clichés, le noir et blanc joue un rôle essentiel dans la narration visuelle. C’est une invitation à voir au-delà de l’évident, à ressentir la ville et ses habitants à un niveau viscéral. Nous pouvons voir le noir et blanc comme une méditation visuelle.

Fan Ho

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5. Apprenti toute sa vie

« Quel est le secret de l’art de la photographie ? C’est expérimenter, expérimenter et expérimenter sans fin. »
— Fan Ho

Fan Ho, maître de la lumière et de la composition, met en exergue l’importance de l’expérimentation dans la photographie. Mais que doit-on pratiquer / essayer ? Jouez avec des angles inattendus, explorez différents moments de la journée pour la lumière ou encore trouvez des manières innovantes d’interagir avec vos sujets ! 

En tant que photographe, il est primordial de chercher une narration visuelle profonde. Pour ce faire, vous devez expérimenter afin de découvrir de nouvelles façons de raconter des histoires. 

Fan Ho suggère également qu’on ne termine jamais d’apprendre : autant techniquement que conceptuellement. C’est par cette exploration qu’on affine notre style et notre vision afin de découvrir ce qui nous fait le plus réagir. L’expérimentation est le cœur du processus créatif.

Repoussez vos limites, découvrez de nouvelles perspectives et devenez un apprenti toute votre vie !

Fan Ho

Fan Ho

Fan Ho

Fan Ho

Fan Ho nous laisse un héritage intemporel, une fenêtre sur le passé qui continue d’inspirer et d’influencer le monde de la photographie contemporaine. À travers ses images emblématiques et ses paroles pleines de sagesse, il a su transmettre les principes fondamentaux de la photographie : de l’importance de l’observation, la passion comme moteur créatif, l’audace de l’expérimentation et l’engagement envers l’authenticité. 

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5 leçons, Jill Freedman Genaro Bardy 5 leçons, Jill Freedman Genaro Bardy

5 leçons de photographie avec Jill Freedman

Jill Freedman, observatrice passionnée de la vie humaine, est née en 1939 à Pittsburgh et décédée le 9 octobre 2019. Autodidacte, elle a consacré sa carrière à photographier la réalité brute de la société américaine. Son travail se démarque par son engagement envers les mouvements sociaux, les manifestations anti-guerre et les luttes pour les droits civiques.

Jill Freedman se distingue par son parcours atypique et sa vision artistique profonde. Diplômée en sociologie de l'Université de Pittsburgh, elle découvre la photographie de manière autodidacte, influencée par des figures emblématiques telles qu'André Kertész et W. Eugene Smith, mais c'est au côté de son caniche Fang qu'elle apprend véritablement à observer le monde. Sa carrière décolle après un séjour à Resurrection City.

Ses projets, tels que "Old News: Resurrection City" et "Circus Days", révèlent un engagement profond pour la justice sociale et une admiration pour les survivants de la vie, marquant l'histoire de la photographie par sa capacité à raconter des histoires et produire des documentaires fascinants, créant ainsi un héritage photographique profondément influent.

Dans cet article, nous explorerons son univers, ainsi que l’impact de son travail sur la photographie documentaire.

Jill Freedman

1- La photographie a une fonction anthropologique

« J’ai étudié la sociologie et l’anthropologie et je me rends compte maintenant que ce que j’ai fait avec mon appareil photo toutes ces années, c’est documenter le comportement humain. Mais je prenais des photos dans ma tête bien avant de devenir photographe. C’est la guerre du Vietnam qui a tout changé pour moi. J’étais en colère et je voulais photographier des manifestations anti-guerre, alors j’ai acheté mon premier appareil photo. »
— Jill Freedman

Jill Freedman identifie deux manières de photographier : 

  • L’une revient à étudier l’être humain à travers la sociologie et l’anthropologie. On observe et répertorie ses faits et gestes, on raconte une histoire et on essaie de la comprendre. Avec ou sans appareil, on s’attarde sur un moment important ou révélateur de la société.

  • L’autre consiste à simplement observer et se remémorer.

Un photographe sait observer, qui sait comprendre ce qu’il se passe devant lui. Mais surtout, un photographe choisit ses sujets parce qu’ils le passionnent, l’animent, le font s’engager dans ce qu’il photographie. De fait, quand Jill Freedman vient s'intéresser aux mouvements sociaux, elle vient documenter le comportement humain à la manière d’une sociologue. L’outil de restitution est simplement différent. La guerre du Vietnam a été le déclencheur de la carrière de Jill Freedman. Elle a transformé sa colère en une expression artistique et documentaire.

Un photojournaliste peut-il être neutre dans sa manière de rendre compte des événements de société ? On reproche souvent aux photographes de prendre une position militante par rapport à leur sujet. Je crois que cette prise de position est inhérente au métier de journaliste. À mon retour du Mali, où j’espérais pouvoir devenir photojournaliste, je photographiais toutes les manifestations à Paris, souvent le week-end. Il m’était impossible d’aller photographier une manifestation en 2013 contre le mariage pour tous avec bienveillance pour ceux qui défilaient. Si je respecte leur droit à manifester, je ne peux que m’opposer aux messages qu’ils portaient et le regard que je posais était forcément transformé.

Il me semble que photographier, c’est porter un message autant que rapporter des faits. La carrière de Jill Freedman en est une parfaite démonstration.

Jill Freedman

Jill Freedman

Jill Freedman

2. Ne faites pas des photos faciles

« Je déteste les photos faciles. Je déteste les photos qui font que les gens ont l’air de ne pas valoir grand-chose, juste pour prouver le point de vue d’un photographe. Je déteste quand ils prennent une photo de quelqu’un se curant le nez ou bâillant. C’est tellement facile. Ça correspond à un gonflement de l’ego. Vous utilisez les gens comme des accessoires au lieu de les traiter comme des personnes. »
— Jill Freedman

Jill Freedman soulève une question fondamentale tant en photographie documentaire qu’en photographie de rue, d’autant plus à notre époque où l'image prend une place prépondérante. Elle vient critiquer ici une approche de la photographie qui déshumanise ses sujets, les réduisant à de simples blagues valorisant le photographe, alors que la représentation des sujets est cruciale ! 

La tendance à rechercher des clichés sensationnels ou provocateurs, souvent au détriment du sujet, pose une question éthique. La photographie ne peut pas être une quête égoïste de reconnaissance, de chercher des photographies exotiques, sensationnelles, avec la récompense des likes d’instagram. Jill Freedman nous rappelle que la photographie est un moyen de révéler des vérités en respectant la dignité de ceux que l’on montre dans nos photos. Cela requiert de la part du photographe de l’empathie, de la compréhension et peut-être même de l’affection envers ses sujets. 

