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5 leçons de photographie avec Fan Ho

Fan Ho, photographe chinois né en 1931 et surnommé le “Cartier-Bresson de l’Est” a photographié Hong-Kong avec une poésie visuelle inégalée. Il a découvert la photographie à l’âge de 14 ans et a rapidement développé un style distinctif mêlant ombres et lumières avec une grâce que l’on qualifie parfois de cinématographique. 

Son œuvre, principalement en noir et blanc, est concentrée sur la vie urbaine. Elle marque l’histoire de la photographie avec des images qui traversent les âges. Reconnu pour son approche intuitive, Fan Ho a exploré les rues et les quartiers populaires, en proposant des instants plein d’émotions et faisant de lui une légende et une source d’inspiration incontournable dans le monde de la photographie. 

Aujourd’hui, nous découvrons sa philosophie à travers 5 de ses citations.

5 leçons de photographie avec Fan Ho

  1. Les yeux, le cerveau et le cœur

« Les bonnes photographies ne sont pas prises avec un appareil photo. Elles proviennent de vos yeux, de votre cerveau, de votre cœur, et non d’un quelconque équipement. »
— Fan Ho

Qu’est-ce qui fait un vrai photographe ? Son équipement ou son regard ? Le processus créatif est à la fois complexe et très simple. Ce que l’on voit nous touche le cœur, on l’interprète et essaye d’en rendre compte.

Selon Fan Ho, Les yeux sont le premier outil du photographe. L’objet de la photographie est d’analyser et de sélectionner les moments qui méritent d’être capturés. Les photographes anticipent des moments où tous les éléments s’alignent parfaitement. 

Le cerveau, lui, interprète, il comprend et décide du moment précis pour déclencher l’obturateur. Quand on prend des photos, le plus simple est parfois de débrancher le cerveau, de ne pas trop réfléchir et de laisser l’intuition s’exprimer. 

Enfin avec le cœur, tout cela prend du sens. Cette phrase rappelle directement celle d’Henri Cartier Bresson, qui disait qu’une photo était un alignement entre les yeux la tête et le coeur. C’est la photo qui nous saisit et qui nous force à déclencher.

Fan Ho

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2. La passion est une amorce

« L’œuvre d’un individu doit être empreinte de passion et elle doit laisser transparaître ses émotions ! »
— Fan Ho

La passion est souvent le point de départ de toute démarche artistique. Pour moi la passion est nécessaire mais pas suffisante. Pour arriver à laisser parler ses émotions en photographie, il va être nécessaire quand on débute de travailler beaucoup, avec consistance et persistance, pour que la pratique photographique devienne complètement naturelle. Le volume de travail peut paraître assez vertigineux quand on débute, et sans passion il sera probablement difficile de se résoudre à continuer ce travail sur la durée.

La passion est parfois dévorante, elle peut nous pousser dans nos derniers retranchements, au point d’oublier tout ce qui s’en échappe. Au même titre que l’écriture, la photographie devient alors un exutoire, un moyen d’exprimer ses émotions les plus profondes. Comme les écrivains qui ressentent ce besoin irrépressible d’écrire, la passion peut nous pousser à photographier toujours plus. Mais c’est bien la discipline et le volume de travail qui nous fera progresser.

Fan Ho

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3. Le mirage de l’authenticité

« Mes photos de rue réalistes sont rarement sélectionnées. L’esthétique picturale et les images avec un sens de l’humour restent la clé pour les photos de salon, mais je m’attends à ce que des changements se produisent bientôt. En attendant, je vais juste continuer à essayer. »
— Fan Ho

Fan Ho évoque ce paradoxe bien connu des photographes avec un peu d’expérience : les photos qui plaisent le plus sont souvent différentes de celles qu’affectionne particulièrement le ou la photographe. On se retrouve parfois sur une ligne de crête, entre satisfaire le plaisir facile d’une audience acquise, ou chercher ce qui nous intéresse profondément, avec une totale authenticité.

Mais qu’est-ce que c’est qu’être authentique ? C’est être fidèle à ce que l’on a vu, c’est mettre en valeur son sujet pour satisfaire son ego, ou c’est poursuivre une idée et tordre le monde pour qu’il ressemble à cette idée ?

Il n’y a pas de réponse facile. Tout ce que nous pouvons faire comme photographe, c’est essayer et décider ensuite. Ou ne pas décider du tout et se laisser porter par l’aléatoire, par la sérendipité. Mais je crois que dans une œuvre significative comme celle de Fan Ho, la personnalité de l’artiste finit toujours par transparaitre, qu’il ait du succès ou non.

L’ennemi, à l’époque de Fan Ho ou dans la nôtre, c’est s’abandonner au seul plaisir pictural, aujourd’hui matérialisé dans les likes sur Instagram.

Fan Ho

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4. Le noir et blanc pose une question

« Je préfère les photographies en noir et blanc, ce n’est pas que je ne prends pas de photos en couleur. Les couleurs ne s’inscrivent pas bien dans mon monde, le noir et blanc m’offrent une distance. Une sorte de distance par rapport à la vie réelle, je pense que cette distance est très importante. La vie réelle est multicolore mais le noir et le blanc offrent un sentiment de détachement, il permet aux spectateurs de développer leurs propres réponses et offrent l’espace et la profondeur pour réfléchir et contempler mes idées. »
— Fan Ho

Le noir et blanc élimine la distraction des couleurs et peut amener le spectateur à se concentrer sur la scène, sur la lumière, la texture et la forme. Il permet de mettre une distance émotionnelle nécessaire à une réflexion plus profonde. 

Peut-être que les photographies en noir et blanc posent une question, alors que la couleur apporte une réponse. Une question sera toujours plus évocatrice qu’une vérité.

Pour certains clichés, le noir et blanc joue un rôle essentiel dans la narration visuelle. C’est une invitation à voir au-delà de l’évident, à ressentir la ville et ses habitants à un niveau viscéral. Nous pouvons voir le noir et blanc comme une méditation visuelle.

Fan Ho

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5. Apprenti toute sa vie

« Quel est le secret de l’art de la photographie ? C’est expérimenter, expérimenter et expérimenter sans fin. »
— Fan Ho

Fan Ho, maître de la lumière et de la composition, met en exergue l’importance de l’expérimentation dans la photographie. Mais que doit-on pratiquer / essayer ? Jouez avec des angles inattendus, explorez différents moments de la journée pour la lumière ou encore trouvez des manières innovantes d’interagir avec vos sujets ! 

En tant que photographe, il est primordial de chercher une narration visuelle profonde. Pour ce faire, vous devez expérimenter afin de découvrir de nouvelles façons de raconter des histoires. 

Fan Ho suggère également qu’on ne termine jamais d’apprendre : autant techniquement que conceptuellement. C’est par cette exploration qu’on affine notre style et notre vision afin de découvrir ce qui nous fait le plus réagir. L’expérimentation est le cœur du processus créatif.

Repoussez vos limites, découvrez de nouvelles perspectives et devenez un apprenti toute votre vie !

Fan Ho

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Fan Ho nous laisse un héritage intemporel, une fenêtre sur le passé qui continue d’inspirer et d’influencer le monde de la photographie contemporaine. À travers ses images emblématiques et ses paroles pleines de sagesse, il a su transmettre les principes fondamentaux de la photographie : de l’importance de l’observation, la passion comme moteur créatif, l’audace de l’expérimentation et l’engagement envers l’authenticité. 

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5 leçons, Jill Freedman Genaro Bardy 5 leçons, Jill Freedman Genaro Bardy

5 leçons de photographie avec Jill Freedman

Jill Freedman, observatrice passionnée de la vie humaine, est née en 1939 à Pittsburgh et décédée le 9 octobre 2019. Autodidacte, elle a consacré sa carrière à photographier la réalité brute de la société américaine. Son travail se démarque par son engagement envers les mouvements sociaux, les manifestations anti-guerre et les luttes pour les droits civiques.

Jill Freedman se distingue par son parcours atypique et sa vision artistique profonde. Diplômée en sociologie de l'Université de Pittsburgh, elle découvre la photographie de manière autodidacte, influencée par des figures emblématiques telles qu'André Kertész et W. Eugene Smith, mais c'est au côté de son caniche Fang qu'elle apprend véritablement à observer le monde. Sa carrière décolle après un séjour à Resurrection City.

Ses projets, tels que "Old News: Resurrection City" et "Circus Days", révèlent un engagement profond pour la justice sociale et une admiration pour les survivants de la vie, marquant l'histoire de la photographie par sa capacité à raconter des histoires et produire des documentaires fascinants, créant ainsi un héritage photographique profondément influent.

Dans cet article, nous explorerons son univers, ainsi que l’impact de son travail sur la photographie documentaire.

Jill Freedman

1- La photographie a une fonction anthropologique

« J’ai étudié la sociologie et l’anthropologie et je me rends compte maintenant que ce que j’ai fait avec mon appareil photo toutes ces années, c’est documenter le comportement humain. Mais je prenais des photos dans ma tête bien avant de devenir photographe. C’est la guerre du Vietnam qui a tout changé pour moi. J’étais en colère et je voulais photographier des manifestations anti-guerre, alors j’ai acheté mon premier appareil photo. »
— Jill Freedman

Jill Freedman identifie deux manières de photographier : 

  • L’une revient à étudier l’être humain à travers la sociologie et l’anthropologie. On observe et répertorie ses faits et gestes, on raconte une histoire et on essaie de la comprendre. Avec ou sans appareil, on s’attarde sur un moment important ou révélateur de la société.

  • L’autre consiste à simplement observer et se remémorer.

Un photographe sait observer, qui sait comprendre ce qu’il se passe devant lui. Mais surtout, un photographe choisit ses sujets parce qu’ils le passionnent, l’animent, le font s’engager dans ce qu’il photographie. De fait, quand Jill Freedman vient s'intéresser aux mouvements sociaux, elle vient documenter le comportement humain à la manière d’une sociologue. L’outil de restitution est simplement différent. La guerre du Vietnam a été le déclencheur de la carrière de Jill Freedman. Elle a transformé sa colère en une expression artistique et documentaire.

Un photojournaliste peut-il être neutre dans sa manière de rendre compte des événements de société ? On reproche souvent aux photographes de prendre une position militante par rapport à leur sujet. Je crois que cette prise de position est inhérente au métier de journaliste. À mon retour du Mali, où j’espérais pouvoir devenir photojournaliste, je photographiais toutes les manifestations à Paris, souvent le week-end. Il m’était impossible d’aller photographier une manifestation en 2013 contre le mariage pour tous avec bienveillance pour ceux qui défilaient. Si je respecte leur droit à manifester, je ne peux que m’opposer aux messages qu’ils portaient et le regard que je posais était forcément transformé.