On trouve parfois une règle en photographie de rue : pas d’enfants, pas d’artistes de rue, pas de SDF. Personnellement j’essaye de ne jamais montrer quelqu’un dans une situation dans laquelle je n’aimerais pas être pris en photo. C’est la principale raison pour laquelle je m’interdis de photographier des SDF sans leur demander la permission et je ne montre que très rarement ces photos si je ne suis pas en commande. Je vous renvoie au projet de Corentin Fohlen Home Street Home pour aller plus loin dans cette réflexion.

Jill Freedman

Jill Freedman

3. La mémoire comme mission sacrée

« Je crois que se souvenir est une mission sacrée et, par conséquent, on doit être digne de cette mission. »
— Jill Freedman

Ici, Jill Freedman évoque le devoir de mémoire et notamment son travail concernant l’Holocauste. 

Jill Freedman souligne la responsabilité qui incombe à ceux qui documentent, représentent ou partagent des histoires ou des images liées à des tragédies humaines. Si l’on se réfère à l'œuvre de Jill Freedman et ses différentes prises de parole, Il est nécessaire de rendre hommage à la vérité, à la souffrance et à la dignité des personnes impliquées dans ces tragédies. 

Dans le contexte de l’Holocauste l’objectif doit être d’éduquer les générations futures et de ne pas tomber dans le sensationnalisme ou l’exploitation de la douleur. Jill Freedman a photographié et documenté comment les familles juives se souviennent des horreurs de la seconde guerre mondiale et ont crée de nouveaux rituels autour du devoir de mémoire. 

À Salvador, quand je photographie les rituels et les célébrations Candomblé, je ne peux pas seulement m’arrêter au folklore d’une religion locale qui vénère 12 déesses. Les divinités Candomblé sont directement issues des rituels Vaudous Africains, que les esclaves qui ont construit la ville de Salvador n’avaient pas le droit de pratiquer. Les divinités féminines de la religion Candomblé ont été associés aux saintes de la religion Chrétienne qui leur était imposée. Un million et demi d’esclaves, de femmes et d’enfants, ont été importés par bateaux depuis la Centrafrique et le Bénin, c’est cette mémoire que véhiculent les photographies des rituels Candomblé aujourd’hui.

Jill Freedman

Jill Freedman

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4. Le Consentement en photographie

« La plupart des gens adorent qu’on les prenne en photo. »
— Jill Freedman

Jill Freedman disait demander systématiquement le consentement de ses sujets avant de les prendre en photo. Lorsqu’ils refusaient, elle partait. 

Elle a souvent photographié des individus dans des moments authentiques, montrant une réalité de la vie quotidienne. Cela reflète une capacité à établir un lien avec ses sujets pour se faire accepter voire oublier pendant qu’elle prenait des photos.

Mon expérience personnelle est de privilégier le moment que l’on passe avec les gens que l’on photographie à la photo qui en sera peut-être issue, si on a un peu de chance. Une photo réussie est trop rare, alors que l’occasion de créer une vraie connexion avec les gens que l’on rencontre, c’est à chaque fois.

Je vais préférer obtenir des photos authentiques en étant discret, en essayant de m’approcher sans me faire repérer. Mais je pars du principe que je vais dialoguer avec les personnes que je photographie. J’ai rencontré certains de mes meilleurs amis avec la photographie et ces rencontres aléatoires. Et si jamais je n’ose pas y aller, je demande la permission. On peut tout à fait obtenir des photographies naturelles en demandant la permission et en continuant à photographier si besoin après avoir pris un portrait.

Et pui Jill Freedman avait absolument raison sur ce point : la plupart des gens aiment les photos et les photographes.

Jill Freedman

Jill Freedman

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5. New York comme Échappatoire

« Venir à New York, c’est toujours une façon de s’échapper à votre vie. »
— Jill Freedman

Jill Freedman était fascinée par New-York, pour son énergie et sa diversité. Cette ville est une source d’inspiration pour quantité de photographes parce qu’elle est absolument photogénique et parce que toutes les populations du monde s’y croisent. Chaque quartier est une nouvelle découverte. 

Pour Freedman, la ville représentait un échappatoire, un lieu où l’on peut se perdre et se redécouvrir. J’ai une histoire particulière avec New York, c’est la ville où je découvrais la photographie. Je voyageais seul pour le travail et chaque minute de mon temps libre était consacré à l’exploration d’un quartier ou d’un nouveau lieu et de ses habitants. J’y ai voyagé depuis plus de 25 fois, souvent avec des photographes, c’est naturellement que je me suis intéressé aux photographes qui ont façonné l’histoire de la ville en photographie.

Quel est votre lieu à vous ? Celui qui vous apporte un sentiment de plénitude ou d’émerveillement ? Ce peut être un lieu en apparence plus simple, mais le plus important est l’attachement que vous aurez à ce lieu, car c’est ce qui se verra dans vos photos. 

Jill Freedman

Jill Freedman

Jill Freedman

Jill Freedman est décédée le 9 octobre 2019, laissant derrière elle un héritage indélébile dans le monde de la photographie documentaire. Pour continuer l’exploration de son travail je vous propose l’une de ses dernières interviews, réalisée par Josh Ethan Johnson dans le cadre de sa série documentaire Wrong Side of The Lens. Cliquez sur ce lien pour voir la vidéo.

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5 leçons, Ernst Haas Genaro Bardy 5 leçons, Ernst Haas Genaro Bardy

5 leçons de photographie avec Ernst Haas

Ernst Haas, né en 1921 à Vienne et décédé en 1986, est une figure incontournable dans le monde de la photographie du 20ème siècle. Pionnier des prises de vue en couleur, il a révolutionné la façon dont nous percevons ce médium. Dès les années 1950, il s'est imposé comme l'un des premiers à maîtriser le potentiel de la couleur, à une époque où le noir et blanc dominait le paysage artistique.

Sa première série significative, axée sur le retour des prisonniers de guerre autrichiens, lui a valu une attention immédiate et une place au sein de l'illustre agence Magnum dès 1949. Au fil de sa carrière, il a noué des amitiés avec d'autres géants du domaine, tels qu'Henri Cartier-Bresson.

Dans cet article, nous explorerons sa philosophie de la photographie à travers cinq de ses citations. Découvrons ensemble sa réflexion sur ce que signifiait pour lui "prendre une photo".

5 leçons de photographie avec Ernst Haas

  1. Les 2 types de photographes

« Il y a deux types de photographes : ceux qui composent les photos et ceux qui les prennent. Les premiers travaillent en studio. Pour les derniers, le studio c’est le monde. »
— Ernst Haas

Ernst Haas résume parfaitement la pratique photographique en soulignant une dichotomie fondamentale : celle de la composition contrôlée versus la capture spontanée. 

Dans un studio, tout est orchestré à la perfection : les lumières, les ombres et même le sujet. C’est un art de la construction, où tout est manipulé pour créer l’image idéale. 

Dehors, à l’inverse, vous défiez l’imprévisible, qui est à la fois votre meilleur ami et votre pire ennemi. Vous chassez les instants et naviguez à travers des labyrinthes urbains.
J’ai toujours pensé que la pratique de la photographie était d’abord intuitive, en réalité on travaille ses compositions à l’analyse des résultats, sur des planches contact ou devant un ordinateur. On s’entraîne pour devenir plus réactif et voir des compositions à la volée.

Le monde devient un studio. À chaque sortie, nous trouvons une nouvelle opportunité de “prendre” une image qui raconte une histoire, plutôt que de la composer dans un environnement contrôlé.

Ernst Haas

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2. La beauté est intérieure

« Une image est l’expression d’une impression. Si le beau n’était pas en nous, comment pourrions-nous le reconnaître ? »
— Ernst Haas

La beauté est subjective, autant dans notre quotidien que dans l’art. Un photographe n’est pas un simple capteur d’images, mais un révélateur d’une beauté intérieure. Ce que nous trouvons beau dans une photographie est en réalité un reflet de notre propre sens esthétique. Chaque cliché est un acte d’introspection, une réflexion sur notre perception du monde. C’est la résonance de notre propre sentiment du beau. 

On photographie qui on est, on capture ce qui se présente devant nous et on se projette dans le monde extérieur, dans un même mouvement. Ce que nous capturons, c’est notre sens intime de la beauté. C’est cela qui nous pousse à nous positionner d’une certaine manière et à déclencher. Ce sont nos valeurs esthétiques, culturelles et même philosophiques. 

Ce n’est pas seulement ce que nous voyons qui compte, mais comment nous le voyons et comment nous décidons de le représenter. Nous nous explorons au quotidien dans notre identité en tant qu’artiste.  

Ernst Haas - Agence Magnum

Ernst Haas

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3. L’importance de la mobilité

« L’optique la plus importante que vous avez, ce sont vos jambes. »
— Ernst Haas

Zoomez avec vos pieds. La photographie demande un engagement physique avec le sujet. Un photographe de rue est un explorateur, ce sont ses jambes qui le guident à travers son terrain de jeu infini : le monde. 

La technique et l’équipement ne sont pas les seuls éléments à prendre en compte. Le positionnement, l’angle et la perspective jouent un rôle primordial. Et pour proposer un regard original, il va falloir aller le chercher.

Dans le cas de la photographie de rue, la mobilité est essentielle. Chaque scène observée, doit être travaillée. Tourner autour de son sujet, observer la lumière, les mouvements et choisir comment le mieux représenter ces mouvements. Le pire qui puisse vous arriver, c’est prendre une photo en passant, peut être juste deux ou trois, et passer son chemin. C’est presque la garantie de proposer des photos banales. Travaillez vos scènes.

Ernst Haas - Agence Magnum

Ernst Haas

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4. La quête de nouvelles perspectives

« Je ne suis pas intéressé à photographier de nouvelles choses - je suis intéressé à voir des choses nouvelles. »
— Ernst Haas

Les rues que nous arpentons nous sont rapidement familières. Le défi n’est pas réellement de trouver de nouveaux endroits à photographier, mais de voir les mêmes scènes, jour après jour, sous un nouvel angle, avec des yeux neufs.

Vous avez, en bas de chez vous un monde merveilleux que l’on peut avoir tendance à disqualifier parce qu’on a décidé qu’il n’était pas intéressant.

La magie ne réside pas dans le sujet lui-même, mais dans votre manière de le percevoir et de le présenter. Si vous décidez d’être curieux, vous verrez un monde nouveau s’ouvrir. Pour reprendre les mots du poète Paul Nougé : c’est un PAYSAGE de SOURCES et de BRANCHES, une MAISON de FEU, mieux encore la VILLE MIRACULEUSE qu’il vous plaira d’INVENTER.

Vous êtes dans une rue que vous avez déjà photographiée des dizaines de fois ? Changez votre point de vue, baissez-vous, élevez-vous, photographiez un moment différent de la journée. Vous aurez toujours une image différente.

L’important, c’est d’apporter un regard neuf sur le familier. Le même marchand de rue, le même panneau d'affichage ou le même arbre peuvent offrir des opportunités sans fin pour le ou la photographe qui sait regarder. 

Ernst Haas nous pousse à remettre en question notre sens de l’observation. Pour nous, photographes, la rue est un terrain de jeu dans lequel chaque instant est une opportunité pour proposer une nouvelle manière de voir et de comprendre le monde.

Ernst Haas - Agence Magnum

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5. La photographie est-elle un art ?

« Quelques mots sur la question de savoir si la photographie est un art ou non : je n’ai jamais compris la question. »
— Ernst Haas

Ernst Haas photographiait en couleur à un moment où la couleur était seulement utilisée pour une photographie commerciale. Les premières expositions d’artistes photographes apparaissaient et la question était légitime, alors qu’elle paraît presque absurde aujourd’hui.

Notre travail de photographe n’est pas une simple série d’instantanés, nous proposons une exploration de la vie urbaine qui se démarque par sa composition, son style, son ton, son assemblage et notre réflexion avant, pendant et après. Est-ce qu’il y a réellement un débat ? 

En photographiant, nous racontons la vie dans l’espace public, en tant qu’artistes. La photographie est peut-être accessible à tout le monde aujourd’hui et est souvent perçue comme plus mécanique ou technique que d’autres formes d’art. Toutefois, ce point de vue ignore l'œil du photographe, sa vision, son interprétation. Nous oublions également l’importance de l’intention (Je vous invite d’ailleurs à aller visionner ma vidéo sur l’intention en photographie). Tous ces éléments sont aussi importants en photographie qu’en peinture ou en sculpture. 

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5 leçons, Inge Morath Genaro Bardy 5 leçons, Inge Morath Genaro Bardy

5 leçons de photographie avec Inge Morath

Inge Morath est née à Graz, en Autriche, le 23 novembre 1923. Elle a étudié la littérature et l'art à Vienne, puis a commencé sa carrière de photographe en 1948. Elle a été formée par Robert Capa et Henri Cartier-Besson. Elle a travaillé et été membre de l’équipe fondatrice pour l'agence Magnum Photos de 1950 à 2002.

Morath a voyagé dans le monde entier pour son travail, et a documenté une grande variété de sujets, notamment la vie quotidienne, la politique, la culture et l'art. Elle est connue pour ses images sensibles et poétiques, qui capturent souvent l'humanité et la compassion. Inge Morath est décédée à New York le 30 janvier 2002.