Il me semble que photographier, c’est porter un message autant que rapporter des faits. La carrière de Jill Freedman en est une parfaite démonstration.

Jill Freedman

Jill Freedman

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2. Ne faites pas des photos faciles

« Je déteste les photos faciles. Je déteste les photos qui font que les gens ont l’air de ne pas valoir grand-chose, juste pour prouver le point de vue d’un photographe. Je déteste quand ils prennent une photo de quelqu’un se curant le nez ou bâillant. C’est tellement facile. Ça correspond à un gonflement de l’ego. Vous utilisez les gens comme des accessoires au lieu de les traiter comme des personnes. »
— Jill Freedman

Jill Freedman soulève une question fondamentale tant en photographie documentaire qu’en photographie de rue, d’autant plus à notre époque où l'image prend une place prépondérante. Elle vient critiquer ici une approche de la photographie qui déshumanise ses sujets, les réduisant à de simples blagues valorisant le photographe, alors que la représentation des sujets est cruciale ! 

La tendance à rechercher des clichés sensationnels ou provocateurs, souvent au détriment du sujet, pose une question éthique. La photographie ne peut pas être une quête égoïste de reconnaissance, de chercher des photographies exotiques, sensationnelles, avec la récompense des likes d’instagram. Jill Freedman nous rappelle que la photographie est un moyen de révéler des vérités en respectant la dignité de ceux que l’on montre dans nos photos. Cela requiert de la part du photographe de l’empathie, de la compréhension et peut-être même de l’affection envers ses sujets. 

On trouve parfois une règle en photographie de rue : pas d’enfants, pas d’artistes de rue, pas de SDF. Personnellement j’essaye de ne jamais montrer quelqu’un dans une situation dans laquelle je n’aimerais pas être pris en photo. C’est la principale raison pour laquelle je m’interdis de photographier des SDF sans leur demander la permission et je ne montre que très rarement ces photos si je ne suis pas en commande. Je vous renvoie au projet de Corentin Fohlen Home Street Home pour aller plus loin dans cette réflexion.

Jill Freedman

Jill Freedman

3. La mémoire comme mission sacrée

« Je crois que se souvenir est une mission sacrée et, par conséquent, on doit être digne de cette mission. »
— Jill Freedman

Ici, Jill Freedman évoque le devoir de mémoire et notamment son travail concernant l’Holocauste. 

Jill Freedman souligne la responsabilité qui incombe à ceux qui documentent, représentent ou partagent des histoires ou des images liées à des tragédies humaines. Si l’on se réfère à l'œuvre de Jill Freedman et ses différentes prises de parole, Il est nécessaire de rendre hommage à la vérité, à la souffrance et à la dignité des personnes impliquées dans ces tragédies. 

Dans le contexte de l’Holocauste l’objectif doit être d’éduquer les générations futures et de ne pas tomber dans le sensationnalisme ou l’exploitation de la douleur. Jill Freedman a photographié et documenté comment les familles juives se souviennent des horreurs de la seconde guerre mondiale et ont crée de nouveaux rituels autour du devoir de mémoire. 

À Salvador, quand je photographie les rituels et les célébrations Candomblé, je ne peux pas seulement m’arrêter au folklore d’une religion locale qui vénère 12 déesses. Les divinités Candomblé sont directement issues des rituels Vaudous Africains, que les esclaves qui ont construit la ville de Salvador n’avaient pas le droit de pratiquer. Les divinités féminines de la religion Candomblé ont été associés aux saintes de la religion Chrétienne qui leur était imposée. Un million et demi d’esclaves, de femmes et d’enfants, ont été importés par bateaux depuis la Centrafrique et le Bénin, c’est cette mémoire que véhiculent les photographies des rituels Candomblé aujourd’hui.

Jill Freedman

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4. Le Consentement en photographie

« La plupart des gens adorent qu’on les prenne en photo. »
— Jill Freedman

Jill Freedman disait demander systématiquement le consentement de ses sujets avant de les prendre en photo. Lorsqu’ils refusaient, elle partait. 

Elle a souvent photographié des individus dans des moments authentiques, montrant une réalité de la vie quotidienne. Cela reflète une capacité à établir un lien avec ses sujets pour se faire accepter voire oublier pendant qu’elle prenait des photos.

Mon expérience personnelle est de privilégier le moment que l’on passe avec les gens que l’on photographie à la photo qui en sera peut-être issue, si on a un peu de chance. Une photo réussie est trop rare, alors que l’occasion de créer une vraie connexion avec les gens que l’on rencontre, c’est à chaque fois.

Je vais préférer obtenir des photos authentiques en étant discret, en essayant de m’approcher sans me faire repérer. Mais je pars du principe que je vais dialoguer avec les personnes que je photographie. J’ai rencontré certains de mes meilleurs amis avec la photographie et ces rencontres aléatoires. Et si jamais je n’ose pas y aller, je demande la permission. On peut tout à fait obtenir des photographies naturelles en demandant la permission et en continuant à photographier si besoin après avoir pris un portrait.

Et pui Jill Freedman avait absolument raison sur ce point : la plupart des gens aiment les photos et les photographes.

Jill Freedman

Jill Freedman

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5. New York comme Échappatoire

« Venir à New York, c’est toujours une façon de s’échapper à votre vie. »
— Jill Freedman

Jill Freedman était fascinée par New-York, pour son énergie et sa diversité. Cette ville est une source d’inspiration pour quantité de photographes parce qu’elle est absolument photogénique et parce que toutes les populations du monde s’y croisent. Chaque quartier est une nouvelle découverte. 

Pour Freedman, la ville représentait un échappatoire, un lieu où l’on peut se perdre et se redécouvrir. J’ai une histoire particulière avec New York, c’est la ville où je découvrais la photographie. Je voyageais seul pour le travail et chaque minute de mon temps libre était consacré à l’exploration d’un quartier ou d’un nouveau lieu et de ses habitants. J’y ai voyagé depuis plus de 25 fois, souvent avec des photographes, c’est naturellement que je me suis intéressé aux photographes qui ont façonné l’histoire de la ville en photographie.

Quel est votre lieu à vous ? Celui qui vous apporte un sentiment de plénitude ou d’émerveillement ? Ce peut être un lieu en apparence plus simple, mais le plus important est l’attachement que vous aurez à ce lieu, car c’est ce qui se verra dans vos photos. 

Jill Freedman

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Jill Freedman

Jill Freedman est décédée le 9 octobre 2019, laissant derrière elle un héritage indélébile dans le monde de la photographie documentaire. Pour continuer l’exploration de son travail je vous propose l’une de ses dernières interviews, réalisée par Josh Ethan Johnson dans le cadre de sa série documentaire Wrong Side of The Lens. Cliquez sur ce lien pour voir la vidéo.

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5 leçons, Ernst Haas Genaro Bardy 5 leçons, Ernst Haas Genaro Bardy

5 leçons de photographie avec Ernst Haas

Ernst Haas, né en 1921 à Vienne et décédé en 1986, est une figure incontournable dans le monde de la photographie du 20ème siècle. Pionnier des prises de vue en couleur, il a révolutionné la façon dont nous percevons ce médium. Dès les années 1950, il s'est imposé comme l'un des premiers à maîtriser le potentiel de la couleur, à une époque où le noir et blanc dominait le paysage artistique.

Sa première série significative, axée sur le retour des prisonniers de guerre autrichiens, lui a valu une attention immédiate et une place au sein de l'illustre agence Magnum dès 1949. Au fil de sa carrière, il a noué des amitiés avec d'autres géants du domaine, tels qu'Henri Cartier-Bresson.

Dans cet article, nous explorerons sa philosophie de la photographie à travers cinq de ses citations. Découvrons ensemble sa réflexion sur ce que signifiait pour lui "prendre une photo".

5 leçons de photographie avec Ernst Haas

  1. Les 2 types de photographes

« Il y a deux types de photographes : ceux qui composent les photos et ceux qui les prennent. Les premiers travaillent en studio. Pour les derniers, le studio c’est le monde. »
— Ernst Haas

Ernst Haas résume parfaitement la pratique photographique en soulignant une dichotomie fondamentale : celle de la composition contrôlée versus la capture spontanée. 

Dans un studio, tout est orchestré à la perfection : les lumières, les ombres et même le sujet. C’est un art de la construction, où tout est manipulé pour créer l’image idéale. 

Dehors, à l’inverse, vous défiez l’imprévisible, qui est à la fois votre meilleur ami et votre pire ennemi. Vous chassez les instants et naviguez à travers des labyrinthes urbains.
J’ai toujours pensé que la pratique de la photographie était d’abord intuitive, en réalité on travaille ses compositions à l’analyse des résultats, sur des planches contact ou devant un ordinateur. On s’entraîne pour devenir plus réactif et voir des compositions à la volée.

Le monde devient un studio. À chaque sortie, nous trouvons une nouvelle opportunité de “prendre” une image qui raconte une histoire, plutôt que de la composer dans un environnement contrôlé.

Ernst Haas

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2. La beauté est intérieure

« Une image est l’expression d’une impression. Si le beau n’était pas en nous, comment pourrions-nous le reconnaître ? »
— Ernst Haas

La beauté est subjective, autant dans notre quotidien que dans l’art. Un photographe n’est pas un simple capteur d’images, mais un révélateur d’une beauté intérieure. Ce que nous trouvons beau dans une photographie est en réalité un reflet de notre propre sens esthétique. Chaque cliché est un acte d’introspection, une réflexion sur notre perception du monde. C’est la résonance de notre propre sentiment du beau. 

On photographie qui on est, on capture ce qui se présente devant nous et on se projette dans le monde extérieur, dans un même mouvement. Ce que nous capturons, c’est notre sens intime de la beauté. C’est cela qui nous pousse à nous positionner d’une certaine manière et à déclencher. Ce sont nos valeurs esthétiques, culturelles et même philosophiques. 

Ce n’est pas seulement ce que nous voyons qui compte, mais comment nous le voyons et comment nous décidons de le représenter. Nous nous explorons au quotidien dans notre identité en tant qu’artiste.  

Ernst Haas - Agence Magnum

Ernst Haas

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3. L’importance de la mobilité

« L’optique la plus importante que vous avez, ce sont vos jambes. »
— Ernst Haas

Zoomez avec vos pieds. La photographie demande un engagement physique avec le sujet. Un photographe de rue est un explorateur, ce sont ses jambes qui le guident à travers son terrain de jeu infini : le monde. 