Légende de la photographie, elle a vécu une vie de photographe, auteur et photojournaliste particulièrement sensible aux cultures dont elle a croisé le chemin. Ses mots et ses images sont un trésor d’inspiration pour toutes celles et ceux qui aspirent à comprendre le sens de la photographie.

5 leçons de photographie avec Inge Morath

  1. Le pouvoir de la communication

« Je crois que la photographie est un moyen de communiquer avec les gens. C’est une façon de partager nos expériences et nos émotions avec les autres. »
— Inge Morath

Cette affirmation d'Inge Morath résonne puissamment à une époque où la technologie nous inonde d'images à chaque instant. La simple pratique de capturer une image va bien au-delà de la composition et de la lumière. La Photographie est un média pour initier un dialogue. 

La puissance de la photographie se mesure dans sa capacité à établir une connexion avec les autres. Si une photo permet au spectateur de ressentir les mêmes émotions que son photographe, elle vient transcender sa nature technique et touche l’âme, de manière très subtile. 

Ainsi, le véritable objectif ne serait-il pas de créer des œuvres qui parlent aux gens ? Qui génèrent une connexion émotionnelle entre le sujet, le spectateur, et le photographe lui-même ?

Photo Inge Morath - Agence Magnum

Photo Inge Morath - Agence Magnum

Photo Inge Morath - Agence Magnum

2. L’art de la vie

« La photographie est un art de la vie. Il s’agit de capturer la beauté et la complexité du monde qui nous entoure.  »
— Inge Morath

La photographie est plus qu’une pratique technique ou une capacité à la composition ou à la gestion de la lumière. Elle est une fenêtre ouverte sur notre existence, un miroir de la vie elle-même. Chaque cliché est une occasion unique de révéler la complexité de nos vies : nos joies, nos peines, nos luttes et nos triomphes. Elle interpelle, elle interroge et témoigne de notre condition. En déclenchant, nous documentons le monde auquel nous avons accès. Nous essayons de le comprendre, de le sentir, mais nous réussissons surtout à le partager.

Cette phrase me rappelle mon deuxième séjour en Inde. Je me trouvais à Jalawar pour un marché aux chameaux et aux chevaux qui se tient juste avant le festival de Chandrabhaga. Pendant une après-midi, toute la ville défile en tenue traditionnelle, chacun pratique une danse, un instrument ou un art en marchant vers la rivière sacrée de Chandrabhaga. à la tombée du jour, dans une foule dense pleine de ferveur, chacun fait une offrande de fleurs à la déité du soleil, certains se baignent dans la rivière sacrée. La joie qui se diffuse dans cette procession est indescriptible. Les photos que j’ai faites ce jour-là sont pour moi parmi les plus précieuses de ma carrière.

La photographie révèle la profondeur de l’expérience humaine. Inge Morath nous propose ici de produire des œuvres pour qu’elles soient de véritables miroirs de la vie. 

Photo Inge Morath - Agence Magnum

Photo Inge Morath - Agence Magnum

3. L’innovation et la découverte 

« Je suis toujours à la recherche de quelque chose de nouveau et d’inattendu. Je veux trouver des images qui soient à la fois belles et significatives. »
— Inge Morath

Le fond et la forme sont indissociables. Une belle photo pour Inge Morath, c’est une photo significative, qui a donc du sens.

La photographie devient alors une occasion, non seulement de représenter une réalité, mais également de sortir de notre zone de confort. Le but d’une image est de chercher constamment des perspectives nouvelles et inattendues, afin de transmettre un message, de partager une histoire ou un regard sur son sujet.

Cette pulsion d’amélioration rend la photographie unique et puissante. Cela nous rappelle que l’acte de photographier n’est jamais statique, que nous devons aller chercher les photos, creuser pour trouver un sujet, et être ouvert à l’aléatoire, à l’inattendu. La photographie évolue avec notre propre expérience et notre courage artistique. Au-delà d’un miroir de la vie, la photographie est une fenêtre vers des possibilités de découverte et de compréhension de l’autre. 

Photo Inge Morath - Agence Magnum

Photo Inge Morath - Agence Magnum

Photo Inge Morath - Agence Magnum

4. L’oeil et l’âme

« La photographie est un phénomène étrange... Vous faites confiance à votre œil mais ne pouvez vous empêcher de révéler vos émotions et pensées secrètes. »
— Inge Morath

La photographie est une extension de notre regard, et donc, de notre personnalité la plus profonde. Chaque cliché lie intimement le regard objectif de la caméra et la vision subjective du photographe.

Cette dualité définit la puissance de la photographie. Elle est à la fois une quête d’authenticité et une interprétation très personnelle du monde qui nous entoure. Ce n’est pas seulement ce que vous voyez qui compte dans une photographie, mais comment vous le voyez, comment vous interprétez ce moment à travers votre propre prisme émotionnel.

Chaque image devient un témoignage visuel, mais aussi un reflet profond de notre propre humanité, de nos aspirations et de nos émotions. On photographie qui on est.

Photo Inge Morath - Agence Magnum

Photo Inge Morath - Agence Magnum

Photo Inge Morath - Agence Magnum

5. Le plaisir de la création

« Déclencher une photo est resté un moment de reconnaissance joyeuse, comparable à l’enchantement d’un enfant sur la pointe des pieds et qui soudainement, dans un petit cri de plaisir, étend son bras vers un objet désiré. »
— Inge Morath

Dans un univers saturé par la compétitivité dans les domaines de l'art et du commerce, il est aisé de perdre de vue le bonheur pur et intangible qui émane du simple acte créatif. Dans ce contexte, où la photographie est souvent cantonnée à sa valeur commerciale ou à sa perfection technique, les mots d'Inge Morath agissent comme une bouffée d'air frais. Ils nous rappellent que la simple action de prendre une photo peut et doit demeurer un plaisir, un moment d'émerveillement et de connexion intime avec notre environnement et avec nous-mêmes.

J’ai eu la chance de voyager pour ma photographie, et parfois j’ai une connexion avec un lieu qui se développe et qui devient puissante, charnelle. Je ressens une énergie merveilleuse à New York à cause de son effervescence. J’ai trouvé à Salvador des gens qui sont totalement dans l’instant présent, et qui montrent une générosité et une empathie infinie. Parfois, un endroit vous touche au cœur, et vous ne savez pas vraiment expliquer pourquoi. C’est un émerveillement qui vient parfois de l’enfance ou d’une expérience particulièrement émotionnelle. Quand je reviens dans les marais salants de Guérande, je retrouve ce sentiment.

C’est une invitation à réfléchir plus profondément sur le sens de notre pratique. Les photos que nous prenons ne sont pas de simples représentations visuelles, elles sont le reflet de notre joie, de notre curiosité, et de notre quête incessante de beauté et de vérité.

Photo Inge Morath - Agence Magnum

Photo Inge Morath - Agence Magnum

Photo Inge Morath - Agence Magnum

L'œuvre et la philosophie d’Inge Morath offrent une feuille de route pour une pratique photographique plus consciente et humaine. Elles nous rappellent que la prise de vue est un langage, un mode d’exploration ou encore une forme d’expression émotionnelle. Elle nous pousse à prendre des risques, à être authentiques et, par-dessus tout, à prendre du plaisir. 

La sensibilité et l’intuition de Morath a réussi à transcender les barrières culturelles et émotionnelles pour toucher l’essence même de l’humain. À travers ses leçons, elle nous encourage à faire de même et à transformer chaque déclenchement en une forme d’amour, de curiosité et de dévouement.

Son héritage perdure encore aujourd’hui. Et si nous sommes prêts à écouter, à apprendre et à mettre en pratique ses enseignements, nous enrichirons notre propre art, mais nous contribuerons probablement à un monde plus empathique et compréhensif, comme elle l’a elle-même fait. 

Inge Morath a su utiliser son objectif pour comprendre et célébrer la vie dans toute sa splendeur et sa complexité. N’est-ce pas là, finalement, la plus grande leçon de toutes ? 

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Histoire Genaro Bardy Histoire Genaro Bardy

Les rêves adolescents

Paris, Mai 2023

Je suis tombé dans la photo par hasard.

Que fait-on de ses rêves d'adolescent ? On les avale, on les vomit. On les ravale, et on oublie.

À 20 ans, je suis sur le point d'être diplômé d'une école de commerce que j'ai choisie pour être avec mes amis. Stage de fin d'études, marketing, réunions, stratégies pour des hôtels du groupe Accor. Et le week-end, je ne rêve que d'une chose : à la prochaine rentrée scolaire, je suis inscrit en 1ere année de Cinéma à Paris 8. Je vais être cinéaste.

Pourquoi nous pousse-t-on à poursuivre des études ? Pour assurer nos arrières. "Au cas où". Mais je ne veux pas assurer mes arrières. Si je tombe, je veux tomber en avant, la tête la première.

Ça a fait splash. Traumatismes de l'enfance, trop de drogues, dépression, thérapie. Mon derrière dans le canapé, une télécommande à la main.

À 25 ans, j'ai faim. Et pour payer les pâtes il faut bosser. Alors je commence par ceux qui prennent tout le monde : porte à porte dans des pavillons de banlieue pour vendre des alarmes. Toujours pauvre et en surpoids, mais au moins je suis bronzé.

De sauts de puces en CDI, j'atterris commercial pour un studio de... photographes. C'est là que j'ai pris le virus, hein ? Elle est bientôt finie cette histoire ? Nada. Rien. Je vendais des shootings, mais j'ai jamais touché un boîtier. En revanche, ça m'a servit plus tard, pour devenir professionnel.

Mon premier appareil photo m'était offert par les collègues d'EuroRSCG, alors que je m'étais fait lourdé avec une violence extrême. Pas la faute à Havas, mais à ma boss qui n'avait que moi pour passer ses nerfs et son incompétence. Les copains d'Euro, je vous ai pour toujours dans mon cœur.

Avec mon chèque cadeau en main, je m'avance dans les allées de la FNAC des Ternes. Et là, devant moi... un Pentax K200. La liberté retrouvée. Et les rêves d'adolescents qui remontent à la surface. La suite, dans cette vidéo :

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Une histoire de fin d’été

Rue de Johannesburg

Rue de Johannesburg

6 mois après mon installation au Brésil, et après 5 ans de paysages et de Villes Désertes, je veux revenir à mes premières amours en photographie et me concentrer sur la photo de rue.

Je fais ce que je sais faire : un blog. Et je conçois les ateliers de photographie sur deux jours où nous travaillons la pensée visuelle, la symbolique et des exercices créatifs pour commencer un projet personnel.

Mais 2020 n'est pas 2010. Très peu de monde lit effectivement les articles, tout ou presque passe par la vidéo.

12 mars 2020. Je perds tous mes clients, agences de voyages, magazine, réseau d'agents de voyages, voyages photo.

Je donne rdv un soir sur Facebook, je mets mon téléphone sur un trépied. On prend sa respiration, appuyer sur "Record", c'est parti pour le direct. Caméra selfie pour causer, caméra normale pour filmer mon écran et montrer des photos.

Pendant dix lives, écris la veille de nuit parce que Tom a 1 an et Fernanda est enceinte de 7 mois, j'improvise. Exercices créatifs, analyse de photos. Ça plaît au gens.

Et si je faisais payer pour ça ? Ok, c'est parti pour L'Étincelle. Les photographes progressent, parfois de manière spectaculaire. Le seul problème, mais de taille : quand je ne suis pas en direct, je ne sais pas faire des vidéos que les gens ont envie de regarder... Et je n'ai pas encore de programme de formation sur ce que j'aime le plus au monde : la photo de rue.

Après 1 an sur Youtube, j'ai appris deux trois trucs. Notamment à monter, mais surtout à raconter des histoires pour lesquelles les photographes veulent bien me donner 5 minutes de leur temps. Alors quand l'été arrive, je n'ai qu'un seul objectif : proposer à la rentrée un programme de formation à la photo de rue complet, passionnant, pour tous les niveaux, avec la participation aux ateliers de L'Étincelle pour avoir un retour sur sa production de photos.

Depuis 3 mois j'ai conçu, écrit, tourné, monté et préparé ce programme et les 15 vidéos de formations. Certaines sont  mes meilleures vidéos, parce que je les ai produites avec l'expérience d'un an de Youtube... et la veille de l'automne, ce programme sera disponible. Le 20 septembre à 20h, je vous parle du programme "5 Semaines pour Maîtriser la Photo de Rue".

Mais surtout, je vous donnerai en direct 5 clés pour progresser en photographie de rue, quelque soit votre niveau et votre expérience.

J'espère que le 20 septembre 2023 sera le point de départ pour vous, comme il l'a été pour moi il y a exactement 5 ans, quand je décidais de m'installer dans un autre hémisphère, dans un pays dont je ne parlais pas la langue, pour fonder une famille avec la femme de ma vie que je connaissais à peine. Et pour ma photo, je décidais de ne faire que ce que j'aime : la photo de rue.

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5 leçons, Henri Cartier Bresson Genaro Bardy 5 leçons, Henri Cartier Bresson Genaro Bardy

5 leçons de photographie avec Henri Cartier-Bresson

Henri Cartier-Bresson est un photographe légendaire, photojournaliste et dessinateur français. Connu pour la précision et le graphisme de ses compositions, il s'est surtout illustré dans la photographie de rue, la photographie documentaire et la représentation des aspects particuliers ou signifiants de la vie quotidienne. Avec Robert Capa, David Seymour, William Vandivert et George Rodger, ils fondent en 1947 l'agence coopérative Magnum Photos.