La technique et l’équipement ne sont pas les seuls éléments à prendre en compte. Le positionnement, l’angle et la perspective jouent un rôle primordial. Et pour proposer un regard original, il va falloir aller le chercher.

Dans le cas de la photographie de rue, la mobilité est essentielle. Chaque scène observée, doit être travaillée. Tourner autour de son sujet, observer la lumière, les mouvements et choisir comment le mieux représenter ces mouvements. Le pire qui puisse vous arriver, c’est prendre une photo en passant, peut être juste deux ou trois, et passer son chemin. C’est presque la garantie de proposer des photos banales. Travaillez vos scènes.

Ernst Haas - Agence Magnum

Ernst Haas

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4. La quête de nouvelles perspectives

« Je ne suis pas intéressé à photographier de nouvelles choses - je suis intéressé à voir des choses nouvelles. »
— Ernst Haas

Les rues que nous arpentons nous sont rapidement familières. Le défi n’est pas réellement de trouver de nouveaux endroits à photographier, mais de voir les mêmes scènes, jour après jour, sous un nouvel angle, avec des yeux neufs.

Vous avez, en bas de chez vous un monde merveilleux que l’on peut avoir tendance à disqualifier parce qu’on a décidé qu’il n’était pas intéressant.

La magie ne réside pas dans le sujet lui-même, mais dans votre manière de le percevoir et de le présenter. Si vous décidez d’être curieux, vous verrez un monde nouveau s’ouvrir. Pour reprendre les mots du poète Paul Nougé : c’est un PAYSAGE de SOURCES et de BRANCHES, une MAISON de FEU, mieux encore la VILLE MIRACULEUSE qu’il vous plaira d’INVENTER.

Vous êtes dans une rue que vous avez déjà photographiée des dizaines de fois ? Changez votre point de vue, baissez-vous, élevez-vous, photographiez un moment différent de la journée. Vous aurez toujours une image différente.

L’important, c’est d’apporter un regard neuf sur le familier. Le même marchand de rue, le même panneau d'affichage ou le même arbre peuvent offrir des opportunités sans fin pour le ou la photographe qui sait regarder. 

Ernst Haas nous pousse à remettre en question notre sens de l’observation. Pour nous, photographes, la rue est un terrain de jeu dans lequel chaque instant est une opportunité pour proposer une nouvelle manière de voir et de comprendre le monde.

Ernst Haas - Agence Magnum

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5. La photographie est-elle un art ?

« Quelques mots sur la question de savoir si la photographie est un art ou non : je n’ai jamais compris la question. »
— Ernst Haas

Ernst Haas photographiait en couleur à un moment où la couleur était seulement utilisée pour une photographie commerciale. Les premières expositions d’artistes photographes apparaissaient et la question était légitime, alors qu’elle paraît presque absurde aujourd’hui.

Notre travail de photographe n’est pas une simple série d’instantanés, nous proposons une exploration de la vie urbaine qui se démarque par sa composition, son style, son ton, son assemblage et notre réflexion avant, pendant et après. Est-ce qu’il y a réellement un débat ? 

En photographiant, nous racontons la vie dans l’espace public, en tant qu’artistes. La photographie est peut-être accessible à tout le monde aujourd’hui et est souvent perçue comme plus mécanique ou technique que d’autres formes d’art. Toutefois, ce point de vue ignore l'œil du photographe, sa vision, son interprétation. Nous oublions également l’importance de l’intention (Je vous invite d’ailleurs à aller visionner ma vidéo sur l’intention en photographie). Tous ces éléments sont aussi importants en photographie qu’en peinture ou en sculpture. 

Ernst Haas

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5 leçons, Inge Morath Genaro Bardy 5 leçons, Inge Morath Genaro Bardy

5 leçons de photographie avec Inge Morath

Inge Morath est née à Graz, en Autriche, le 23 novembre 1923. Elle a étudié la littérature et l'art à Vienne, puis a commencé sa carrière de photographe en 1948. Elle a été formée par Robert Capa et Henri Cartier-Besson. Elle a travaillé et été membre de l’équipe fondatrice pour l'agence Magnum Photos de 1950 à 2002.

Morath a voyagé dans le monde entier pour son travail, et a documenté une grande variété de sujets, notamment la vie quotidienne, la politique, la culture et l'art. Elle est connue pour ses images sensibles et poétiques, qui capturent souvent l'humanité et la compassion. Inge Morath est décédée à New York le 30 janvier 2002.

Légende de la photographie, elle a vécu une vie de photographe, auteur et photojournaliste particulièrement sensible aux cultures dont elle a croisé le chemin. Ses mots et ses images sont un trésor d’inspiration pour toutes celles et ceux qui aspirent à comprendre le sens de la photographie.

5 leçons de photographie avec Inge Morath

  1. Le pouvoir de la communication

« Je crois que la photographie est un moyen de communiquer avec les gens. C’est une façon de partager nos expériences et nos émotions avec les autres. »
— Inge Morath

Cette affirmation d'Inge Morath résonne puissamment à une époque où la technologie nous inonde d'images à chaque instant. La simple pratique de capturer une image va bien au-delà de la composition et de la lumière. La Photographie est un média pour initier un dialogue. 

La puissance de la photographie se mesure dans sa capacité à établir une connexion avec les autres. Si une photo permet au spectateur de ressentir les mêmes émotions que son photographe, elle vient transcender sa nature technique et touche l’âme, de manière très subtile. 

Ainsi, le véritable objectif ne serait-il pas de créer des œuvres qui parlent aux gens ? Qui génèrent une connexion émotionnelle entre le sujet, le spectateur, et le photographe lui-même ?

Photo Inge Morath - Agence Magnum

Photo Inge Morath - Agence Magnum

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2. L’art de la vie

« La photographie est un art de la vie. Il s’agit de capturer la beauté et la complexité du monde qui nous entoure.  »
— Inge Morath

La photographie est plus qu’une pratique technique ou une capacité à la composition ou à la gestion de la lumière. Elle est une fenêtre ouverte sur notre existence, un miroir de la vie elle-même. Chaque cliché est une occasion unique de révéler la complexité de nos vies : nos joies, nos peines, nos luttes et nos triomphes. Elle interpelle, elle interroge et témoigne de notre condition. En déclenchant, nous documentons le monde auquel nous avons accès. Nous essayons de le comprendre, de le sentir, mais nous réussissons surtout à le partager.

Cette phrase me rappelle mon deuxième séjour en Inde. Je me trouvais à Jalawar pour un marché aux chameaux et aux chevaux qui se tient juste avant le festival de Chandrabhaga. Pendant une après-midi, toute la ville défile en tenue traditionnelle, chacun pratique une danse, un instrument ou un art en marchant vers la rivière sacrée de Chandrabhaga. à la tombée du jour, dans une foule dense pleine de ferveur, chacun fait une offrande de fleurs à la déité du soleil, certains se baignent dans la rivière sacrée. La joie qui se diffuse dans cette procession est indescriptible. Les photos que j’ai faites ce jour-là sont pour moi parmi les plus précieuses de ma carrière.

La photographie révèle la profondeur de l’expérience humaine. Inge Morath nous propose ici de produire des œuvres pour qu’elles soient de véritables miroirs de la vie. 

Photo Inge Morath - Agence Magnum

Photo Inge Morath - Agence Magnum

3. L’innovation et la découverte 

« Je suis toujours à la recherche de quelque chose de nouveau et d’inattendu. Je veux trouver des images qui soient à la fois belles et significatives. »
— Inge Morath

Le fond et la forme sont indissociables. Une belle photo pour Inge Morath, c’est une photo significative, qui a donc du sens.

La photographie devient alors une occasion, non seulement de représenter une réalité, mais également de sortir de notre zone de confort. Le but d’une image est de chercher constamment des perspectives nouvelles et inattendues, afin de transmettre un message, de partager une histoire ou un regard sur son sujet.

Cette pulsion d’amélioration rend la photographie unique et puissante. Cela nous rappelle que l’acte de photographier n’est jamais statique, que nous devons aller chercher les photos, creuser pour trouver un sujet, et être ouvert à l’aléatoire, à l’inattendu. La photographie évolue avec notre propre expérience et notre courage artistique. Au-delà d’un miroir de la vie, la photographie est une fenêtre vers des possibilités de découverte et de compréhension de l’autre. 

Photo Inge Morath - Agence Magnum

Photo Inge Morath - Agence Magnum

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4. L’oeil et l’âme

« La photographie est un phénomène étrange... Vous faites confiance à votre œil mais ne pouvez vous empêcher de révéler vos émotions et pensées secrètes. »
— Inge Morath

La photographie est une extension de notre regard, et donc, de notre personnalité la plus profonde. Chaque cliché lie intimement le regard objectif de la caméra et la vision subjective du photographe.

Cette dualité définit la puissance de la photographie. Elle est à la fois une quête d’authenticité et une interprétation très personnelle du monde qui nous entoure. Ce n’est pas seulement ce que vous voyez qui compte dans une photographie, mais comment vous le voyez, comment vous interprétez ce moment à travers votre propre prisme émotionnel.

Chaque image devient un témoignage visuel, mais aussi un reflet profond de notre propre humanité, de nos aspirations et de nos émotions. On photographie qui on est.

Photo Inge Morath - Agence Magnum

Photo Inge Morath - Agence Magnum

Photo Inge Morath - Agence Magnum

5. Le plaisir de la création

« Déclencher une photo est resté un moment de reconnaissance joyeuse, comparable à l’enchantement d’un enfant sur la pointe des pieds et qui soudainement, dans un petit cri de plaisir, étend son bras vers un objet désiré. »
— Inge Morath

Dans un univers saturé par la compétitivité dans les domaines de l'art et du commerce, il est aisé de perdre de vue le bonheur pur et intangible qui émane du simple acte créatif. Dans ce contexte, où la photographie est souvent cantonnée à sa valeur commerciale ou à sa perfection technique, les mots d'Inge Morath agissent comme une bouffée d'air frais. Ils nous rappellent que la simple action de prendre une photo peut et doit demeurer un plaisir, un moment d'émerveillement et de connexion intime avec notre environnement et avec nous-mêmes.