C’est probablement le photographe le plus mondialement connu, il a inspiré des générations de grands photographes. Je ne crois pas avoir étudié un photographe qui ne le cite comme référence. Henri Cartier-Bresson est le grand maître des grands maîtres, et je n’ai probablement pas besoin d’en dire beaucoup plus.

Je n’ai pas pour objectif de vous présenter le travail ou l’histoire d’Henri Cartier Bresson. Simplement, je vous propose 5 citations d’Henri Cartier Bresson, parfois très connues, commentées. J’ai décidé de scinder cet article en deux, et après le premier sur la composition, voici le second avec des considérations plus générales sur la pratique de la photographie.

5 leçons de photographie avec Henri Cartier Bresson

  1. Aligner la tête, l’œil et le cœur

« Photographier, c’est reconnaître – simultanément et en une fraction de seconde – à la fois le fait lui-même et l’organisation rigoureuse des formes perçues visuellement qui lui donne sens.

Photographier c’est mettre sur la même ligne de mire la tête, l’œil et le cœur. »
— Henri Cartier-Bresson

Photographier, c’est d’abord et surtout mettre ce que l’on voit dans un cadre, et cela a des conséquences. Henri Cartier-Bresson dit ici parfaitement que photographier, c’est d’abord reconnaître le fait lui-même. J’ai vu quelque chose qui m’intéresse, pour des raisons personnelles.

Et, au même moment, je sais reconnaître ce que ça va donner quand c’est mis dans un cadre, ce que Henri Cartier Bresson appelle l’organisation rigoureuse des formes : quels éléments ? quel positionnement dans le cadre ? comment le cadre est structuré ?

Au même moment, ce que j’ai vu qui m’intéresse correspond à un cadre structuré et organisé. Ce cadre visuel ou cette forme “donne sens” au fait, à ce que j’ai vu. Parce que chacun verra des faits différents (la tête) ou trouvera une esthétique (l’oeil) dans des structures de cadre différentes, tout cela s’aligne avec le cœur, et devient personnel.

2. Le choc émotionnel

« Si il n’y a pas d’émotion, si il n’y a pas de choc, si on ne réagit pas à la sensibilité, on ne doit pas prendre une photo, c’est la photo qui nous prend. »
— Henri Cartier-Bresson

Je suis partagé par rapport à cette fameuse citation de Henri Cartier Bresson. En premier lieu, c’est une réalité indéniable, certains moments s’alignent parfaitement et parfois je sais que j’ai une photo remarquable à la prise de vue, quand je déclenche. Ainsi, c’est cette photo exceptionnelle qui me prend, qui m’aspire vers elle.

Et en même temps, je suis gêné avec ce bout de phrase : “on ne doit pas prendre une photo”. Pour moi, cela concerne uniquement les photographes qui ont beaucoup d’expérience et qui savent reconnaître quand un déclenchement n’est pas nécessaire. Pendant longtemps, en tout cas pour la phase d’apprentissage, je pense que l’essai permanent est plus utile. Je crois qu’il est nécessaire de beaucoup voire trop déclencher pour essayer des choses, gagner en expérience, pour “voir ce que ça donne en photo” comme le dirait Garry Winogrand.

La pratique de la photographie est une recherche d’une photo exceptionnelle, c’est une succession d’échecs, de tentatives. Évidemment, la volonté de déclencher répond à une sensibilité, une émotion du photographe. On photographie des faits ou des personnes qui nous sont importants, ou du moins qui répondent à une curiosité. Mais, s’il vous plait n’attendez pas que le choc d’une seule photo vous fasse déclencher, ou alors vous ne gagnerez jamais l’expérience de ces milliers de photos qui fonctionnent moins bien.

3. Faire rentrer la photo dans sa vie

« Pour moi, l’appareil photo est un carnet de croquis, un instrument d’intuition et de spontanéité, le maître de l’instant qui, en termes visuels, interroge et décide simultanément. »
— Henri Cartier-Bresson

Deux aspects que je trouve fondamentaux dans cette phrase d’Henri Cartier Bresson : le carnet de croquis et cette double identité d’une photo qui interroge et décide.

La photographie est un carnet de croquis, un journal de bord visuel de ce que l’on vit. Il me semble important de faire rentrer la photographie dans sa vie, dans son quotidien, et d’arrêter cette tendance que l’on peut avoir de ne photographier que ce que l’on croit être exceptionnel. Les bonnes photographies, il y en a partout et tout le temps, surtout dans le banal et le quotidien, surtout là où on ne regarde plus parce que ça nous est trop familier. Apprendre à être présent dans son environnement quotidien permet de découvrir des photos que l’on ne soupçonnait pas, tous ces moments que l’on disqualifie parce qu’on les a trop vus.

Faire rentrer la photo dans sa vie est aussi un moyen pour tout de suite produire un gros volume de photos qui vous feront progresser, si vous prenez le temps de l’analyse et de l’édition.

Enfin, une photo est un maître de l’instant qui interroge et décide en même temps. Une photographie interroge parce que le cadre exclut des éléments, et souvent les éléments que l’on ne peut pas voir dans une photo, que l’on devine parce qu’ils sont hors champ ou suggérés par le sujet de la photo, sont les éléments qui donnent toute la profondeur à une photo. J’aime une photo qui pose une question plutôt que celle qui y répond. Et en même temps, une photographie est une décision, surtout celle du photographe, de voir et montrer un sujet et une manière de le représenter visuellement.

4. Respecter le sujet

« Pour « donner un sens » au monde, il faut se sentir impliqué dans ce que l’on cadre dans le viseur. Cette attitude demande de la concentration, de la discipline, de la sensibilité et un sens de la géométrie – c’est par une grande économie de moyens que l’on parvient à la simplicité d’expression. Il faut toujours photographier dans le plus grand respect du sujet et de soi-même. »
— Henri Cartier-Bresson

J’aime particulièrement cette phrase d’Henri Cartier-Bresson. La photographie est d’abord une démarche personnelle, intime. C’est un rapport au monde que l’on propose en lui donnant sens. Il faut se sentir impliqué dans ce que l’on photographie. Pour moi, on doit savoir pourquoi est-ce que l’on photographie, ou au moins pourquoi est-ce que l’on montre ses photos.

La photographie est une sensibilité ET la photographie est une discipline, rigoureuse, ce sens de la géométrie et du cadre formel. Enfin la photographie est une concentration, on ne peut pas bien photographier juste en passant, à part les touristes qui ne nous concernent pas ici. C’est une présence que l’on appelle aussi “entrer dans la zone”. C’est une totale concentration vers le monde qui nous entoure, pour chercher une photo.