J’ai eu la chance de voyager pour ma photographie, et parfois j’ai une connexion avec un lieu qui se développe et qui devient puissante, charnelle. Je ressens une énergie merveilleuse à New York à cause de son effervescence. J’ai trouvé à Salvador des gens qui sont totalement dans l’instant présent, et qui montrent une générosité et une empathie infinie. Parfois, un endroit vous touche au cœur, et vous ne savez pas vraiment expliquer pourquoi. C’est un émerveillement qui vient parfois de l’enfance ou d’une expérience particulièrement émotionnelle. Quand je reviens dans les marais salants de Guérande, je retrouve ce sentiment.

C’est une invitation à réfléchir plus profondément sur le sens de notre pratique. Les photos que nous prenons ne sont pas de simples représentations visuelles, elles sont le reflet de notre joie, de notre curiosité, et de notre quête incessante de beauté et de vérité.

Photo Inge Morath - Agence Magnum

Photo Inge Morath - Agence Magnum

Photo Inge Morath - Agence Magnum

L'œuvre et la philosophie d’Inge Morath offrent une feuille de route pour une pratique photographique plus consciente et humaine. Elles nous rappellent que la prise de vue est un langage, un mode d’exploration ou encore une forme d’expression émotionnelle. Elle nous pousse à prendre des risques, à être authentiques et, par-dessus tout, à prendre du plaisir. 

La sensibilité et l’intuition de Morath a réussi à transcender les barrières culturelles et émotionnelles pour toucher l’essence même de l’humain. À travers ses leçons, elle nous encourage à faire de même et à transformer chaque déclenchement en une forme d’amour, de curiosité et de dévouement.

Son héritage perdure encore aujourd’hui. Et si nous sommes prêts à écouter, à apprendre et à mettre en pratique ses enseignements, nous enrichirons notre propre art, mais nous contribuerons probablement à un monde plus empathique et compréhensif, comme elle l’a elle-même fait. 

Inge Morath a su utiliser son objectif pour comprendre et célébrer la vie dans toute sa splendeur et sa complexité. N’est-ce pas là, finalement, la plus grande leçon de toutes ? 

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Une histoire de fin d’été

Rue de Johannesburg

Rue de Johannesburg

6 mois après mon installation au Brésil, et après 5 ans de paysages et de Villes Désertes, je veux revenir à mes premières amours en photographie et me concentrer sur la photo de rue.

Je fais ce que je sais faire : un blog. Et je conçois les ateliers de photographie sur deux jours où nous travaillons la pensée visuelle, la symbolique et des exercices créatifs pour commencer un projet personnel.

Mais 2020 n'est pas 2010. Très peu de monde lit effectivement les articles, tout ou presque passe par la vidéo.

12 mars 2020. Je perds tous mes clients, agences de voyages, magazine, réseau d'agents de voyages, voyages photo.

Je donne rdv un soir sur Facebook, je mets mon téléphone sur un trépied. On prend sa respiration, appuyer sur "Record", c'est parti pour le direct. Caméra selfie pour causer, caméra normale pour filmer mon écran et montrer des photos.

Pendant dix lives, écris la veille de nuit parce que Tom a 1 an et Fernanda est enceinte de 7 mois, j'improvise. Exercices créatifs, analyse de photos. Ça plaît au gens.

Et si je faisais payer pour ça ? Ok, c'est parti pour L'Étincelle. Les photographes progressent, parfois de manière spectaculaire. Le seul problème, mais de taille : quand je ne suis pas en direct, je ne sais pas faire des vidéos que les gens ont envie de regarder... Et je n'ai pas encore de programme de formation sur ce que j'aime le plus au monde : la photo de rue.

Après 1 an sur Youtube, j'ai appris deux trois trucs. Notamment à monter, mais surtout à raconter des histoires pour lesquelles les photographes veulent bien me donner 5 minutes de leur temps. Alors quand l'été arrive, je n'ai qu'un seul objectif : proposer à la rentrée un programme de formation à la photo de rue complet, passionnant, pour tous les niveaux, avec la participation aux ateliers de L'Étincelle pour avoir un retour sur sa production de photos.

Depuis 3 mois j'ai conçu, écrit, tourné, monté et préparé ce programme et les 15 vidéos de formations. Certaines sont  mes meilleures vidéos, parce que je les ai produites avec l'expérience d'un an de Youtube... et la veille de l'automne, ce programme sera disponible. Le 20 septembre à 20h, je vous parle du programme "5 Semaines pour Maîtriser la Photo de Rue".

Mais surtout, je vous donnerai en direct 5 clés pour progresser en photographie de rue, quelque soit votre niveau et votre expérience.

J'espère que le 20 septembre 2023 sera le point de départ pour vous, comme il l'a été pour moi il y a exactement 5 ans, quand je décidais de m'installer dans un autre hémisphère, dans un pays dont je ne parlais pas la langue, pour fonder une famille avec la femme de ma vie que je connaissais à peine. Et pour ma photo, je décidais de ne faire que ce que j'aime : la photo de rue.

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5 leçons, Henri Cartier Bresson Genaro Bardy 5 leçons, Henri Cartier Bresson Genaro Bardy

5 leçons de photographie avec Henri Cartier-Bresson

Henri Cartier-Bresson est un photographe légendaire, photojournaliste et dessinateur français. Connu pour la précision et le graphisme de ses compositions, il s'est surtout illustré dans la photographie de rue, la photographie documentaire et la représentation des aspects particuliers ou signifiants de la vie quotidienne. Avec Robert Capa, David Seymour, William Vandivert et George Rodger, ils fondent en 1947 l'agence coopérative Magnum Photos.

C’est probablement le photographe le plus mondialement connu, il a inspiré des générations de grands photographes. Je ne crois pas avoir étudié un photographe qui ne le cite comme référence. Henri Cartier-Bresson est le grand maître des grands maîtres, et je n’ai probablement pas besoin d’en dire beaucoup plus.

Je n’ai pas pour objectif de vous présenter le travail ou l’histoire d’Henri Cartier Bresson. Simplement, je vous propose 5 citations d’Henri Cartier Bresson, parfois très connues, commentées. J’ai décidé de scinder cet article en deux, et après le premier sur la composition, voici le second avec des considérations plus générales sur la pratique de la photographie.

5 leçons de photographie avec Henri Cartier Bresson

  1. Aligner la tête, l’œil et le cœur

« Photographier, c’est reconnaître – simultanément et en une fraction de seconde – à la fois le fait lui-même et l’organisation rigoureuse des formes perçues visuellement qui lui donne sens.

Photographier c’est mettre sur la même ligne de mire la tête, l’œil et le cœur. »
— Henri Cartier-Bresson

Photographier, c’est d’abord et surtout mettre ce que l’on voit dans un cadre, et cela a des conséquences. Henri Cartier-Bresson dit ici parfaitement que photographier, c’est d’abord reconnaître le fait lui-même. J’ai vu quelque chose qui m’intéresse, pour des raisons personnelles.

Et, au même moment, je sais reconnaître ce que ça va donner quand c’est mis dans un cadre, ce que Henri Cartier Bresson appelle l’organisation rigoureuse des formes : quels éléments ? quel positionnement dans le cadre ? comment le cadre est structuré ?

Au même moment, ce que j’ai vu qui m’intéresse correspond à un cadre structuré et organisé. Ce cadre visuel ou cette forme “donne sens” au fait, à ce que j’ai vu. Parce que chacun verra des faits différents (la tête) ou trouvera une esthétique (l’oeil) dans des structures de cadre différentes, tout cela s’aligne avec le cœur, et devient personnel.

2. Le choc émotionnel

« Si il n’y a pas d’émotion, si il n’y a pas de choc, si on ne réagit pas à la sensibilité, on ne doit pas prendre une photo, c’est la photo qui nous prend. »
— Henri Cartier-Bresson

Je suis partagé par rapport à cette fameuse citation de Henri Cartier Bresson. En premier lieu, c’est une réalité indéniable, certains moments s’alignent parfaitement et parfois je sais que j’ai une photo remarquable à la prise de vue, quand je déclenche. Ainsi, c’est cette photo exceptionnelle qui me prend, qui m’aspire vers elle.

Et en même temps, je suis gêné avec ce bout de phrase : “on ne doit pas prendre une photo”. Pour moi, cela concerne uniquement les photographes qui ont beaucoup d’expérience et qui savent reconnaître quand un déclenchement n’est pas nécessaire. Pendant longtemps, en tout cas pour la phase d’apprentissage, je pense que l’essai permanent est plus utile. Je crois qu’il est nécessaire de beaucoup voire trop déclencher pour essayer des choses, gagner en expérience, pour “voir ce que ça donne en photo” comme le dirait Garry Winogrand.

La pratique de la photographie est une recherche d’une photo exceptionnelle, c’est une succession d’échecs, de tentatives. Évidemment, la volonté de déclencher répond à une sensibilité, une émotion du photographe. On photographie des faits ou des personnes qui nous sont importants, ou du moins qui répondent à une curiosité. Mais, s’il vous plait n’attendez pas que le choc d’une seule photo vous fasse déclencher, ou alors vous ne gagnerez jamais l’expérience de ces milliers de photos qui fonctionnent moins bien.

3. Faire rentrer la photo dans sa vie

« Pour moi, l’appareil photo est un carnet de croquis, un instrument d’intuition et de spontanéité, le maître de l’instant qui, en termes visuels, interroge et décide simultanément. »
— Henri Cartier-Bresson

Deux aspects que je trouve fondamentaux dans cette phrase d’Henri Cartier Bresson : le carnet de croquis et cette double identité d’une photo qui interroge et décide.

La photographie est un carnet de croquis, un journal de bord visuel de ce que l’on vit. Il me semble important de faire rentrer la photographie dans sa vie, dans son quotidien, et d’arrêter cette tendance que l’on peut avoir de ne photographier que ce que l’on croit être exceptionnel. Les bonnes photographies, il y en a partout et tout le temps, surtout dans le banal et le quotidien, surtout là où on ne regarde plus parce que ça nous est trop familier. Apprendre à être présent dans son environnement quotidien permet de découvrir des photos que l’on ne soupçonnait pas, tous ces moments que l’on disqualifie parce qu’on les a trop vus.

Faire rentrer la photo dans sa vie est aussi un moyen pour tout de suite produire un gros volume de photos qui vous feront progresser, si vous prenez le temps de l’analyse et de l’édition.

Enfin, une photo est un maître de l’instant qui interroge et décide en même temps. Une photographie interroge parce que le cadre exclut des éléments, et souvent les éléments que l’on ne peut pas voir dans une photo, que l’on devine parce qu’ils sont hors champ ou suggérés par le sujet de la photo, sont les éléments qui donnent toute la profondeur à une photo. J’aime une photo qui pose une question plutôt que celle qui y répond. Et en même temps, une photographie est une décision, surtout celle du photographe, de voir et montrer un sujet et une manière de le représenter visuellement.