Enfin, Henri Cartier Bresson explique que la qualité extrême d’une photo est sa simplicité d’expression. Quand une photo est simple à lire, évidente à comprendre, son message n’en est que plus clair. Une bonne photo, c’est quand il n’y a plus rien à enlever.

5. L’arrêt esthétique

« Photographier, c’est retenir son souffle quand toutes les facultés convergent face à une réalité fuyante. C’est à ce moment-là que la maîtrise d’une image devient une grande joie physique et intellectuelle. »
— Henri Cartier-Bresson

Henri Cartier-Bresson retient son souffle à la prise de vue, cela m’emmène vers cet autre moment où l’on retient son souffle : devant une photo exceptionnelle, qui nous touche particulièrement. Cette relation très spéciale que l’on peut nouer avec une photo, la sienne ou celle d’un autre, ou même avec toute oeuvre d’art, est appelée par James Joycel’arrêt esthétique”. Dans mes recherches, j’ai trouvé ce commentaire de Rudolf Steiner qui décrit bien l’arrêt esthétique et les différentes fonctions d’une oeuvre d’art :

"Les arts ont cette mission très spéciale et sérieuse de nous engager sur trois fronts. L'art pornographique (qui ne signifie rien de sexuel dans ce cas) fait appel à notre volonté, à travers nos sentiments, tandis que l'art didactique fait appel à notre pensée à travers nos sentiments. Ce sont des formes d'art qui vont trop loin dans la direction du métabolisme ou de l'expérience de la volonté, d'une part, et trop loin dans le sens nerveux ou le processus de pensée, d'autre part, et qui ne résonnent pas pleinement dans le domaine du rythme et de la sensation, où l'on peut se sentir bien. Une épiphanie, comme l'appelait Joyce, dans le calme du cœur peut avoir lieu - ce que l'on appelle l'arrêt esthétique".

Ainsi, la joie physique d’Henri Cartier-Bresson relève pour moi de la volonté, alors que la joie intellectuelle relève de la pensée. Et, parfois, une photo combine les deux, et nous emmène vers une épiphanie, une photo qui nous fait retenir notre souffle. La carrière d’Henri Cartier Bresson nous a fourni quantité de photos, toutes plus exceptionnelles les unes que les autres.

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5 leçons de composition avec Henri Cartier-Bresson

Henri Cartier-Bresson est un photographe légendaire, photojournaliste et dessinateur français. Connu pour la précision et le graphisme de ses compositions, il s'est surtout illustré dans la photographie de rue, la photographie documentaire et la représentation des aspects particuliers ou signifiants de la vie quotidienne. Avec Robert Capa, David Seymour, William Vandivert et George Rodger, ils fondent en 1947 l'agence coopérative Magnum Photos.

C’est probablement le photographe le plus mondialement connu, il a inspiré des générations de grands photographes. Je ne crois pas avoir étudié un photographe qui ne le cite comme référence. Henri Cartier-Bresson est le grand maître des grands maîtres, et je n’ai probablement pas besoin d’en dire beaucoup plus.

J’ai une relation particulière avec Henri Cartier Bresson. Quand j’ai débuté en photographie et que j’ai suivi mes premiers cours et ateliers de photographie de rue, j’ai commencé à parler autour de moi de cet enthousiasme. Immanquablement, j’ai reçu en cadeau aux fêtes de fin d’année deux livres qui m’ont marqué à jamais : The Americans de Robert Franck et le Photo Poche d’Henri Cartier Bresson, qui retrace également la biographie du photographe. J’ai été subjugué par les images d’Henri Cartier Bresson et par le pouvoir de la photographie, et je me souviens m’être dit après avoir refermé le livre : “c’est ça que je veux faire”.

C’est amusant d’y repenser et de voir la place qu'a pris la photographie dans ma vie… Je n’ai pas pour objectif de vous présenter ici le travail ou l’histoire d’Henri Cartier Bresson. Simplement, je vous propose 5 citations d’Henri Cartier Bresson, parfois très connues, commentées. J’ai décidé de scinder cet article en deux et de vous proposer le premier uniquement sur la composition, puisque c’est ce pour quoi Henri Cartier Bresson est le plus connu : son sens de la géométrie et la qualité exceptionnelle de ses compositions.

5 leçons de composition avec Henri Cartier Bresson

  1. La composition est intuitive

« La composition doit être une de nos préoccupations constantes, mais au moment de photographier elle ne peut être qu’intuitive, car nous sommes aux prises avec des instants fugitifs où les rapports sont mouvants. »
— Henri Cartier-Bresson

Rien n’est plus important pour progresser que de savoir analyser une photo. Que contient-elle ? Que se passe-t-il ? Quelle est la symbolique du sujet principal qui y est présenté ? Des sujets secondaires ? Quelle relation est établie visuellement entre les différents plans de l’image ? Quel est le sens de lecture ? Qu’est-ce qui est absent du cadre mais contient du sens ?

Pourtant, cette analyse ne peut se faire qu’après avoir pris la photo, devant une planche contact ou devant Lightroom aujourd’hui. C’est en travaillant vos compositions et en analysant en profondeur vos photos, que vous vous donnerez le plus de chances de pouvoir composer de meilleures photos la prochaine fois que vous en ferez. Parce que la prise de vues est absolument intuitive. On a jamais le temps, en photographie de rue mais aussi en studio ou en paysage avec un trépied. Les moments les plus intéressants passent trop vite et la plupart du temps on n’arrive pas à les recréer ou à se remettre dans les mêmes conditions.

Ainsi, la composition est un des éléments les plus importants, sinon le plus important, mais on ne peut le travailler qu’une fois la photo faite et constater qu’on ne pourra jamais faire mieux… mais ce travail nous permet d’entraîner notre oeil à mieux voir et à saisir des compositions à la volée. Ou plutôt à la sauvette, comme le dirait Henri Cartier-Bresson.

2. Reconnaître le rythme du monde

« Pour qu’une photographie communique son sujet dans toute son intensité, le rapport de forme doit être rigoureusement établi. La photographie implique la reconnaissance d’un rythme dans le monde des choses réelles. Ce que fait l’œil, c’est trouver et se concentrer sur le sujet particulier dans la masse de la réalité ; ce que fait la caméra, c’est simplement d’enregistrer sur la pellicule la décision prise par l’œil. »
— Henri Cartier-Bresson

Cet aspect est particulièrement intéressant, Henri Cartier-Bresson nous propose ici d’apprendre à reconnaître le rythme des choses. II commence par souligner ce que nous connaissons tous de son travail : la rigueur de ses compositions et son sens aigu de la forme. Mais il rattache immédiatement cette forme au message de la photo. Parce que la photographie est une représentation du monde en deux dimensions, on ne peut représenter le mouvement permanent du monde que par un seul instant.