4. Respecter le sujet

« Pour « donner un sens » au monde, il faut se sentir impliqué dans ce que l’on cadre dans le viseur. Cette attitude demande de la concentration, de la discipline, de la sensibilité et un sens de la géométrie – c’est par une grande économie de moyens que l’on parvient à la simplicité d’expression. Il faut toujours photographier dans le plus grand respect du sujet et de soi-même. »
— Henri Cartier-Bresson

J’aime particulièrement cette phrase d’Henri Cartier-Bresson. La photographie est d’abord une démarche personnelle, intime. C’est un rapport au monde que l’on propose en lui donnant sens. Il faut se sentir impliqué dans ce que l’on photographie. Pour moi, on doit savoir pourquoi est-ce que l’on photographie, ou au moins pourquoi est-ce que l’on montre ses photos.

La photographie est une sensibilité ET la photographie est une discipline, rigoureuse, ce sens de la géométrie et du cadre formel. Enfin la photographie est une concentration, on ne peut pas bien photographier juste en passant, à part les touristes qui ne nous concernent pas ici. C’est une présence que l’on appelle aussi “entrer dans la zone”. C’est une totale concentration vers le monde qui nous entoure, pour chercher une photo.

Enfin, Henri Cartier Bresson explique que la qualité extrême d’une photo est sa simplicité d’expression. Quand une photo est simple à lire, évidente à comprendre, son message n’en est que plus clair. Une bonne photo, c’est quand il n’y a plus rien à enlever.

5. L’arrêt esthétique

« Photographier, c’est retenir son souffle quand toutes les facultés convergent face à une réalité fuyante. C’est à ce moment-là que la maîtrise d’une image devient une grande joie physique et intellectuelle. »
— Henri Cartier-Bresson

Henri Cartier-Bresson retient son souffle à la prise de vue, cela m’emmène vers cet autre moment où l’on retient son souffle : devant une photo exceptionnelle, qui nous touche particulièrement. Cette relation très spéciale que l’on peut nouer avec une photo, la sienne ou celle d’un autre, ou même avec toute oeuvre d’art, est appelée par James Joycel’arrêt esthétique”. Dans mes recherches, j’ai trouvé ce commentaire de Rudolf Steiner qui décrit bien l’arrêt esthétique et les différentes fonctions d’une oeuvre d’art :

"Les arts ont cette mission très spéciale et sérieuse de nous engager sur trois fronts. L'art pornographique (qui ne signifie rien de sexuel dans ce cas) fait appel à notre volonté, à travers nos sentiments, tandis que l'art didactique fait appel à notre pensée à travers nos sentiments. Ce sont des formes d'art qui vont trop loin dans la direction du métabolisme ou de l'expérience de la volonté, d'une part, et trop loin dans le sens nerveux ou le processus de pensée, d'autre part, et qui ne résonnent pas pleinement dans le domaine du rythme et de la sensation, où l'on peut se sentir bien. Une épiphanie, comme l'appelait Joyce, dans le calme du cœur peut avoir lieu - ce que l'on appelle l'arrêt esthétique".

Ainsi, la joie physique d’Henri Cartier-Bresson relève pour moi de la volonté, alors que la joie intellectuelle relève de la pensée. Et, parfois, une photo combine les deux, et nous emmène vers une épiphanie, une photo qui nous fait retenir notre souffle. La carrière d’Henri Cartier Bresson nous a fourni quantité de photos, toutes plus exceptionnelles les unes que les autres.

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5 leçons de composition avec Henri Cartier-Bresson

Henri Cartier-Bresson est un photographe légendaire, photojournaliste et dessinateur français. Connu pour la précision et le graphisme de ses compositions, il s'est surtout illustré dans la photographie de rue, la photographie documentaire et la représentation des aspects particuliers ou signifiants de la vie quotidienne. Avec Robert Capa, David Seymour, William Vandivert et George Rodger, ils fondent en 1947 l'agence coopérative Magnum Photos.

C’est probablement le photographe le plus mondialement connu, il a inspiré des générations de grands photographes. Je ne crois pas avoir étudié un photographe qui ne le cite comme référence. Henri Cartier-Bresson est le grand maître des grands maîtres, et je n’ai probablement pas besoin d’en dire beaucoup plus.

J’ai une relation particulière avec Henri Cartier Bresson. Quand j’ai débuté en photographie et que j’ai suivi mes premiers cours et ateliers de photographie de rue, j’ai commencé à parler autour de moi de cet enthousiasme. Immanquablement, j’ai reçu en cadeau aux fêtes de fin d’année deux livres qui m’ont marqué à jamais : The Americans de Robert Franck et le Photo Poche d’Henri Cartier Bresson, qui retrace également la biographie du photographe. J’ai été subjugué par les images d’Henri Cartier Bresson et par le pouvoir de la photographie, et je me souviens m’être dit après avoir refermé le livre : “c’est ça que je veux faire”.

C’est amusant d’y repenser et de voir la place qu'a pris la photographie dans ma vie… Je n’ai pas pour objectif de vous présenter ici le travail ou l’histoire d’Henri Cartier Bresson. Simplement, je vous propose 5 citations d’Henri Cartier Bresson, parfois très connues, commentées. J’ai décidé de scinder cet article en deux et de vous proposer le premier uniquement sur la composition, puisque c’est ce pour quoi Henri Cartier Bresson est le plus connu : son sens de la géométrie et la qualité exceptionnelle de ses compositions.

5 leçons de composition avec Henri Cartier Bresson

  1. La composition est intuitive

« La composition doit être une de nos préoccupations constantes, mais au moment de photographier elle ne peut être qu’intuitive, car nous sommes aux prises avec des instants fugitifs où les rapports sont mouvants. »
— Henri Cartier-Bresson

Rien n’est plus important pour progresser que de savoir analyser une photo. Que contient-elle ? Que se passe-t-il ? Quelle est la symbolique du sujet principal qui y est présenté ? Des sujets secondaires ? Quelle relation est établie visuellement entre les différents plans de l’image ? Quel est le sens de lecture ? Qu’est-ce qui est absent du cadre mais contient du sens ?

Pourtant, cette analyse ne peut se faire qu’après avoir pris la photo, devant une planche contact ou devant Lightroom aujourd’hui. C’est en travaillant vos compositions et en analysant en profondeur vos photos, que vous vous donnerez le plus de chances de pouvoir composer de meilleures photos la prochaine fois que vous en ferez. Parce que la prise de vues est absolument intuitive. On a jamais le temps, en photographie de rue mais aussi en studio ou en paysage avec un trépied. Les moments les plus intéressants passent trop vite et la plupart du temps on n’arrive pas à les recréer ou à se remettre dans les mêmes conditions.

Ainsi, la composition est un des éléments les plus importants, sinon le plus important, mais on ne peut le travailler qu’une fois la photo faite et constater qu’on ne pourra jamais faire mieux… mais ce travail nous permet d’entraîner notre oeil à mieux voir et à saisir des compositions à la volée. Ou plutôt à la sauvette, comme le dirait Henri Cartier-Bresson.

2. Reconnaître le rythme du monde

« Pour qu’une photographie communique son sujet dans toute son intensité, le rapport de forme doit être rigoureusement établi. La photographie implique la reconnaissance d’un rythme dans le monde des choses réelles. Ce que fait l’œil, c’est trouver et se concentrer sur le sujet particulier dans la masse de la réalité ; ce que fait la caméra, c’est simplement d’enregistrer sur la pellicule la décision prise par l’œil. »
— Henri Cartier-Bresson

Cet aspect est particulièrement intéressant, Henri Cartier-Bresson nous propose ici d’apprendre à reconnaître le rythme des choses. II commence par souligner ce que nous connaissons tous de son travail : la rigueur de ses compositions et son sens aigu de la forme. Mais il rattache immédiatement cette forme au message de la photo. Parce que la photographie est une représentation du monde en deux dimensions, on ne peut représenter le mouvement permanent du monde que par un seul instant.

Certains moments représentent mieux le mouvement du sujet que d’autres, apprendre à reconnaître ces instants donnera de meilleures compositions. Ainsi, c’est bien le ou la photographe qui sait observer le rythme du monde. L’appareil n’étant qu’une chambre d’enregistrement des différentes tentatives de saisir l’instant parfait, ou le meilleur représentant de ce rythme.

”La décision prise par l’oeil” d’Henri Cartier-Bresson, c’est notre capacité d’observation et de concentration sur ce qui nous entoure.

3. Trouver l’équilibre

« En photographie, il y a une nouvelle sorte de plastique : le produit de lignes instantanées faites par les mouvements du sujet. Nous travaillons avec le mouvement comme s’il s’agissait d’un pressentiment de la manière dont la vie elle-même se déroule. Mais à l’intérieur du mouvement, il y a un moment où les éléments en mouvement sont en équilibre. La photographie doit saisir ce moment et maintenir l’équilibre immobile.

Certains mouvements sont mieux représentés par des images fixes que d’autres »
— Henri Cartier-Bresson

Henri Cartier-Bresson parle ici encore d’intuition et de mouvement : on anticipe ce que va donner une scène dans un cadre, on se projette dans un mouvement en espérant capter quelque chose d’intéressant.

Puis, il dévoile un élément fondamental pour la qualité de la composition d’une photo : l’équilibre. Comment est-ce que les lignes sont placées entre elles ? Quel est le rapport entre les formes géométriques et leurs surfaces dans le cadre ? Quel est le “poids” visuel d’un élément ou d’un autre ? Par exemple, si vous avez un personnage ou des lignes directrices, ce sera un point d’attention qui donnera un sens de lecture à la photo.

C’est un des principaux sujet d’étude que je propose chez des photographes expérimentés qui veulent franchir une étape : la capacité à évaluer l’équilibre d’une photo. C’est une notion qui peut paraître abstraite et qui a souvent besoin d’être démontrée par un recadrage qui propose un meilleur équilibre, même si la photo est parfois profondément modifiée.

4. Fixer un motif géométrique

« Parfois, il arrive que vous attendiez que quelque chose se produise. Parfois, on a l’impression qu’il y a ici tous les ingrédients d’une image, à l’exception d’une seule chose qui semble manquer. Mais quelle chose ? Peut-être que quelqu’un entre soudainement dans votre champ de vision. Vous suivez sa progression dans le viseur. Vous attendez et attendez, puis finalement vous appuyez sur le bouton - et vous partez avec le sentiment (bien que vous ne sachiez pas pourquoi) que vous avez vraiment quelque chose. Plus tard, pour étayer cela, vous pourrez prendre une empreinte de cette photo, y tracer les figures géométriques qui ressortent à l’analyse, et vous constaterez que, si l’obturateur a été relâché au moment décisif, vous avez instinctivement fixé un motif géométrique sans quoi la photographie aurait été sans forme et sans vie. »
— Henri Cartier-Bresson

Cette citation explique plus en détail le concept d’ “instant décisif”, qui est devenu avec les années probablement le plus gros cliché sur Henri Cartier-Bresson ou sur la photographie de rue en général. Certains vous diront que l’instant décisif n’existe pas, d’autres ne jureront que par lui ou diront que c’est simplement le titre en anglais du livre le plus connu d’Henri Cartier-Bresson. Au final, tout cela a assez peu d’importance, je préfère retenir dans cette citation que selon Henri Cartier-Bresson la photographie est d’abord une représentation géométrique.

Ensuite, la photographie est une recherche permanente. On attend, on attend encore, on suit quelqu’un ou un mouvement, on déclenche, on essaye autre chose. Parfois, on a le sentiment d’avoir quelque chose, aujourd’hui il est plus facile de le vérifier sur son écran, mais on en est jamais totalement certain. Henri Cartier-Bresson dit très bien que c’est à l’analyse que l’on peut vérifier que tout est bien en place sur la photo, qu’il ne manque rien ou que rien ne gêne.

Selon que le moment est intéressant ou non, en fonction de la géométrie de la photo, on saura si notre intuition a été décisive, au sens ou tout ce sera bien en place. L’instant décisif n’est pas tant une qualité du photographe, mais décrit plutôt la pratique, faite d’essais et d’erreurs, et cette recherche d’une géométrie parfaite.

5. Ne cherchez pas les effets

« Si vous commencez à couper ou à recadrer une bonne photo, cela signifie la mort de l’interaction géométriquement correcte des proportions. D’ailleurs, il arrive très rarement qu’une photographie faiblement composée puisse être sauvée par reconstitution de sa composition sous l’agrandisseur de la chambre noire ; l’intégrité de la vision n’est plus là. On parle beaucoup des angles de caméra ; mais les seuls angles valables qui existent sont les angles de la géométrie de la composition et non ceux fabriqués par le photographe qui tombe à plat ventre ou fait d’autres cabrioles pour se procurer ses effets. »
— Henri Cartier-Bresson

Henri Cartier-Bresson était un fervent défenseur de la photo parfaite à la prise de vue, il tenait à ce que ses photos soient publiées telles qu’elles avaient été prises. Le fin cadre noir qui entoure ses photos était la preuve de cette démarche intègre. Cette volonté correspondait au travail de photojournaliste, où un recadrage pouvait modifier le sens de la photo en la plaçant dans un contexte différent.

Le recadrage modifie également les équilibres géométriques, et donc la composition d’une photo. Henri Cartier-Bresson note ici que cela servait rarement la photo, mais surtout cela ne correspondait plus à la vision du photographe. En d’autres termes, un recadrage, c’est comme faire une nouvelle photo. Ce en quoi je suis plutôt d’accord. Mais je dois reconnaître être un pragmatique en la matière. Personnellement, je ne me pose qu’une seule question : est-ce que ce recadrage donne une meilleure photo ? Si la réponse est oui, je recadre.

Avec les années de pratique, j’ai trouvé la focale que je quitterai plus (le 35mm), qui correspond exactement à la manière dont j’aime voir et photographier. Ainsi, je recadre de moins en moins. Mais quand je vois une meilleure photo dans une de mes photos passables, je n’hésite pas, je recadre. Après, je vis assez bien avec ce paradoxe : quand on recadre trop, je trouve que c’est tricher. Quelle est la limite ? À chacun de trouver ce qui lui convient le mieux.

Henri Cartier-Bresson cherchait à donner une vision intègre et fidèle du réel, il disait que le 50mm était le plus proche de la vision humaine. Il nous propose ici de ne pas chercher les effets, par exemple en se mettant au sol. Pour ma part, je garderai les recadrages et les effets, si je crois que cela me permet de proposer une meilleure photo.

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5 leçons de photographie avec Hannah Price

Hannah Price est née à Annapolis, dans l’état du Maryland. Aujourd’hui installée à Philadelphie, cette photographe, mais aussi documentariste a consacré des années de sa carrière à saisir les nuances des identités raciales et des perceptions sociétales. 

C’est en 2014 qu’Hannah Price est diplômée du programme de photographie de la Yale School of Art MFA, recevant le prix Richard Benson pour son excellence en photographie. Au cours des dernières années, les photos de Price ont été exposées dans plusieurs villes des États-Unis, quelques-unes résidant dans la collection permanente du Philadelphia Museum of Art. Hannah est devenue membre de l'agence Magnum en 2020.

Hannah Price a crée de nombreux projets qui ont rencontré un succès, notamment City of Brotherly Love, de renommée mondiale, qui montre les harceleurs de rue (“catcalling” en anglais), que la photographe a rencontré à Philadelphie. 

Dans cet article, j’ai envie de vous faire découvrir Hannah Price à travers 5 leçons de photographie inspirantes.

5 leçons de photographie avec Hannah Price

Avant toute chose, il me paraît important de vous en dire davantage sur le projet Cursed by Night qu’a créé Hannah Price. Cette série a fait l'objet d'une exposition au Philadelphia Photo Arts Center. Voici comment la photographe décrit ce travail :

« Cursed by Night est une série où j’ai construit un concept où les hommes noirs sont maudits par la société à cause de la couleur de leur peau. Les images sont en noir et blanc et ont toutes été prises de nuit avec la lumière disponible, ce qui fait que mes expositions durent au moins 8 à 12 secondes. La noirceur de la nuit agit comme une toile de fond et un linceul ; visuellement, mes sujets se fondent dans l’obscurité, mais conceptuellement, ils sont obscurcis par elle, ce qui fait allusion à la perception de la société selon laquelle les hommes noirs sont une menace et sont dangereux. De ce fait, mes spectateurs n’ont pas accès à la personne réelle dans chaque photographie, ce qui leur permet de ne voir qu’en noir et blanc ou d’avoir de la sympathie pour une projection d’une personne. »
— Hannah Price

1- La photographie est plus qu’un art, c’est un appel au changement

« Je pense que la photographie peut contribuer aux perceptions erronées de la société. Tout dépend de l’esprit du spectateur. Les gens font ce qu’ils veulent et nous ne pouvons pas contrôler les expériences des autres - les gens voient en fonction de leur propre expérience. Personne ne choisit sa vie, son lieu ou ses origines. Idéalement, à mon avis, si la société était plus intégrée, un groupe de personnes diverses pourrait avoir des expériences diverses, et il y aurait moins de problèmes sociaux. Comme j’ai choisi de donner aux gens des photographies, j’essaie de les inciter à réfléchir à ce qu’ils voient devant eux : si leur propre projection est vraie ou non, dans leur situation. Et potentiellement, je les aide à réfléchir à la réalité des images, et à la réalité de ce qu’ils voient dans leurs propres expériences, passées ou possibles. »
— Hannah Price

Selon Hannah Price, la photographie peut contribuer aux changements des modes de pensée sociétaux actuels, non pas en montrant ou en dénonçant, plutôt en posant une question et en proposant une réflexion. Elle peut, à son échelle, permettre de faire avancer les choses. Cependant, les points de vue sont tellement différents, à travers nos propres expériences passées ou notre éducation, nous développons des idées souvent bien ancrées. La photographie permet tout de même au public de s’interroger, de réfléchir, de percevoir les différences entre la réalité des images et la réalité de ce qu’ils perçoivent eux-mêmes.

2- Le rôle du photographe est de communiquer pour une cause

« Mon rôle en tant que photographe est de communiquer visuellement. Et personnellement, pour Cursed by Night, je veux documenter la vie et la politique tout en ajoutant un concept d’horreur. Le noir est inséparable d’un réseau dense de connotations figuratives presque toutes négatives : impureté, péché, mort, mal. Le profilage racial des hommes noirs existe depuis toujours en Amérique. Utiliser des techniques visuelles pour forcer une conversation sur ce problème social particulier était mon objectif personnel. J’espère surtout faire réfléchir les gens sur leur propre réaction face aux hommes noirs, même si l’œuvre est sombre et présente des hommes noirs innocents sous un jour négatif (ce que fait le profilage racial). Cette imagerie flagrante me permet de parler du concept et de la façon dont il affecte la vie de personnes innocentes - parfois en leur ôtant la vie. Je propose également de parvenir à une compréhension de la différence entre la réalité et les perceptions entretenues par les personnes non noire, ce qui est la seule façon pour nous de contribuer à mettre fin à cette malédiction. »
— Hannah Price

L’objectif premier d’Hannah Price dans son projet Cursed by Night est de faire réfléchir et de changer les mentalités sur une cause qui lui est importante et très personnelle. C’est aussi ça, la photographie : communiquer visuellement, avec des images plus touchantes, percutantes et significatives. C’est pour elle, une documentation de la vie, et aussi un message politique. Les techniques visuelles qu’Hannah Price utilise dans ses photographies sont là pour accentuer son propos et dénoncer le problème social qu’elle veut montrer. La technique photographique est au service de son message.

3- La photographie s’apprend, mais surtout, elle se ressent

« Je crois être très différente de la plupart des photographes ; je ne prête pas intentionnellement attention à ce qui se passe dans la photographie contemporaine. Je la découvre par hasard sur Internet ou lors de visites occasionnelles de musées. Sauf si je donne un cours, où je m’informe pour informer les étudiants. Pour mon travail personnel, je fais ce que j’ai envie d’exprimer et je me soumets parfois à des opportunités, parfois non. »
— Hannah Price

Hannah montre une candeur infinie dans le monde de l’art contemporain, mais je ne pourrai jamais vous conseiller de procéder ainsi. Il me semble primordial de connaître les photographes qui ont travaillé sur le sujet ou le projet qui vous occupe. C’est le seul moyen d’évaluer la qualité de son travail et de vérifier l’originalité du message ou de la proposition qu’il porte.