Certains moments représentent mieux le mouvement du sujet que d’autres, apprendre à reconnaître ces instants donnera de meilleures compositions. Ainsi, c’est bien le ou la photographe qui sait observer le rythme du monde. L’appareil n’étant qu’une chambre d’enregistrement des différentes tentatives de saisir l’instant parfait, ou le meilleur représentant de ce rythme.

”La décision prise par l’oeil” d’Henri Cartier-Bresson, c’est notre capacité d’observation et de concentration sur ce qui nous entoure.

3. Trouver l’équilibre

« En photographie, il y a une nouvelle sorte de plastique : le produit de lignes instantanées faites par les mouvements du sujet. Nous travaillons avec le mouvement comme s’il s’agissait d’un pressentiment de la manière dont la vie elle-même se déroule. Mais à l’intérieur du mouvement, il y a un moment où les éléments en mouvement sont en équilibre. La photographie doit saisir ce moment et maintenir l’équilibre immobile.

Certains mouvements sont mieux représentés par des images fixes que d’autres »
— Henri Cartier-Bresson

Henri Cartier-Bresson parle ici encore d’intuition et de mouvement : on anticipe ce que va donner une scène dans un cadre, on se projette dans un mouvement en espérant capter quelque chose d’intéressant.

Puis, il dévoile un élément fondamental pour la qualité de la composition d’une photo : l’équilibre. Comment est-ce que les lignes sont placées entre elles ? Quel est le rapport entre les formes géométriques et leurs surfaces dans le cadre ? Quel est le “poids” visuel d’un élément ou d’un autre ? Par exemple, si vous avez un personnage ou des lignes directrices, ce sera un point d’attention qui donnera un sens de lecture à la photo.

C’est un des principaux sujet d’étude que je propose chez des photographes expérimentés qui veulent franchir une étape : la capacité à évaluer l’équilibre d’une photo. C’est une notion qui peut paraître abstraite et qui a souvent besoin d’être démontrée par un recadrage qui propose un meilleur équilibre, même si la photo est parfois profondément modifiée.

4. Fixer un motif géométrique

« Parfois, il arrive que vous attendiez que quelque chose se produise. Parfois, on a l’impression qu’il y a ici tous les ingrédients d’une image, à l’exception d’une seule chose qui semble manquer. Mais quelle chose ? Peut-être que quelqu’un entre soudainement dans votre champ de vision. Vous suivez sa progression dans le viseur. Vous attendez et attendez, puis finalement vous appuyez sur le bouton - et vous partez avec le sentiment (bien que vous ne sachiez pas pourquoi) que vous avez vraiment quelque chose. Plus tard, pour étayer cela, vous pourrez prendre une empreinte de cette photo, y tracer les figures géométriques qui ressortent à l’analyse, et vous constaterez que, si l’obturateur a été relâché au moment décisif, vous avez instinctivement fixé un motif géométrique sans quoi la photographie aurait été sans forme et sans vie. »
— Henri Cartier-Bresson

Cette citation explique plus en détail le concept d’ “instant décisif”, qui est devenu avec les années probablement le plus gros cliché sur Henri Cartier-Bresson ou sur la photographie de rue en général. Certains vous diront que l’instant décisif n’existe pas, d’autres ne jureront que par lui ou diront que c’est simplement le titre en anglais du livre le plus connu d’Henri Cartier-Bresson. Au final, tout cela a assez peu d’importance, je préfère retenir dans cette citation que selon Henri Cartier-Bresson la photographie est d’abord une représentation géométrique.

Ensuite, la photographie est une recherche permanente. On attend, on attend encore, on suit quelqu’un ou un mouvement, on déclenche, on essaye autre chose. Parfois, on a le sentiment d’avoir quelque chose, aujourd’hui il est plus facile de le vérifier sur son écran, mais on en est jamais totalement certain. Henri Cartier-Bresson dit très bien que c’est à l’analyse que l’on peut vérifier que tout est bien en place sur la photo, qu’il ne manque rien ou que rien ne gêne.

Selon que le moment est intéressant ou non, en fonction de la géométrie de la photo, on saura si notre intuition a été décisive, au sens ou tout ce sera bien en place. L’instant décisif n’est pas tant une qualité du photographe, mais décrit plutôt la pratique, faite d’essais et d’erreurs, et cette recherche d’une géométrie parfaite.

5. Ne cherchez pas les effets

« Si vous commencez à couper ou à recadrer une bonne photo, cela signifie la mort de l’interaction géométriquement correcte des proportions. D’ailleurs, il arrive très rarement qu’une photographie faiblement composée puisse être sauvée par reconstitution de sa composition sous l’agrandisseur de la chambre noire ; l’intégrité de la vision n’est plus là. On parle beaucoup des angles de caméra ; mais les seuls angles valables qui existent sont les angles de la géométrie de la composition et non ceux fabriqués par le photographe qui tombe à plat ventre ou fait d’autres cabrioles pour se procurer ses effets. »
— Henri Cartier-Bresson

Henri Cartier-Bresson était un fervent défenseur de la photo parfaite à la prise de vue, il tenait à ce que ses photos soient publiées telles qu’elles avaient été prises. Le fin cadre noir qui entoure ses photos était la preuve de cette démarche intègre. Cette volonté correspondait au travail de photojournaliste, où un recadrage pouvait modifier le sens de la photo en la plaçant dans un contexte différent.

Le recadrage modifie également les équilibres géométriques, et donc la composition d’une photo. Henri Cartier-Bresson note ici que cela servait rarement la photo, mais surtout cela ne correspondait plus à la vision du photographe. En d’autres termes, un recadrage, c’est comme faire une nouvelle photo. Ce en quoi je suis plutôt d’accord. Mais je dois reconnaître être un pragmatique en la matière. Personnellement, je ne me pose qu’une seule question : est-ce que ce recadrage donne une meilleure photo ? Si la réponse est oui, je recadre.

Avec les années de pratique, j’ai trouvé la focale que je quitterai plus (le 35mm), qui correspond exactement à la manière dont j’aime voir et photographier. Ainsi, je recadre de moins en moins. Mais quand je vois une meilleure photo dans une de mes photos passables, je n’hésite pas, je recadre. Après, je vis assez bien avec ce paradoxe : quand on recadre trop, je trouve que c’est tricher. Quelle est la limite ? À chacun de trouver ce qui lui convient le mieux.

Henri Cartier-Bresson cherchait à donner une vision intègre et fidèle du réel, il disait que le 50mm était le plus proche de la vision humaine. Il nous propose ici de ne pas chercher les effets, par exemple en se mettant au sol. Pour ma part, je garderai les recadrages et les effets, si je crois que cela me permet de proposer une meilleure photo.

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