4- Le quotidien comme inspiration

« Les artistes qui m’influencent changent tout le temps. Cependant, je m’inspire surtout de la vie de tous les jours, que ce soit la mienne, celle de ma famille, de mes amis ou de ce que je vois sur le plan politique dans les actualités. »
— Hannah Price

Avec les années, personnellement je cherche des influences ou des artistes ou photographes que je prends comme modèles en fonction du projet qui m’occupe. Quand j’ai commencé mon livre sur Salvador de Bahia, je suis devenu boulimique du travail d’Alex Webb, notamment au Mexique où je trouvais des lumières et des ambiances tropicales similaires.

Et depuis l’année dernière avec la résidence à Port Fréjus, j’ai travaillé sur un sujet au long cours qui évolue au fur et à mesure de ma pratique et de l’écriture (encore limitée) de mon prochain livre. Mais j’ai toujours deux ou trois photographes qui sont des références pour mon travail, même quand je suis sur un travail plus personnel.

5- Comment approcher ses sujets

« Si je suis intéressée pour photographier un inconnu dans la rue, je l’observe discrètement pour avoir une idée de son caractère et je m’approche lentement de lui en disant “excusez-moi”. Je me présente, je lui dis que je suis photographe et pourquoi je suis intéressée pour le prendre en photo. Cependant, il arrive que les gens me parlent d’abord et que je poursuive la conversation - pour finalement leur demander la permission de les photographier »
— Hannah Price

Vous pouvez avoir une approche de la photographie de rue qui laisse plus de chance au hasard et à l’exploration, ou simplement prendre l’habitude comme Hannah d’aller voir les gens et de leur expliquer votre démarche. Personnellement, je fais les deux, en fonction de l’envie du moment ou de la nature de la scène.

Mais si vous refusez d’aller parler au gens ou de les prendre en photo, je crois que vous passez simplement à côté de la meilleure des expériences en photographie : les rencontres, la curiosité et l’empathie. Quelque soit le sujet qui vous occupe, on photographie toujours un peu à propos de soi, et jusqu’à preuve du contraire nous sommes des êtres humains.

Allez parler aux inconnus, vous serez surpris de la gentillesse et de l’amitié que vous rencontrerez, surtout envers des photographes ou des artistes.



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5 leçons de photographie avec Susan Meiselas

Susan Meiselas est une photographe documentaire née le 21 juin 1948 à Baltimore, dans le Maryland. Elle a notamment obtenu un diplôme “Master of Arts” en éducation visuelle de l'Université de Harvard. 

Magnum Photos est associé à Susan Meiselas depuis 1976, et elle en est membre à part entière depuis 1980. Le travail de Susan Meiselas sur les questions de droits de l'homme en Amérique latine est bien connu. Ses photographies font partie de collections nord-américaines et internationales. Ses clichés les plus connus sont ceux du Nicaragua déchiré par la guerre et des strip-teaseuses des carnavals américains des années 1970. 

Parmi les ouvrages que Meiselas a édités et auxquels elle a contribué figurent El Salvador : The Work of Thirty Photographers et Chile from Within, qui présentait des images prises par des photographes vivant sous le régime de Pinochet. Les trois films qu'elle a co-réalisés sont Living at Risk : The Story of a Nicaraguan Family, Pictures from a Revolution, dans lequel elle recherche les personnes figurant sur ses photographies dix ans après qu'elles ont été prises, et Re-Framing History, dans lequel elle retourne au Nicaragua avec 19 peintures murales pour les placer dans le paysage où elles ont été réalisées afin d'interroger à nouveau l'histoire qu'elles représentent 25 ans plus tard.

Susan a organisé une histoire photographique centenaire du Kurdistan sur une période de six ans, en incorporant son propre travail dans Kurdistan : In the Shadow of History, ainsi que le site web pionnier aka KURDISTAN, une archive en ligne de la mémoire collective et des échanges culturels.

Susan Meiselas est une photojournaliste de légende que j’ai découvert pour ses talents pédagogiques, qui ne sont pas les moindres. Je vous propose ici certaines de ses réflexions sur l’évolution du métier de photographe.

1- Trouvez votre vision unique

« Certains d’entre nous se sont retrouvés dans des situations où il y a beaucoup d’autres photographes avec exactement le même cadre, et pourtant nous voyons des moments et des cadres complètement différents. Alors, qu’est-ce qui est important ? L’histoire qui est racontée ? Ou est-ce la vision de ce qu’est une histoire ? »
— Susan Meiselas

Quand j’espérais travailler régulièrement pour la presse, il ne se passait pas un week-end sans que j’aille voir les manifestations à Paris. J’étais un de ces jeunes photographes morts de faim, dans tous les sens du terme. Nous étions nombreux. Très nombreux. Comme dans toute photographie, ce qui va faire une différence entre les photographes est parfois la capacité à accéder à certains contacts chez des médias ou des clients. Mais je crois sincèrement que des photos fortes et originales prennent vie et dépassent le photographe. Ce qui fait vraiment la différence est l’originalité du point de vue, la réflexion, le sens de l’histoire qui est à raconter. En d’autres termes, dix photographes au même endroit auront dix visions différentes du monde et ne produiront pas les mêmes photos.

De manière plus prosaïque, quand j’emmène des photographes dans des lieux photographiés des millions de fois chaque à New York ou à Paris, je les invite à réfléchir à une manière originale de présenter ce lieu, même si cela paraît impossible. Trouver sa vision est un travail, et si vous n’êtes pas sûr de la direction que vous prenez dans votre photographie, c’est probablement que vous avez encore besoin de la chercher.

Susan Meiselas / Magnum Photos

Susan Meiselas / Magnum Photos

Susan Meiselas / Magnum Photos

2- Utilisez de nouvelles formes de narration

« J’ai l’impression de travailler sur plusieurs plateformes depuis longtemps, donc même si mon cœur de métier est la photographie, j’essaie toujours de trouver des formes différentes de narration. L’endroit logique pour le travail d’un photographe est la publication, mais nous y avons moins accès aujourd’hui, alors que l’environnement en ligne nous est totalement ouvert, mais cela ne crée pas nécessairement une forme, cela crée simplement une large distribution.

Je pense que le défi pour les photographes est toujours d’apporter une compréhension totale à leur travail et de lui donner une forme. Personnellement, je trouve qu’explorer le film et intégrer la photographie est tellement plus facile grâce à la technologie numérique. Il existe d’énormes possibilités d’expérimentation, même avec de très petites histoires. Il faut juste trouver suffisamment de temps et le bon projet pour trouver quelque chose d’expressif et de particulier aux nouveaux médias. »
— Susan Meiselas

Le métier de photographe a toujours été dans un mouvement permanent, dans une conquête de nouvelles formes de narration qui ont parfois l’air de brûler sur leur passage les précédentes. J’ai l’impression d’avoir toujours entendu que le métier de photographe était plus doré avant. Je me souviens notamment de ces photographes qui me demandaient s’il fallait partager leur travail sur des réseaux sociaux, pendant que je vendais trois tirages de la photo du jour.

Je suis bien sûr concerné ce problème, je n’arrive pas à me résoudre aux nouveaux formats, souvent verticaux, souvent en vidéo. Pourquoi produire des Reels ? Pendant que je me pose cette question, des photographes gagnent des milliers d’abonnés et vendent sûrement plusieurs tirages sur TikTok :)

Cette réflexion ne concerne pas seulement la distribution de son travail en photo. Il est certainement encore plus important d’intégrer de nouveaux outils dans la narration elle-même. L’enjeu pour tout photographe est de créer. De créer, et aussi de transmettre, d’exprimer, et de faire comprendre, de donner du sens à ses photos. Tout comme un tableau uniquement rempli de vert ne se résume pas à sa couleur, il a un sens, un message. Avec les nouveaux médias, prendre le temps d’utiliser ses clichés et leur donner une nouvelle forme est essentiel.

Susan Meiselas / Magnum Photos

Susan Meiselas / Magnum Photos

Susan Meiselas / Magnum Photos

3- Inventez de nouveaux modèles

« Il y a maintenant beaucoup de possibilités d’expérimentation, qui ne sont limitées que par le temps, la vision et la concentration. Bien sûr, je suis très préoccupée par les questions économiques, moins pour moi en ce moment que pour les générations futures qui ont été inspirées et qui doivent trouver de nouveaux modèles pour financer leur travail. Je n’ai pas eu besoin d’inventer un nouveau modèle quand j’avais vingt ans, j’ai travaillé d’une manière qui me convenait et des opportunités se sont présentées, comme ce sera peut-être le cas pour les générations futures. Mais il faudra qu’elles aient l’esprit d’entreprise et qu’elles soient créatives et innovantes dans leur façon de créer des communautés, qu’elles se soucient du travail qu’elles font. Elles devront avoir la conviction de ce qu’elles veulent dire.

Aujourd’hui, les histoires peuvent avoir un impact incroyable à une échelle que nous n’avons jamais connue auparavant. Il est évident que nous avons capturé des moments dans le passé qui ont été distribués internationalement et nous ont alertés d’événements importants, mais aujourd’hui ces moments sont diffusés simultanément à une communauté mondiale. Peut-être cela a-t-il commencé avec le 11 septembre, même si nous ne tweetions pas à l’époque. La technologie numérique et le nouveau paysage médiatique ont augmenté les possibilités d’impact multiple pour un ensemble d’images. Cela crée des opportunités, mais cela peut aussi être accablant. »
— Susan Meiselas

Si vous ne devez retenir qu’une seule chose de cet article : ayez de la conviction. Sinon, commencez à vous en forger une. Les possibilités en photographie avec les nouveaux médias et les nouvelles formes de narration ou de distribution sont infinies. La seule chose qui nous manque est de le temps pour faire, produire les photos et exécuter les idées que nous pourrions avoir.

Vous travaillez sur des sujets qui ont vocation à avoir un impact, qui sont militantes ? Les possibilités de distribution de vos photos sont innombrables, et toutes les parties prenantes du sujet qui vous occupe sont accessibles. Allez au delà des médias, pensez aux associations, aux ONG, aux entreprises qui sont concernées par votre message.

Vous avez une démarche d’auteur et préférez travailler au long cours ? Les possibilités ouvertes par le financement participatif ont donné lieu ces dernières années à des centaines d’ouvrages qui n’auraient probablement jamais vu le jour. Et il y a sûrement de nouveaux modèles à inventer.

Pour ceux qui se considèrent avant tout comme des artistes et veulent exposer leur travail, il est indéniable que les NFT ont bouleversé le paysage et le marché artistique depuis deux ans, malgré tous les défauts inhérents à ces nouvelles formes de distribution. Et il est à peu près certain que les NFT représentent plus l’avenir que le passé de la distribution des arts numériques, dont la photographie fait partie.

Susan Meiselas / Magnum Photos

Susan Meiselas / Magnum Photos

Susan Meiselas / Magnum Photos

4- Adaptez-vous en permanence

« Nous avions l’habitude de parler de “fatigue de la compassion”. J’évite les médias sociaux parce que c’est un défi de rester sensibilisé, afin de pouvoir ressentir ce que je ressens et agir en conséquence quand cela me semble juste... Lorsque j’ai réédité le livre sur le Nicaragua, environ 30 ans plus tard, j’avais réalisé le long métrage Pictures from a Revolution, et nous avons inséré le DVD à la fin du livre. Et j’ai adoré l’idée que cet objet linéaire fixe puisse avoir cette extension de temps incorporée en lui.

Quand Aperture a voulu publier une troisième édition du livre, ils ont dit que nous ne pouvions pas faire de DVD parce que plus personne ne les utilise. On ne prévoit pas que la technologie évolue aussi vite. Cette fois-ci, j’ai donc personnalisé, avec une équipe de développeurs, une application appelée “Look and Listen”, qui vous permet de placer votre téléphone au-dessus d’une image donnée et de déclencher le clip sonore correspondant du film, afin que vous puissiez entendre la voix des personnes présentes sur les images. Cela répond à un certain type de tempérament que nous avons aujourd’hui : personne ne veut regarder un film de 90 minutes, mais un clip de 2 à 4 minutes correspond à peu près à notre capacité d’attention. »
— Susan Meiselas

Si vous êtes sérieux avec votre photographie, il n’y a qu’une seule manière d’avancer : vous devez vous ré-inventer en permanence. Je ne compte plus les virages dans mon parcours de photographe. Depuis deux ans, j’ai le bonheur de pouvoir accompagner des photographes dans ces transformations personnelles, et c’est exactement pour cela que je propose mon programme de Mentorat.

Peut-être que pour vous, cela commencera par la production d’un essai ou projet photographique personnel, auquel cas j’ai également conçu cette formation pour vous y aider.

Susan Meiselas / Magnum Photos

Susan Meiselas / Magnum Photos

Susan Meiselas / Magnum Photos

5- Ce n'est pas l'objectif que vous utilisez, c'est l'objectif que vous pensez être

« J’aime changer d’appareil photo, j’aime faire l’expérience de différents appareils. Il y a quelque chose dans un changement de format qui fait bouger l’œil différemment. L’Hasselblad est un appareil très immobile, parfaitement aligné, avec un horizon plat. Avec un appareil panoramique, quand vous bougez, il bouge, et vous avez donc une relation très différente avec un sujet en mouvement. Il était parfait pour un processus et un projet particulier, mais je ne l’ai plus utilisé depuis...

Le Leica était parfait pour les strip-teaseuses du carnaval, mais pas pour moi maintenant. En numérique, j’ai eu tendance à travailler avec une seule marque, Canon. Le numérique est phénoménal pour la qualité qu’il peut vous donner, mais c’est un appareil lourd... Entre un Hasselblad et un Rollei, il n’y avait peut-être pas une grande différence, parce qu’ils étaient tous deux carrés, bons pour le portrait, alors que pour le reportage, un 35 était bien.

Je ne parle pas des objectifs - c’est un autre sujet. Inévitablement, quelqu’un me demande après une conférence : “Quel objectif utilisez-vous ?” Ce à quoi j’ai répondu : ce n’est pas l’objectif que vous utilisez, c’est l’objectif que vous pensez être. »
— Susan Meiselas

L’appareil photo n’est qu’un outil. J’irais même jusqu’à penser que les photos doivent devenir elles-mêmes des outils, au service d’une vision, d’un message et d’un objectif personnel.

Susan Meiselas / Magnum Photos

Susan Meiselas au Nicaragua en 1971

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5 leçons, Inspiration, Portraits, Projet Photo Genaro Bardy 5 leçons, Inspiration, Portraits, Projet Photo Genaro Bardy

5 leçons de photographie avec Bieke Depoorter

Originaire de Courtrai, en Belgique, Bieke Depoorter est née en 1986. La photographe a obtenu un master en photographie à l'Académie royale des beaux-arts de Gand en 2009. À 25 ans, elle a été nommée pour rejoindre L’agence Magnum, dont elle est devenue membre à part entière en 2016.

Ses premières photographies sont le résultat d'une approche unique : elle rencontre des gens par hasard et arrive à photographier dans leurs maisons et à capter leur intimité. Bieke Depoorter capture des moments indescriptibles, fragiles et intenses.

1- Proximité et authenticité

« Tout le monde sait que je pars le lendemain matin, donc nous n’avons que quelques heures ensemble. Il est plus facile de partager des secrets avec un étranger - quelqu’un que vous savez que vous ne reverrez jamais - qu’avec un ami proche que vous voyez tous les jours. Pour moi, la nuit et les gens dans leur maison ont quelque chose de spécial. Quand il fait sombre, l’atmosphère change. Les gens sont plus réels, d’une certaine manière. Dans la rue, on fait semblant d’être quelqu’un d’autre. Je le fais moi-même. Mais quand vous rentrez chez vous, le masque tombe. »
— Bieke Depoorter

Le secret de Bieke Depoorter : l’authenticité. Comment y arriver ? La proximité, l’intimité avec ses sujets… Bieke nous montre que s’immiscer dans le quotidien des gens permet de révéler qui ils sont vraiment. Chez soi, on ne porte plus de masques, il n’y a plus de prétentions, de paraître, nous pouvons être qui nous sommes réellement.

C’est probablement une démarche qui peut faire le plus peur pour des photographes, mais tout comme je vous conseillerai en photographie de rue de commencer à aller parler à des inconnus si vous voulez progresser, si vous êtes intéressés par la photographie documentaire, commencez par frapper à la porte de vos voisins et proposez leur une séance de photos chez eux ou un reportage dans leur activité professionnelle. Vous serez surpris de la facilité avec laquelle les gens acceptent.

C’est exactement la démarche que j’ai proposé à Élodie Sauvage Pieri dans mon groupe de Mentorat l’année dernière, alors que la France était sous couvre-feu, et le résultat fut remarquable.

Photo © Bieke Depoorter

Photo © Bieke Depoorter

2- Gagner la confiance de ses sujets

« Je voulais essayer de trouver la confiance dans un endroit où il n’y a pas de confiance. J’avais vraiment l’impression que les gens protégeaient leur vie privée. Ils sont amicaux dans la rue, mais ils ne vous inviteraient pas chez eux. Nous voyagions ensemble dans de petites villes et marchions toute la journée jusqu’à ce que nous trouvions quelqu’un qui nous fasse confiance et à qui nous faisions confiance. Puis, une fois que nous étions d’accord pour que je passe la nuit sur place, elle me laissait tranquille. »
— Bieke Depoorter

Toute photographie en dit autant sur le ou la photographe que sur le sujet qui est montré. En portrait, le résultat est la conséquence directe de la relation que vous allez établir avec les personnes que vous rencontrerez. Dans la grande majorité des cas, vous ne connaîtrez pas les personnes avant de commencer à les photographier.

Personnellement, pour établir la confiance, je demande simplement quelle est l’histoire de la personne, qu’est-ce qui l’a amené ici ou là, et je suis très attentif à la réponse. Je crois que la confiance se gagne par la preuve, en étant sincèrement intéressé par la personne et curieux de qui elle est. Pour bien voir, il faut parfois savoir écouter.

Photo © Bieke Depoorter

Photo © Bieke Depoorter

Photo © Bieke Depoorter

3- La réalité est plus lumineuse une fois la nuit tombée

« - Quel est votre rapport à la nuit ?

“Je pense que c’est le moment de la journée où on fait ressortir sa véritable identité́. Moi y compris. Je vois le monde différemment quand le soleil est couché. D’ailleurs, je ne prends presque plus de photos le jour.”

- C’est contradictoire avec l’étymologie du mot “photographier” : “écrire avec la lumière”.

“C’est vrai. Mais pour moi la réalité est plus lumineuse une fois la nuit tombée. »
— Bieke Depoorter

Rien ne remplace la nuit, d’abord pour tout ce qu’elle contient de symbolique, il va sans dire que c’est la nuit qui révèle notre part d’ombre. La lumière ne serait rien sans l’ombre qu’elle crée, de la même manière la nuit sublime toutes les sources de lumière et montre la face cachée de l’humanité. Ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle le “monde de la nuit”.

Photo © Bieke Depoorter

Photo © Bieke Depoorter

Photo © Bieke Depoorter

4- Photographier ses émotions

« - Des influences et des inspirations ?

“Ce qui est bien est que mes parents n’aiment pas l’art et que, jusqu’à l’âge de 18 ans, je n’ai jamais visité de musée. Je n’avais donc pas d’idées préconçues avant de commencer à prendre des photos. Je photographie simplement comme je le sens. Cela peut paraître cliché, mais ce sont les petites choses de la vie qui continuent de m’inspirer. »
— Bieke Depoorter

Voici le meilleur conseil : écouter ses envies, ses émotions. Cela permet d’affirmer son style et de faire ressortir sa personnalité. La vie doit vous inspirer, autant que les grands maîtres de la photographie. L’inspiration vient d’abord de vous-même, car la photographie est une pratique essentiellement intuitive.

(Même si je vous conseillerai toujours de connaître l’histoire de la photographie et ceux qui sont passés avant vous ;) )

Photo © Bieke Depoorter

Photo © Bieke Depoorter

Photo © Bieke Depoorter

5- Considérer les gens comme des acteurs et non des sujets

« Le projet en Égypte en 2011 m’a transformé. Le fait de photographier, moi l’Européenne, ce peuple en pleine révolution m’a fait prendre conscience du regard que je pose et qui est forcément biaisé parce que c’est le mien. Ensuite, à Sète et avec le court-métrage que j’ai réalisé́ en Norvège en 2015, j’ai fini par accepter de considérer les gens que je prenais en photo comme des acteurs, et pas comme des sujets. »
— Bieke Depoorter

Depuis quelques années, je parle toujours des personnes dans mes photographies comme étant des personnages. Quel est le langage du corps ? Qu’est-ce qu’ils ont l’air de faire ou de penser ? Même si ce n’est pas conforme à la réalité de ce que je connais du sujet ou de la scène, la seule chose qui importe est ce que montre la photo et ce que ressent le spectateur en étant mis face à ce personnage.

Prendre chaque sujet comme un personnage ouvre également des possibilités infinies dans les techniques narratives pour construire une série de photographies ou un projet.

Photo © Bieke Depoorter

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